
Si vous avez envie de faire un beau voyage dans la Venise du XVe et XVIe siècle, en ce début d’année 2023, je vous invite à vous rendre à l’Hôtel de la Marine, Place de la Concorde à Paris, un très bel ensemble architectural réalisé au XVIIIe siècle par l’architecte Ange-Jacques Gabriel, afin d’admirer l’expo sublime que ce lieu vous propose, à savoir CA’D’ORO -Chefs-d’œuvre de la Renaissance à Venise … Jusqu’au 26.3.2023.
Une évasion intimiste dans l’âge d’or de la Sérénissime au travers d’environ 70 œuvres d’éminents artistes ( Bellini, Carpaccio, Mantegna, Titien, Guardi, Tintoret, Van Eyck, Vittoria, Bergamasco, Riccio, Tati, Le Bernin, Cima, Lombardo, Fantoni … j’en passe et des meilleurs . A noter que pour la première fois le Saint Sébastien de Andrea Mantegna quittera son écrin vénitien. Elles occupent quatre salles de la Fondation Al Thani à l’Hôtel de la Marine;

Bien sur Venise est au centre de l’expo, étoffée par des dates importantes comme sa naissance en 421, l’arrivée du premier doge entre 726/27, la construction d’un premier palais ducal en 814, le corps de San Marco ramené d’Alexandrie 14 ans plus tard , la construction de l’arsenal en 1104 après avoir gagné la bataille contre les Normands, le début du chantier du Palais des Doges en 1384, la bataille de Lépante en 1571, les épidémies de pestes en 1575 et 1630, les premiers travaux importants sur la lagune en 1744 avec la mise en place de digues, la fondation de l’Académie de peinture et de sculpture de la ville en 1756, la chute de la Sérénissime en 1797 par les troupes de Napoléon qui vont piller et saccager pour la faire tomber, la domination autrichienne en 1815 ….. Tant d’évènements qui nous amènent à la ville magnifique que nous connaissons et chérissons aujourd’hui et qui se bat pour sa sauvegarde. Sans oublier, bien sur, le carnaval que l’on commence à entrevoir vers 1094, et qui se concrétise avec l’autorisation des déguisements en 1269.
» Venise ! Est-il une ville qui ait été plus admirée, plus célébrée, plus chantée par les poètes, plus désirée par les amoureux, plus visitée, et plus illustre ? Venise ! Ce seul mot semble faire éclater dans l’âme une exaltation. Il excite tout ce qu’il y a de poétique en nous, il provoque toutes nos facultés d’admiration … » Guy DE MAUPASSANT (Poète et écrivain français)
Peut-être que certains d’entre vous ont déjà visité le Palais Ca’ d’Oro. C’est un endroit magnifique, chef-d’œuvre du gothique vénitien, avec une façade qui ressemble à de la dentelle, l’un des plus élégants et raffinés du Grand Canal de la Sérénissime, quartier de Cannaregio. C’est vraiment une œuvre d’art à lui tout seul.
Une petite chose à savoir : Ca (casa) est placée devant de nombreux palais vénitiens pour qualifier leur statut de riches demeures.
Il doit son nom Maison d’or aux merveilleuses, audacieuses et luxueuses décorations, autrefois, recouvertes de feuilles d’or et de lapiz-lazulli, qui embellissaient les murs. Nombreux furent les propriétaires . Il sera même transformé et divisé en appartements !Parmi eux, il y a eu celle qui fut une grande Étoile de la danse, la première à le faire véritablement sur les pointes : Marie Taglioni. Le palais lui avait été offert par l’un de ses plus fervents admirateurs, le prince Alexandre Troubetzkoy.

A son emplacement actuel, se trouvait au XIIe siècle, une demeure appartenant à la famille Mastelli, des négociants en épices qui avaient quitté la Grèce pour venir s’installer à Venise en 1112 . Puis elle deviendra le palais d’une noble famille vénitienne, les Zeno. La fille de cette famille l’apportera en dot lors de son mariage avec Marino Contarini, un riche marchand, en 1406. Lorsqu’elle décèdera, son époux, fera édifier un nouveau palais sur l’ancienne construction dont les pieux serviront de fondations. Les travaux vont durer de 1421 à 1434 . De nombreux architectes et sculpteurs vont travailler à cette construction, dont certains étaient réputés pour avoir travailler pour le Palais des Doges . Souhaitant placer son prestige à égal niveau, voire même au-dessus de celui des grands de sa ville, Contarini voudra un palais éblouissant, flamboyant . C’est lui qui souhaitera une façade avec un crénelage semblable à de la dentelle et qui le fera recouvrir de 23.000 feuilles d’or et lapis-lazuli.
Après sa mort, la demeure va se dégrader au fil du temps et elle verra de nombreux propriétaires s’y installer, dont, comme je l’ai dit en début de ce post, la grande ballerine romantique Marie Taglioni. Grâce à l’argent qu’elle obtiendra du prince Troubezkoy, elle fera procéder à des gros travaux de restauration et ce même si, finalement, elle vivra très peu dans le palais . La malchance du lieu viendra de l’architecte peu scrupuleux qu’elle choisira : Giovanni Battista Meduna, et des choix qu’elle fera.
Ce dernier, au lieu de l’embellir, va complètement dénaturer le palais, voire même le saccager. Il fera retirer, bien souvent à la demande de la ballerine, toutes les superbes finitions en or de la façade, vendra tous les éléments gothiques ( dont l’escalier de la cour intérieure) et les revendra à des antiquaires vénitiens. Il enlèvera également les colonnes et chapiteaux en marbre. Devant un tel spectacle, il sera accusé de vandalisme et emprisonné. Après quoi, la décision fut prise de se servir du palais pour le diviser en plusieurs appartements. Ce qui ne va arranger son état.
La demeure devra sa beauté et sa renaissance au baron Giorgio Franchetti, un mécène, musicien et collectionneur italien, qui, on peut le dire, l’a sauvé, avec passion, de ceux qui souhaitaient l’acquérir à des fins peu recommandables. Il rachètera le palais en 1894 et entreprendra de gros travaux pour lui redonner son aspect original et l’éclat de sa beauté passée.

En 1916, se sachant très malade et dans l’incapacité de poursuivre son œuvre, il en fera don à l’État avec toutes ses collections d’art personnelles, notamment des peintures, sculptures, objets d’art et céramiques signés par de prestigieux artistes. Lorsqu’il meurt en 1922, il ne quittera pas ce lieu qu’il a tant aimé puisque ses cendres seront placées dans une urne en porphyre ayant une forme de colonne (cippe). Elle se trouve au rez-de-chaussée dans la cour du palais.
Le Palais Ca’d’Oro deviendra un musée en 1927 après de très minutieuses et sérieuses réparations pour colmater des détériorations de salpêtre, dues probablement à l’humidité. Il abrite la Galerie Franchetti et toutes ses merveilles. Durant la 59e biennale de Venise qui a eu lieu cette année à Venise, la Fondation Vuitton, mécène du Venetian Heritage a organisé des soirées caritatives afin d’obtenir des fonds pour une nouvelle restauration de la Galleria Franchetti

L’objectif du baron fut donc de non seulement redonner au palais sa beauté d’autrefois, mais également de placer les œuvres issues de ses merveilleuses collections. Dans un premier temps, il a souhaité retrouver certains éléments architecturaux qui avaient été vendus comme par exemple la margelle du puits. Durant les travaux, il n’a pu faire entrer les pièces de ses collections. Du coup, elles furent conservées dans le palais de la famille Cavalli et au Palais Duodo qui se trouvait tout à côté.
C’est en recevant le don de la demeure et des collections, que l’État se rendra véritablement compte de la richesse des pièces qui venaient de leur être confiées. Il faut dire que le baron venait d’une famille très riche et qu’en conséquence il avait les moyens financiers pour pouvoir satisfaire ses passions . De plus, il bénéficiera des conseils d’une part les conseils de sa femme Marion Von Hornstein passionnée par l’art, et des avis très affutés de critiques et historiens de l’art comme les réputés Adolfo Venturi et Giovanni Morelli.
Sa très belle collection sera enrichie au fil des années par d’autres chefs- d’œuvre venus des dépôts précieux faits par des musées de Venise très connus. Je vous invite à en découvrir certaines qui font partie de l’expo :














