Les oiseaux en hiver …

 » Orchestre du Très-Haut, bardes de ses louanges,
Ils chantent à l’été des notes de bonheur ;
Ils parcourent les airs avec des ailes d’anges
Échappés tout joyeux des jardins du Seigneur.

Tant que durent les fleurs, tant que l’épi qu’on coupe
Laisse tomber un grain sur les sillons jaunis,
Tant que le rude hiver n’a pas gelé la coupe
Où leurs pieds vont poser comme aux bords de leurs nids,

Ils remplissent le ciel de musique et de joie :
La jeune fille embaume et verdit leur prison,
L’enfant passe la main sur leur duvet de soie,
Le vieillard les nourrit au seuil de sa maison.

Mais dans les mois d’hiver, quand la neige et le givre
Ont remplacé la feuille et le fruit, où vont-ils ?
Ont-ils cessé d’aimer ? Ont-ils cessé de vivre ?
Nul ne sait le secret de leurs lointains exils.

On trouve au pied de l’arbre une plume souillée,
Comme une feuille morte où rampe un ver rongeur,
Que la brume des nuits a jaunie et mouillée,
Et qui n’a plus, hélas! ni parfum ni couleur.

On voit pendre à la branche un nid rempli d’écailles,
Dont le vent pluvieux balance un noir débris ;
Pauvre maison en deuil et vieux pan de murailles
Que les petits, hier, réjouissaient de cris.

Ô mes charmants oiseaux, vous si joyeux d’éclore !
La vie est donc un piége où le bon Dieu vous prend ?
Hélas ! c’est comme nous. Et nous chantons encore !
Que Dieu serait cruel, s’il n’était pas si grand !  » Alphonse de LAMARTINE (Poète français – Extrait de son recueil Méditations poétiques (1820)

Illustration : Louis ICART

La blanchisseuse … par Henri De TOULOUSE-LAUTREC

 » Le thème de la blanchisseuse est déjà ancien lorsque Henri De Toulouse-Lautrec l’aborde, mais le temps des joyeuses ouvrières travaillant sans effort dans des paysages arcadiens, comme en a livré Hubert Robert, ou dans des intérieurs accueillants, comme en a peint Jean-Baptiste Chardin, n’est plus de mise. A la fin du XIXe siècle, sous les pinceaux de Degas, ou de Toulouse Lautrec (mais aussi de certains artistes naturalistes telle Marie Petiet (Les blanchisseuses/1882) ,le travail semble harassant, le personnage isolé et comme absent à lui-même , dans un intérieur désincarné.

Dans un cadrage rapproché, la diagonale du corps massif appuyé d’une main puissante sur une table et le visage de profil d’une blanchisseuse envahissant l’espace. Le visage dissimulé par une mèche de cheveux roux qui retombe, est tendu vers un chiche rectangle lumineux qui apparaît en haut à gauche. Hormis le tissu blanc, posé sur la table, aucun instrument ne vient cependant conforter le titre de l’œuvre.

Plusieurs des modèles du peintre ont été évoqués comme ayant pu être représentés dans ce tableau. Les plus souvent cités, du fait de leur même coiffure rousse, ont été Suzanne Valadon ( que Toulouse-Lautrec peint à la même période sous le titre de Gueule-de-bois) et Carmen Gaudin que le peintre employa comme blanchisseuse et qu’il fit poser en divers lieux, tel l’atelier du peintre Henri Rachou (Carmen/1884)  » Dominique LOBSTEIN (Historien de l’art, chargé d’études documentaires au Musée d’Orsay, responsable de la bibliothèque du Musée d’Orsay, commissaire d’exposition)

« La blanchisseuse » 1886/1887 Henri De TOULOUSE-LAUTREC