Mimosa …

« Une vapeur, un brouillard, un nuage m’entourait.

J’allais dans San Jeronimo vers le port presque endormi,

quand, hors de l’hiver, une montagne de lumière jaune,

une tour en fleurs, parut sur le chemin,

et tout fut empli de parfum : c’était un mimosa.

Mimosa, soleil terrestre, explosion du parfum,

cascade, cataracte, chevelure de tout le jaune

déversé en avant dans l’hiver austral

comme un vaillant militaire jaune avant la bataille,

nu, désarmé, face aux bataillons de la pluie.

Mimosa, je te proclame rayon de miel du monde,

nous voulons un instant être bourdons sylvestres,

élégantes et alcooliques guêpes, frelons de miel

et de velours, plonger les yeux, la chemise, le cœur, les cheveux

dans ta frémissante senteur, dans ta coupe jaune,

jusqu’à ne plus être qu’arôme dans ta planète,

pollen d’honneur, intimité de l’or, plume de ta fragrance. » Pablo NERUDA (Poète, écrivain, diplomate, homme politique et penseur chilien – Extrait du Troisième livre des Odes)

Du classique au contemporain …

 » La période de formation et de maîtrise du répertoire classique est très importante. Le bagage qui aidera une danseuse, pour le reste de sa vie, se forme dans sa jeunesse. Seul un travail systématique, dans la jeunesse, permet de devenir une danseuse de haut niveau. Quelles que soient les opportunités qui se présentent, il ne faut pas se disperser. Le principal est d’éviter les extrêmes :  » je danse du classique, mais à partir de tel jour, je vais passer au contemporain « . Cela ne marche pas ainsi. Seuls les danseurs avec une formation classique ( huit ans ) peuvent maîtriser la danse contemporaine. Il faut commencer progressivement, en évitant les blessures inutiles. Personnellement, je suis une danseuse qui, aux souffrances et aux douleurs qui viennent parce que le corps rejette tout ce qui est nouveau, serait tentée de répondre laisse tomber tout ça et danse Giselle … Mais je dois éduquer, dompter et transformer cette danseuse. Le moment de la douleur est pénible.

À chaque étape de sa carrière, on comprend quelles portes on aimerait ouvrir. S’y ajoute que pour moi, l’aspect spirituel est très important. La scène devient une sorte de château. Je peux y planter quelque chose, et dois me sacrifier. Je suis la messagère de ce qui est en train d’advenir. C’est que je peux partager avec le public. Je ne sais pas pendant combien de temps encore j’aurai assez de force pour le faire. J’ai dû me battre pour ma position, pour mes idées, c’était indispensable.  » Diana VISHNEVA ( Danseuse russe, Étoile dans différentes compagnies : celle du Théâtre du Mariinsky , de l’American Ballet Theatre – Elle a été également directrice d’une école de danse à Saint Pétersbourg)

Diana VISHNEVA

Histoire d’un ballet : Les Illusions perdues …

(Vidéo : Diana VISHNEVA & Vladislav LANTRATOV)

Ce ballet a été conçu, en 2011, par l’ancien danseur, directeur du Bolchoï et chorégraphe Alexis Ratmansky. Il s’est inspiré, de façon quelque peu éloignée, libre et assez étonnante, du roman (portant le même nom), dédié à Victor Hugo, qu’Honoré de Balzac avait fait publier, en deux parties, en 1827 et 1843.

Pour le livret, il a repris celui signé en 1935 par Vladimir Dimitriev pour la chorégraphie de Rötislav Zakharov. Ce dernier avait imaginé un ballet, sur le même thème, pour sa muse Galina Oulanova. Ratmansky a fait appel à l’acteur de la Comédie Française , Guillaume Gallienne, pour l’étudier à nouveau avec lui et le conseiller dans la dramaturgie.

C’est une histoire d’amour dans le Paris du XIXe siècle : d’un côté un amour vrai et sincère, et de l’autre un amour plus fantaisiste, ambitieux, plein de désillusion. Lucien de Rubempré n’est plus le poète du roman de Balzac, mais un musicien, compositeur pour la danse à l’Opéra de Paris. C’est justement en écrivant la musique d’un ballet qu’il rencontre et tombe amoureux de Coralie, une danseuse Étoile. Sentiments partagés …. Malheureusement, Lucien va se laisser griser par le succès et par ses ambitions. Il trahira non seulement ses amis, mais son amour aussi, en séduisant Florine une autre danseuse rivale de la première. Le ballet se termine par la fin des illusions amoureuses de Lucien et Coralie.

Cette chorégraphie a fait l’objet de nombreuses critiques, pas toujours très favorables. Toutefois, il était intéressant, me semble t-il, d’en parler et de le faire connaitre, car, quoi que l’on ait pu en dire, je trouve que Ratmansky a traité son ballet avec efficacité. Le monde de la danse y est fortement présent. Il a, en effet,  » inséré « , l’esquisse d’un ballet (La Sylphide) dans le sien. On retrouve, par ailleurs, le Grand Foyer cher à Degas, et différentes scènes de bal. Il a su mettre en opposition, non seulement les deux personnages féminins, mais la réussite et l’échec de Lucien. Pour les ballerines, il a trouvé son inspiration entre deux grandes danseuses du passé, rivales elles aussi : Marie Taglioni et Fanny Essler.

On a reproché à Ratmansky d’avoir voulu en  » faire trop  » durant les trois actes de ce ballet, d’avoir été excessivement  » théâtral  » … Certes … Mais cela reste un beau ballet, captivant, avec une danse exprimée avec beaucoup de charme, de fluidité, de virtuosité, de force, de romantisme, de sensibilité, de lyrisme. On note même un petit côté glamour parfois. Les tableaux s’alternes en pas de deux intimistes, ensembles réussis, et merveilleux solos.

La musique a été confiée au compositeur russe Leonid Desyatnikov. Les décors sont de Jérôme Kaplan.

(Vidéo : Diana VISHNEVA & Andrey MERKURIEV)