Christophe ROUSSET …

 » A l’Opéra, il faut avoir une vision dramaturgique des choses, être un architecte et comprendre comment marchent ces grandes arches de façon à avoir une urgence, quelque chose qui, d’un point de vue dramatique, fonctionne et n’a pas de moment creux.

Le fait d’avoir été claveciniste, et de l’être toujours, c’était comme voir le monde en noir et blanc. Ce qui n’est pas réducteur pour un photographe ou un cinéaste. C’est une façon de voir le monde de manière abstraite où toutes les nuances de gris sont fondamentales pour vous amener vers un imaginaire. Avec l’orchestre on a une multitude de couleurs à disposition. L’orchestre a beaucoup influencé mon jeu de claveciniste.

Plus on dirige, plus on devient chef. Et plus on est chef, plus on a envie d’avoir des bras qui se développent jusque vers des répertoires symphoniques de grande ampleur.  » Christophe ROUSSET (Claveciniste français, chef d’orchestre, spécialiste de musique baroque, fondateur ( 1991) de l’Ensemble Les Talens lyriques)

Christophe ROUSSET

ISIS … Jean-Baptiste LULLY

Isis, créé à Saint-Germain-en-Laye en 1677 , ne fut pas l’opéra le plus aimé de Lully. Le livret est de Philippe Quinault. Ce dernier tomba en disgrâce à cause de cette œuvre. On l’écarta même de la Cour durant deux ans ! Tout simplement parce que Madame de Montespan crut reconnaitre l’histoire qu’elle vivait , à ce moment là, avec le roi. Elle pensait qu’on avait voulu se moquer d’elle (en la représentant en Junon) et du fait qu’elle avait été délaissée par Louis XIV ( Jupiter) qui lui préférait alors Mademoiselle de Ludres (Io) … Bref, elle en était tellement persuadée qu’elle fit arrêter toutes les représentations.

La musique fut l’objet d’un grand nombre de critiques à l’époque, affirmant notamment qu’elle était trop savante ! Fort heureusement, au fil des siècles, on a rendu à cette œuvre lyrique la place de choix qu’elle méritait. La musique est éclatante. C’est vraiment, comme beaucoup l’ont affirmé à juste raison : l’opéra des musiciens. Il est joyeux, harmoniquement jubilatoire, les duos inventifs , les arias charmantes, les chœurs superbes, le final grandiose. Il y a de l’émotion, de la subtilité Franchement, il est à conseiller à toutes celles et ceux qui aiment le lyrique baroque.

Le Chœur des Trembleurs (Io a été exilée vers des terres glaciaires) a été rendu très célèbre en raison du procédé utilisé par Lully pour donner l’impression des voix tremblotantes de froid (à savoir doubler les syllabes d’une note pour les accentuer ) a été repris par d’autres . On le retrouve notamment chez Vivaldi et Purcell dans certaines de leurs œuvres.

 » L’hiver qui nous tourmente
S’obstine à nous geler:
Nous ne saurions parler
Qu’avec une voix tremblante:
 La neige et les glaçons
 Nous donnent de mortels frissons
.

Les frimas se répandent
Sur nos corps languissants:
Le froid transit nos sens,
Les plus durs rochers se fendent:
 La neige et les glaçons
 Nous donnent de mortels frissons
« 

( Vidéo :  » Le Chœur des Trembleurs  » (l’hiver qui nous tourmente) Acte IV / Scène 1 – LES TALENTS LYRIQUES & LE CHŒUR DE CHAMBRE DE NAMUR – Direction Christophe ROUSSET )

 
 

La pluie …

 » Suspendue à ses fils en chemise de nuit
La pluie lit le journal au soleil de midi.

Elle lit, et bientôt les nouvelles l’ennuient.
Quelle Terre à soucis ! Que de mélancolie !

Et l’on croit qu’elle pleure alors qu’elle, la pluie,
Ne cesse dans son cœur de rire à la folie!

– Si je tenais ici l’animal qui a dit :
« Triste comme la pluie », il verrait du pays !

En s’étirant, la pluie reprend le journal gris.
-Que dit la météo ? « Aujourd’hui : de la pluie ».

Alors elle soupire et s’en va dans Paris
Arroser les jardins, les chats et les souris. » Marc ALYN (Poète français)

Camille PISSARRO
Jean BÉRAUD

Femme lisant … Will BARNET

 » En 1919, à l’âge de 8 ans, Will Barnet (né en 1911) décida qu’il voulait devenir artiste. Peu de temps après, il créa un atelier dans le sous-sol de la maison de son enfance à Beverly (Massachussetts). Il y passa des heures à dessiner et à exécuter les portraits des membres de sa famille et de ses animaux domestiques, plalçant la source de lumière sur le côté gauche afin d’imiter son peintre préféré : Rembrandt.

A l’âge de 21 ans, il s’installa à Manhattan. Là il étudia la lithographie avec Charles Locke et la peinture avec Stuart David à l’Art Students’League. Il devint très vite le plus jeune et le meilleur graveur, ainsi que le meilleur professeur d’arts graphiques et de peinture. Considérée comme l’une de ses meilleures œuvres Woman reading (Femme lisant) étude représentant sa femme Elena et le chat de la famille, est un exemple du style inimitable de l’artiste, alliant un genre figuratif poétique et un graphisme abstrait.

Barnet explore, déconstruit, puis réinvente les traditions artistiques, créant, en fin de compte, un tableau tellement parfait qu’il résume toute l’essence de l’intensité émotionnelle et visuelle. Il réussit à obtenir cet effet puissant en mettant au point une composition complexe de monumentaux aplats de couleur vive juxtaposés verticalement et horizontalement sur la toile, tout en conservant la grâce et l’intégrité structurelle des sujets.

Will Barnet influença l’art américain en tant que peintre graveur et professeur. Sa plus grande contribution ayant sans doute été d’avoir redéfini les principes de la composition abstraite et de l’image.  » Sandra APRIL ( Consultante spécialisée dans le domaine de l’art pictural, éditrice américaine)

«  Femme lisant  » 1965 Will BARNET – Collection privée –
Will BARNET 1911/2012

Histoire d’un ballet : PETROUCHKA …

(Vidéo : Rudolf NOUREEV – Noëlla PONTOIS – Charles JUDE & Serge PERELLI)

Après le succès de L’Oiseau de feu , vient Petrouchka, nouveau ballet réunissant Serge de Diaghilev, Igor Stravinsky, Mikhail Fokine et Alexandre Benois. Ce sera le triomphe absolu de Vaslav Nijinski, bouleversant et émouvant dans le rôle.

Vaslav Nijinski dans Petrouchka

Ce ballet fut le plus représentatif de la première période des Ballets Russes, dont Serge Diaghilev disait souvent que c’était le ballet porte-bonheur de sa compagnie de danse . Il sert, surtout, le travail musical audacieux et innovant du compositeur Igor Stravinsky et d’un décorateur talentueux : Alexandre Benois, tous deux co-auteurs du livret également.

Il se présente en quatre tableaux. Burlesque, très coloré, porté sur le réalisme et le merveilleux. Un conte folklorique narrant l’histoire d’une sorte de polichinelle des contes populaires russes, entre le Pasquarello italien et le Pierrot français. Tout comme il y eu Arlequin, Colombine et Pierrot, il y aura Petrouchka, la Ballerine et le Maure.

Tamara KARSAVINA (Ballerine) – Vaslav NIJINSKI (Petrouchka) & Alexandre ORLOV (Maure)

L’idée viendra de Stravinsky. C’est lui, en effet, qui proposera le sujet. Il travaillait sur quelques esquisses du Sacre du Printemps , et avait une envie de se « divertir » un peu. C’est ainsi qu’il écrira une petite pièce pour piano. Il expliquera un jour qu’il chercha longtemps le titre qu’il pouvait lui donner, un mot qui pourrait exprimer le caractère et le visage ce ce qu’il était en train de composer. Et soudain dit-il  » il lui apparut, éternel et malheureux héros des fêtes foraines de mon pays, pantin qui me dictais des arpèges diaboliques et des fanfares menaçantes qui exaspéraient l’orchestre. Le mot était un nom : Petrouchka !. » Il appellera donc son morceau  » Le cri de Petrouchka  » .

Il en fit part, un jour, à Diaghilev qui était venu lui rendre visite en Suisse, dans sa maison près du Lac Léman. Celui-ci en fut enchanté et trouva même l’idée géniale. Ensemble, ils eurent l’idée d’un vaste projet qui rendrait vivant, en danse, ce pantin. Il choisiront pour époque : 1830, comme lieu : Saint-Pétersbourg sur la place du marché un jour de Mardi Gras, avec un théâtre et des marionnettes, des pantins qui s’animeront grâce à un magicien.

Le chorégraphe sera Mikhail Fokine. Ce dernier va introduire, dans sa chorégraphie, l’univers fantasque du cirque, l’ivresse de la fête foraine. Chaque personnage sera bien défini par la danse et la musique, laquelle fera corps avec la danse. Les Pas seront classiques pour traduire les sentiments humains, l’amour et le désespoir de Petrouchaka, et contemporains, saccadés pour les pantins. Il y ajoutera une bonne dose de folklore russe en inventant même une gestuelle qui puisse bien aller avec le type de musique proposée.

Le rôle de Petrouchka exigeait des qualités extraordinaires d’acteur. Vaslav Nijinski les avait. Il restera inoubliable dans le rôle. Il faut dire qu’il le connaissait très bien, en ce sens qu’avec sa sœur Bronislava et son frère Stanislas, ils assistaient souvent à des représentations de marionnettes à la foire de Novgorod en Russie, et le soir venu, de retour à la maison, ils donnaient un petit spectacle de ce qu’ils avaient vu, à leurs parents. Lui tenait toujours le rôle de Petrouchka. Il aimait tant ce rôle, que c’est ce personnage qui fut sculpté sur sa tombe au cimetière Montmartre à Paris.

Vaslav – Bronislava – Stanislas
Tombe de Vaslav NIJINSKI au Cimetière Montmartre

La force chorégraphique de ce ballet, c’est vraiment le désespoir de ce pantin. Fokine a su parfaitement l’exprimer dans une danse cohérente, magnifique, imaginative, inventive, qui n’a pas laissé beaucoup de place, plus tard, à d’éventuelles relectures. Toutes les versions que l’on peut trouver sont infiniment proches de la sienne.

Petrouchka fut créé à Paris en 1911 au Châtelet avec dans les rôles principaux : Vaslav Ninjinski – Tamara Karsavina – Alexandre Orlov. Pour les décors et costumes : Alexandre Benois, lequel dira avoir trouvé son inspiration dans le guignol russe de son enfance.

La musique , comme je l’ai dit, est de Igor Stravinsky. C’est une partition d’une grande dynamique, très énergique. C’est la partition de la nouveauté avec une harmonie assez inédite, un instrumental strident, un rythme changeant. Elle se révèle tantôt lyrique, tantôt parodique, foisonnante. Il a été inséré des thèmes du folklore russe et l’emploi d’une balalaïka. Le public fut assez fasciné par cette musique. Mais la critique musicale fut, quant à elle, plus sévère à son égard. On la jugera même ridicule, poussant Diaghilev à demander en quoi la musique avait pu autant les déranger.

Il n’y aura pas de Suites pour cette partition. Toutefois, en 1821 Stravinsky fera une transcription pour piano à l’attention d’Arthur Rubinstein (Les trois mouvements de Petrouchka) – Puis en 1932, il fera de même avec La danse russe du premier tableau en un morceau de violon et piano à la demande de Samuel Dushkin.

Dans ses écrits musicaux, le compositeur louera la richesse scénique de Benois, le jeu incroyable d’acteur du danseur Nijinski, et considèrera la danse de Fokine comme étant l’une de ses meilleures.

(Vidéo : Arthur RUBINSTEIN au piano – « Petrushka’sroom » (Extraite de : Les trois mouvements de Petrouchka)
(Vidéo : Samuel DUSHKIN au violon – Igor STRAVINSKY au piano –  » La danse russe  » (Petrouchka)

Adagio Amoroso … Kurt ATTERBERG

Atterberg fut, au départ et durant de très longues années, un brillant violoncelliste. Puis un merveilleux compositeur post-romantique qui a trouvé son inspiration dans le romantisme scandinave et allemand, et un chef d’orchestre. Un prix , qui porte son nom, est attribué, chaque année dans son pays, afin de récompenser un jeune et prometteur compositeur.

Ce très bel Adagio, écrit en 1967, sera sa dernière œuvre, une sorte d’adieu au monde de la musique. C’est une partition brillante, émotionnelle, sensible, délicate, qui représente tout le lyrisme d’Atterberg.

(Vidéo : Ulf WALLIN au violon – Il est accompagné par l’Orchestre de chambre suédois : LA CAMERATA NORDIA )

Je regarde chaque jour …

 » Je regarde chaque jour le monde comme si c’était la première fois. J’ai suivi ton conseil et je me suis appliqué. La première fois, je contemplais la lumière, la couleur, les arbres, les oiseaux, les animaux. Je sentais l’air passer dans mes narines et me faire respirer. Je me sentais vivant. Je frissonnais de pure joie. Le bonheur d’exister ! J’étais émerveillé. » Eric Emmanuel SCHMITT (Écrivain dramaturge, nouvelliste, romancier, réalisateur et comédien franco-belge – Extrait de son livre Oscar et la dame rose)

Tableau de Albert EDELFELT

Derrière un masque …

 » Derrière un masque de théâtre
On peut parler sans retenue
Il est permis d’être bellâtre
Ou de passer pour ingénu

D’offrir la lune aux inconnues
A toute personne qu’on idolâtre
De lui montrer son âme à nue
Ainsi que brûle le feu dans l’âtre

Sans cesse la porter aux nues
De ses baisers être le pâtre
Prendre des poses convenues

Traiter son cœur comme un chiffon
Comme fit César pour Cléopâtre
Caché sous un masque bouffon  » Alain HANNECART (Poète français)

Une bibliothèque c’est …

 » Une bibliothèque c’est beaucoup de choses. C’est un endroit où aller pour se mettre à l’abri de la pluie. C’est un endroit où aller si vous voulez vous asseoir et réfléchir. Mais c’est surtout un endroit où vivent les livres, où vous pouvez entrer en contact avec d’autres personnes et d’autres pensées au travers des livres. Si vous voulez découvrir quelque chose, les informations sont dans les livres de référence : les dictionnaires, les encyclopédies, les atlas. Si vous aimez qu’on vous raconte une histoire, la bibliothèque est l’endroit où il faut aller.

Les livres détiennent la plupart des secrets du monde, la plupart des pensées que les hommes et les femmes ont eues. Quand vous lisez un livre, vous et l’auteur êtes seuls au monde, juste vous deux. Une bibliothèque est le bon endroit où aller quand vous vous sentez malheureux, car là, dans un livre, vous pourrez trouver, peut-être, encouragement et réconfort. Une bibliothèque est un bon endroit où aller quand vous vous sentez perplexe et indécis, car, là, dans livre, vous aurez, peut-être, la réponse à votre question.

Les livres sont de bonne compagnie dans les temps tristes et les temps heureux car les livres sont des gens, des gens qui ont réussi à rester en vie en se cachant entre les couvertures d’un livre.  » Elwyn BROOKS dit E.B.WHITE (Écrivain américain)

Bibliothèque nationale Braidense / Milan (Italie)