La couleur du poème …

 » La couleur du poème dépend de la quantité de lumière
Qui se réverbère en son encre.
Elle change au gré de l’heure, de l’âge et de la langue.

Incolore au commencement, quand il n’est encore qu’une aspiration vague.
D’un blanc de page vide, il tend vers le gris en rêvant son encre prochaine.
Aube indécise sur le papier. Tels brouillards ou fumées qui montent.
C’est pourtant vers le bleu qu’il s’enlève le plus souvent,
Accroissant son ciel et son eau, entrouvrant sur la page une vague idée d’azur.

Noir, si rien ne le tire hors de soi, prisonnier qu’il demeure des signes.
Rouge, quand il accélère, s’enfièvre, circule et bat.
Or d’étincelle ici et là en son ballet de feuilles mortes.
Vert en mai devant l’arbre, blanc de décembre sous la neige,
Mais d’une couleur indistincte quand s’y penche un visage aimé. » Jean-Michel MAULPOIX (Poète, écrivain et critique littéraire français)

Jean-Michel MAULPOIX

Le Garçon au gilet rouge … par Paul CÉZANNE

 » Seul Paul Cézanne , au style si distinct et si en avance sur son temps, pouvait peindre ce Garçon au gilet rouge. Il mêlait l’impressionnisme et le classicisme à une réflexion intellectuelle immense. Ce portrait, qui parait simple à première vue, se transforme en un objet très différent lorsqu’on l’examine de plus près.

Cézanne en réalisa plusieurs versions. Celle-ci, avec ses aplats de rouge, marron-bleu et bleu-vert et ses formes blanches simples et démarquées, est l’une de ses tentatives les plus modernistes. Son harmonie naît d’une palette réduite où les couleurs se répondent d’une partie du tableau à l’autre. Les ombres bleu-vert de la peau et la chemise unifient l’œuvre et placent sur le même plan le garçon et le cadre qui l’entoure. Une série de diagonales se recoupent et font écho : le rideau de gauche, le dos penché du garçon, et le bras droit qui repose sur une surface qui bascule par rapport au champ pictural.

Cézanne a déconstruit une scène ordinaire pour la reconstruire entièrement. Le Garçon au gilet rouge nous montre ainsi deux préoccupations essentielles de l’artiste : l’exploration de sa résolution de l’énigme qu’est la représentation d’un univers à trois dimensions sur une surface plane, de façon à nous apprendre quelque chose sur les formes représentées. Cézanne a, ici, atteint son objectif. Son tableau fonctionne comme un ensemble tout en montrant la voie au cubisme de Braque et de Picasso qui baptisa Cézanne le Père de la peinture moderne.  » Ann KAY ( Écrivain, rédactrice anglaise, diplômée en histoire de l’art)