Les mystérieux Frères LE NAIN …

 » Les Le Nain sont des esprits mélancoliques, graves, parlant sagement, réfléchis, peu actifs, lourds, étudiant les paysans à la ferme, jamais au cabaret. La joie , qui raille même les natures distinguées à la représentation des gens de basse condition, est absente de leur oeuvre. On boit beaucoup dans leurs tableaux, mais qui est-ce qui boit ? Un homme âgé dans un coin, tenant une gourde grossière et retrouvant, dans quelques gorgées de vin, une partie de ses forces dépensées au travail. On peut donner une façon matérielle de reconnaître les tableaux des Le Nain, à l’entassement des chaudrons, écuelles, légumes qui se trouvent sur le premier plan. Mais la personnalité des peintres laonnois n’a pas besoin de vulgaire indication. Ce sont les peintres des pauvres gens. Telle est leur oeuvre … Tels sont les Nain … Ils ont peint des portraits, des scènes de corps-de-garde, des tableaux d’église et ils y ont apporté leur manière, mais ce ne sont ni les seigneurs, ni les saints, ni les soldats qui les ont rendu populaires, ce sont les paysans et les pauvres car ils se sont complu à peindre des guenilles, quoi que leurs familles de paysans soient propres, aimant le travail. » Jules CHAMPFLEURY ( Ecrivain, érudit français, historien de l’art, théoricien du réalisme, critique d’art)

Les frères Le Nain ( nés entre 1597 et 1607) sont issus d’une famille de cinq enfants. Trois d’entre eux se tourneront vers la peinture : Antoine, Louis et Mathieu. Tous trois originaires de Laon en Picardie. Le grand-père était un vigneron, et, le père un notable ( sergent royal au grenier à sel ) ayant acquis des fermes : c’est la raison pour laquelle ils sont restés  proches du monde paysan.

Trois frères très unis qui ont travaillé dans le même atelier, apposant une unique signature sur leurs tableaux : Le Nain. Ils n’ont, d’ailleurs, nullement cherché à se différencier de leur vivant.

Oubliés jusqu’à la fin du XIXe siècle, ils furent redécouverts , par la suite, grâce à un érudit, historien de l’art, ami de Hugo, Flaubert, Courbet : Jules Champfleury qui va beaucoup les admirer et parlera d’eux et de leur travail dans une brochure en 1850 (et dans d’autres ouvrages par la suite ) . Il sera, en quelque sorte, leur premier biographe, réunissant des informations les concernant. C’est lui qui les qualifiera de  » peintres de la réalité. »

Cela fait quatre siècles que le mystère reste entier, fascinant les historiens de l’art, et le public , alimentant les débats. Leur travail pictural présente énormément de points communs. C’est la raison pour laquelle il fut difficile d’attribuer la paternité de leurs tableaux à l’un ou à l’autre. Ils restent une énigme pour beaucoup.

Les frères Le Nain ont eu beaucoup de talent. On peut même affirmer qu’ils furent des prodiges de la peinture. S’ils furent ignorés du roi ( très occupé par la construction de Versailles ) et de la Cour, les bourgeois eux apprécieront fortement leurs œuvres. Obéissant au goût de l’époque, ils devront leur notoriété à la  » bambochade  » (dont ils  furent des spécialistes ) qui est l’équivalence des scènes de genre hollandaises et italiennes, qui connaissaient un formidable essor au XVIIe siècle.

Ils ont quasiment peint les mêmes thèmes : des portraits simples ou de groupes, des enfants ( qui jouent ou dansent ) , des paysages, des paysans et scènes rurales, mais aussi des toiles avec des sujets religieux , allégoriques et mythologiques. Leur peinture est émouvante, dotée d’une grande sensibilité, subtilité, sincérité, gravité aussi , avec, très souvent,  beaucoup de grâce et d’harmonie dans une atmosphère quasi silencieuse et emplie de sérénité

Louis, le cadet, considéré par beaucoup comme étant le génie de la famille. Il avait un grand sens du paysage et des scènes paysannes, lesquelles vont, du reste, conduire au succès de leur signature. Antoine, l’aîné, un miniaturiste spécialiste des portraits. C’est lui qui obtiendra une maîtrise qui leur permettra d’ouvrir un atelier à Paris, plus précisément rue Princesse, près de l’abbaye de Saint Germain des Près en 1629. Mathieu , l’élégant, qui lui s’est un peu plus dirigé vers la peinture religieuse .Il a fait des portraits également notamment celui d’Anne d’Autriche qui plaira beaucoup à Louis XIII ; cela lui permettra d’obtenir le collier de l’Ordre St Michel qui est normalement réservé à la noblesse (une distinction qu’il sera contraint d’ailleurs de rendre car n’ayant pu prouver son rang social) –  A la mort de ses frères, il sera l’héritier et  jouira ainsi d’une situation sociale assez aisée.

 » Autoportrait d’un artiste  » Antoine LE NAIN
 » Portrait d’un jeune prince  » Mathieu LE NAIN
 » Portrait de Mazarin » Mathieu LE NAIN

Le travail des Frères Le Nain est, également, un véritable document historique sur la société des années couvrant les règnes de Louis XIII et Louis XIV. Tous trois ont été admis à l’Académie Royale de Peinture et Sculpture.

Louis et Antoine meurent quasiment en même temps d’une maladie contagieuse en 1648 . Mathieu décèdera plus tard en 1677.

On compte et on connaît 75 de leurs toiles mais il semblerait qu’ils en aient signé 1000  !

 » Famille de paysans avec joueur de flûte  » Louis ou Antoine LE NAIN
 » Famille de paysans dans un intérieur  » Louis LE NAIN
« Les petits joueurs de cartes  » Antoine LE NAIN
 » Réunion musicale  » Antoine LE NAIN
 » Une famille heureuse  » Louis ou Mathieu LE NAIN
 » Allégorie de la Victoire  » Mathieu LE NAIN
 » La forge  » Frères LE NAIN