» Au fond du parc, dans une ombre indécise,
il est un banc, solitaire et moussu,
où l’on croit voir la rêverie assise,
triste et songeant à quelque amour déçu.
Le souvenir dans les arbres murmure,
le racontant les bonheurs expiés ;
et, comme un pleur, de la grêle ramure
une feuille tombe à vos pieds.
Ils venaient là, beau couple qui s’enlace,
aux yeux jaloux tous deux se dérobant,
et réveillaient, pour s’asseoir à sa place,
le clair de lune endormi sur le banc.
Ce qu’ils disaient, la maîtresse l’oublie ;
mais l’amoureux, cœur blessé, s’en souvient,
et dans le bois, avec mélancolie,
au rendez-vous, tout seul, revient.
Pour l’œil qui sait voir les larmes des choses,
ce banc désert regrette le passé,
les longs baisers et le bouquet de roses
comme un signal à son angle placé.
Sur lui la branche à l’abandon retombe,
la mousse est jaune, et la fleur sans parfum ;
sa pierre grise a l’aspect de la tombe
qui recouvre l’Amour défunt !… » Théophile GAUTIER ( Poète français, romancier, critique d’art – Extrait du recueil Poésies-Volume 2- A Ernest Hébert / Écrit en 1865 Edition 1890 )
