» Le désert est le lieu du silence et de la solitude. On y prend de la distance par rapport aux événements quotidiens. On y fuit le bruit et la superficialité. Le désert est le lieu de l’absolu, le lieu de la liberté, où l’homme se trouve affronté à ses ultimes requêtes. Ce n’est pas par hasard que le désert est le lieu de la naissance du monothéisme. En ce sens, c’est le domaine de la grâce. Vidé de ses préoccupations, l’homme y rencontre son Créateur. » Joseph Aloisius RATZINGER (Prélat et théologien catholique allemand – Élu pape sous le nom de BENOÎT XVI en 2005- Extrait de son livre Le Ressuscité : Retraite au Vatican en présence de S.S. Jean-Paul II)
» Un danseur n’a pas à compter la mesure. Il n’est pas un métronome. Il sculpte le temps et on ne peut modeler un mouvement dans le temps « . Alwin NIKOLAIS ( Danseur, chorégraphe et professeur américain)
(Vidéo : Valentine COLASANTE & Pablo LEGASA accompagnés par le Corps de Ballet de l’Opéra de Paris)
Raymonda est une fresque romantique et pittoresque avec des senteurs arabo-andalouses, dont l’action se passe au temps des Croisades en Provence. C’est un ballet classique qui, comparativement à d’autres célèbres, reste un peu méconnu. C’est dommage parce que c’est un petit chef-d’œuvre signé Marius Petipa, sur une musique de Alexandre Glazounov. Le livret est de l’écrivaine et journaliste Lydia Pachkova en 1895. Il sera remanié notamment par le chorégraphe et le directeur du Mariinsky, Ivan Vsevolojski. Sa création aura lieu en 1898 avec Pierina Legnani et Serge Legat.
A cette époque Petipa traversait une période délicate dans sa brillante carrière. Entre 1890 et 1893 sa fructueuse collaboration avec Piotr Tchaïkovsky avait donné naissance à trois grands ballets : Le Lac des cygnes – Casse-Noisette – La Belle au bois dormant, lesquels avaient conféré à la danse une nouvelle et grande dignité, beaucoup d’élégance, de raffinement et une musique de qualité.
La mort prématurée du compositeur sera un véritable coup dur pour Petipa. Il en était même venu à se poser des questions sur la continuité de son travail de poursuite dans la réforme de la danse classique, et surtout il se demandait qui pouvait, désormais, assumer la lourde tâche de collaborer avec lui, si exigeant, et remplacer Tchaïkovsky. Son choix va se porter sur un ami de ce dernier : Alexandre Glazounov, lequel, de base, n’avait aucune expérience en matière de ballet, mais était doté d’une certaine notoriété dans la musique.
Sa spécificité était la musique à l’état pur, brillante, rythmée, proche d’un certain académisme. Il avait composé des partitions pour de la musique de concert, des sonates, un concerto pour violon, des symphonies, le tout avec toujours beaucoup de lyrisme. Mais il n’avait donc aucune connaissance de ce que pouvait bien être une musique pour la danse. Et pourtant …. Pourtant, celle qu’il va composer pour Raymonda sera vraiment très belle, créative, avec un petit zeste de fantaisie. Il a sur donner à chaque acte une couleur spécifique : orientale, hongroise, française, le tout auréolé de thèmes nationaux extraits de mélodies populaires russes.
C’est une partition riche en couleurs, narrative, avec du caractère. Elle sera reprise, par la suite, pour les versions de re-lectures qui viendront par la suite que ce soit intégralement ou par fragments, comme le feront, par exemple, George Balanchine ou John Cranko.
De son côté Marius Petipa réunira tout ce qui avait pu faire le succès de ses précédents ballets, du rêve face à la réalité, de la beauté, de la tendresse, de la virtuosité, avec, comme toujours, une danse très exigeante, des Variations diverses et variées, difficiles;
(Vidéo : Dorothée GILBERT)
La collaboration entre les deux hommes sera extrêmement difficile. Petipa était infiniment exigeant et souhaitait, sans cesse, comme à son habitude, apporter des changement dans la partition de Glazounov. Mais ce dernier lui tiendra tête ! Toutefois, lorsque le chorégraphe fera, à nouveau, appel à lui quelques années plus tard pour deux autres ballets, il comprendra qu’il fallait se plier à lui car, vu son professionnalisme dans le domaine de la danse, ses demandes n’avaient pour but que d’embellir la danse. A partir de là leurs relations vont considérablement s’améliorer. Raymonda connaitra un très beau succès. Ce ne fut pas tant l’histoire qui enthousiasma le public, mais le travail que Petipa et Glazounov avait fourni, malgré leur mésentente. On louera la chorégraphie et on applaudira la musique.
Rudolf Noureev connaissait fort bien Raymonda car il l’avait souvent dansé à des débuts au Kirov en 1958. Après son passage à l’ouest, non seulement il remontera certains passages comme Le Pas de quatre ou le Divertissement hongrois, mais le ballet dans son intégralité au Festival de Spolète en 1964 où il partagera l’affiche avec Margot Fonteyn. Il créera sa propre version en 1972 pour le Ballet de Zurich, en 1975 pour l’American Ballet, puis, dès son arrivée à l’Opéra de Paris comme directeur de la danse en 1983 c’est lui qu’il choisira de créer.
» Le troisième acte est entièrement de Petipa. Je l’ai reconstitué de mémoire après l’avoir dansé au Kirov sous la direction de mon maître Pouchkine. Dans le premier et le second acte, beaucoup de pas sont de moi. J’ai ajouté, en particulier, plusieurs variations pour les garçons, toujours en respectant le style de Petipa. Mais il faut se dire qu’il n’existe pas, aujourd’hui, un seul de ses ballets absolument conforme à l’original. » R.N.
(Vidéo : Rudolf NOUREEV)
Dans sa magnifique et harmonieuse version, très technique, Noureev plonge les spectateurs dans un monde féérique, avec des variations splendides, voire assez périlleuses pour certaines. Il a multiplié des combinaisons novatrices, des pas difficiles, et donnera à la danse un côté poétique, aérien et gracieux. Il a fait preuve d’une grande créativité, de la précision et de l’élégance. Les chatoyants costumes sont de Nicholas Georgiadis.