
Camille Claudel voit le jour en 1864 à Fère-en-Tardenois. Elle est l’aînée de Louise (1866) et de Paul (1868). Après avoir passé son enfance à Villeneuve-sur-Fère, la famille s’installe à Nogent-sur-Seine. Elle y restera trois ans de 1876 à 1879.
C’est là que naîtra son intérêt pour la sculpture avec des premières petites figurines de terre. Un intérêt qui interpellera son père, Louis Prosper, et le poussera à inviter chez lui un jeune artiste de 26 ans Alfred Boucher pour qu’il donne son avis sur le talent précoce de sa fille. Ce dernier la trouvera franchement douée et lui prodiguera de précieux conseils.
Devant les différentes aspirations artistiques de ses enfants, à savoir : Camille la sculpture, Louise la musique et Paul l’écriture, Mr Claudel décidera de partir s’installer à Paris.

Camille a voué un amour absolu et viscéral à son art. On peut même dire que la sculpture l’a complètement possédée. Elle est entrée en elle comme d’autres entrent en religion, par vocation. Elle va affronter toutes les difficultés d’un tel métier pour une femme à cette époque, et toutes les incertitudes qui vont avec. Elle a eu une existence tragique, douloureuse, a connu des joies et des peines dans son enfance (mal aimée par sa mère qui lui reprochera toujours d’être née pour consoler la perte d’un premier fils et lui en voudra de ne pas être lui), l’amour, la trahison, la gloire, le succès, la souffrance, le désespoir.

En 1882, elle rencontre Rodin. Elle a 18 ans, lui 42. Elle vient dans son atelier pour recevoir son enseignement, le regarder modeler, sculpter, et travailler avec lui comme cela se faisait traditionnellement.
Rodin est né en 1840 à Paris. Quatorze ans plus tard, et grâce à sa sœur Maria qui a compris très vite le désir artistique de son frère et interviendra auprès de leurs parents, il entre à la Petite École où il aura Jean-Baptiste Carpeaux comme professeur de modelage. En 1863, fortement touché par le décès de Maria, c’est le noviciat durant quelques temps, avant de reprendre son travail un an plus tard et rejoindre la rue de la Tour d’Auvergne à Paris, où se trouvait l’atelier de Ernest Carrier-Belleuse, l’un des sculpteurs le plus célèbre de son époque.
Dix années plus tard, il part pour l’Italie et découvre, avec bonheur, les œuvres de Michel-Ange à Rome. Ce sera une rencontre déterminante pour la suite qu’il donnera à son travail, la forme et la lumière. Durant tous ses voyages, que ce soit en France, en Belgique ou en Italie, Rodin a beaucoup dessiné sur des carnets, a pris de nombreuses notes et accumulé un grand nombre de connaissances nouvelles qui lui seront fort utiles, voire même nécessaires pour son art.
Entre scandales, coups d’éclat, amours passionnés, contrariés, succès, il va considérablement accroître sa popularité et acquérir une très grande reconnaissance. Ses ateliers seront des immenses laboratoires où il sculpte, explore toutes les facettes de son art, invente, assemble, défait, refait, élabore de nouvelles formes techniques et cherche sans cesse.

Le maître va très vite se rendre compte de l’incroyable talent de son élève. Il dira plus tard » je lui ai montré où se trouvait l’or, mais l’or qu’elle trouve est à elle « . A une certaine période de sa vie, il va devenir son pygmalion, son père, son frère, l’amant mais jamais le mari. Pour lui elle sera son élève, sa collaboratrice, sa muse, sa maîtresse. Leur passion amoureuse, souvent douloureuse, et leur fusion artistique s’imprègneront jusque dans leurs œuvres. Leur relation sera faite d’amour passionnel, de déchirements, de séparations fréquentes et réconciliations.
« je n’en puis plus. Je ne peux plus passer un jour sans te voir. Sinon l’atroce folie. C’est fini, je ne travaille plus divinité malfaisante, et pourtant je t’aime avec fureur. Ma Camille, sois assurée que je n’aime aucune femme en amitié et toute mon âme t’appartient. » Rodin, dans une lettre à Camille en 1886
A partir de 1893, leur relation va se dégrader : il a une double vie en la personne de Rose Beuret (une couturière rencontrée en 1864 et qui lui sert de modèle) qu’il ne parvient pas à quitter. Camille est lasse de cette vie amoureuse compliquée, faite de mensonges et infidélités. Par ailleurs, on attaque sa réputation en faisant croire que certaines de ses œuvres sont de Rodin ou qu’elles ne sont qu’un vulgaire plagiat des pièces du Maître. Au sommet de sa gloire, elle se révoltera car elle veut être mieux comprise et reconnue pour son travail personnel.

A 53 ans, Rodin décide d’épouser Rose, de se consacrer à son art et mettre un terme à la passion dévastatrice éprouvée pour Camille. Ils auront un fils. Délaissée non seulement par Rodin mais également par sa famille, décriée, Camille va s’enfermer dans son atelier, traversera une solitude accompagnée d’une névrose obsessionnelle qui ne va faire que s’accroître au fil des années. Elle vivra au milieu de ses sculptures (dont elle détruira d’ailleurs une partie) et de ses chats, dans la saleté, misérable jusque dans sa tenue et sombrera dans une forme de démence.
En 1913, elle est placée d’abord à l’asile de Ville-Evrard entièrement réservé aux femmes, puis elle sera transférée à Montdevergues qui se trouvait dans le département du Vaucluse. Un établissement dont on disait purement et simplement qu’il était un mouroir. Elle ne sculptera plus. Sa vie ne deviendra alors qu’une très longue agonie. Elle meurt en ce lieu trente ans plus tard. Aucun membre de sa famille ne sera présent pour suivre sa dépouille. Elle sera enterrée dans une tombe anonyme du carré des indigents.
Rodin décèdera en 1917 à son domicile-atelier de Meudon des suites d’une pneumonie. Il avait été promu officier de la légion d’honneur en 1892, Commandeur en 1903, élevé à la dignité de Grand Officier en 1910. Toutefois, pour raison de guerre, le gouvernement excluera des funérailles nationales.