Une œuvre inventive, parfaitement équilibrée entre les instruments, composée en 1808, et dédiée à la comtesse Marie Erdödy.
Marie avait des origines hongroises. Elle a été mariée très jeune à un comte dont elle eut trois enfants. Malheureusement, elle est tombée très gravement malade et s’est retrouvée paralysée. A partir de là, elle s’est séparée de son époux. Excellente pianiste, admiratrice inconditionnelle de Beethoven, dont elle plaidera toujours la cause auprès de mécènes importants, elle a vécu une véritable passion avec lui, puis deviendra son amie intime, l’inspiratrice de sa musique et sa plus proche confidente. Le compositeur a vécu chez elle durant un certain temps, puis, on ne sait pour quelle raison exacte il a quitté son domicile. Toutefois, lorsqu’elle partira de Vienne pour s’installer à Munich, elle entretiendra une correspondance régulière avec lui jusqu’à ce qu’il décède.
C’est une très belle partition . Elle baigne dans une atmosphère un peu étrange, mais n’en demeure pas moins palpitante et poétique, dense, fougueuse, expressive, crépusculaire, parfois mystérieuse.
Ce trio doit son nom ( Des Esprits )au côté assez lugubre et l’orchestral étrange du Largo qui est, à l’origine, une musique de scène que le compositeur avait écrit pour un projet opératique inspiré par la pièce Macbeth de Shakespeare. La musique devait alors accompagner une scène de sorcières – Un projet qui n’aboutira pas.
Comtesse Marie Erdödy
( Vidéo : Leonard ROSE au violoncelle – Isaac STERN au violon & Eugène ISTOMIN au piano )
« C’est la fête des sorcières , éteignez vos lumières ! les enfants ont des frissons, allumez vos potirons ! « … Arnaud DESJARDIN (Écrivain français, réalisateur de documentaires à la télévision-ORTF- )
» La sorcière a un jardin Où vivent les sept nains. Ils sont les jardiniers Du potager et du verger. Ils cultivent des légumes bizarres et rares, Des fruits magiques et fantaisistes. Il y a des salades qui rendent malade, Des tomates qui rendent patraque, Du raisin qui rend zinzin, Des citrouilles qui donnent la trouille, Des petits pois qui rendent baba… Il y a aussi un poulailler, Où nichent des poules zébrées. Elles pondent des œufs bleus, D’où sortent des poussins qui font » Meuh ! « Surtout ne me demandez pas, Ce que la sorcière fait de tout ça : Je ne le sais pas ! » Delphine BOLIN ( Auteure pour la jeunesse )
Danseurs sur les toits de l’Opéra Garnier – Photo de Pierre Elie DE PIBRAC
» Une anecdote voudrait qu’à l’inauguration du palais Garnier, le 5 Janvier 1875, le Tout-Paris eût été invité …. sauf Charles Garnier. Obligé de payer sa place, il aurait assisté au baptême de son palais depuis le fond d’une seconde loge, mis à l’écart pour avoir été trop courtisan sous le Second Empire. Légende ou réalité ? Peu importe car ce paradoxe est bien à l’image de cette IIIe République naissante qui célébrait là l’un des ultimes projets du régime précédent, en travaux depuis quatorze ans.
Dans le cadre des immenses chantiers lancés par le Baron Haussmann, Napoléon III avait exigé l’édification d’un nouveau théâtre d’opéra. De tout temps la première salle lyrique parisienne avait été un miroir du pouvoir en place. Elle avait beaucoup changé de lieu depuis la fondation de l’Académie royale de musique par Perrin et Cambert en 1669 : rue Jacques Callot, aux Tuileries, au Palais-Royal, Porte Saint-Martin, rue Richelieu, rue Le Peletier. Le second Empire voulait, à son tour, une salle qui fût digne de lui, et le ministre Walewski avait lancé un concours d’architecte. Contre toute attente, le 6 juin 1861, le projet du célèbre Viollet-le-Duc avait été attribué au profit d’un jeune inconnu nommé Charles Garnier.
Le voilà à trente-six ans, à la tête d’un des projets phares du Second Empire. Sans doute le classicisme de son plan cruciforme avait-il séduit le jury. Une fois son projet validé, Garnier s’était assuré la collaboration de certains des meilleurs artistes de son temps. Les travaux auraient dû s’achever cinq ans plus tard, mais en 1867 seule la façade est montrable. On n’en décide pas moins de l’inaugurer en grande pompe, provocant un scandale instantané ! L’impératrice Eugénie grimace : » quel affreux canard, ce n’est ni du style, ce n’est ni grec ni romain. » … » C’est du Napoléon III » aurait répondu Garnier.
Est-ce ainsi qu’il faut résumer cet empilement de marches, d’arcades, de loggias, de colonnes ? Et cette accumulation de statues qui illustrent le savoir-faire de tous les grands artistes du moment ? : Le Drame de Falguière – Le Chant de Dubois – La Cantate de Chapu – La Musique instrumentale de Guillaume – La Poésie lyrique de Jouffroy – Le Drame lyrique de Pernaud – La Danse de Carpeaux ….
Le drame lyrique de Jean-Joseph PERRAUD
La poésie lyrique de François JOUFFROY
Danse – Paul BELMONDO ( original de Jean-Baptiste CARPEAUX se trouve au Musée d’Orsay)
La musique instrumentale de Eugène GUILLAUME
Avec la chute du Second Empire, l’Opéra faillit ne jamais voir le jour. Durant les terribles années de 1870- 1871, son sous-sol devint même une prison de fortune où il semblerait que l’on est torturé. Le projet était heureusement trop avancé pour qu’on l’interrompît, et l’incendie de l’Opéra le Peletier le 28 Octobre 1873 accéléra la reprise des travaux. Nous voici enfin au 5 janvier 1875 : il faut se figurer ce que fut la découverte de l’Opéra pour Mac Mahon et tous les Parisiens ! C’était alors le plus grand théâtre du monde ! Tout y semblait pittoresque : les trente colonnes de marbre du grand escalier, une scène de soixante mètre de hauteur, cinquante-cinq de largeur et vingt-cinq de profondeur. Un bâtiment de onze mille mètre carrés et qui avait demandé quelques trente-trois kilomètres de plans !
Le palais de Charles Garnier reste à jamais le symbole de l’art lyrique : par sa poésie, son faste, sa pompe, sa douce lourdeur, ses lambris poussiéreux, ses sombres couloirs, ses allures de bordel en déclin et de maison hantée. Il est à l’opéra ce que la tour Eiffel est à Paris. Et ce n’est pas près de changer ! »Nicolas D.ESTIENNE D.ORVES ( Écrivain et journaliste français )
Grand escalier – Architecte Charles GARNIER / Gravure : Jean Joseph SULPIS – 1880
Scène ( Photo : Pierre Elie DE PIBRAC )
Monument à Charles GARNIER – Il est l’œuvre de l’architecte français Jean-Louis PASCAL ( qui fut son élève ) – Sculpteurs : Jean-Baptiste CARPEAUX (buste) – Gabriel THOMAS ( la Gloire et le Dessin ) – Gustave GERMAIN ( sculpture décorative ) – Août 1898 / Angle des rues Auber et Scribe à Paris
« Celui qui sait se nourrir de petits bonheurs, qui recueille dans son cœur les petits plaisirs qu’il a éprouvés durant la journée et qui sait donner du poids à ses petites aventures, traverse facilement l’existence, et s’il n’est pas heureux, il peut croire qu’il l’est sans s’apercevoir qu’il n’en est rien. Mais celui qui ne s’intéresse qu’aux grands bonheurs, qui compte pour rien ces petits événements agréables, ces petites victoires, satisfactions, réussites, etc., qui ne cherche pas à s’en nourrir, qui n’y revient plus et qui pense que tout n’est que néant s’il n’atteint pas le but important et difficile qu’il s’était proposé, celui-là vivra toujours dans l’affliction, dans l’anxiété, sans aucune jouissance et il ne trouvera jamais qu’un malheur perpétuel à la place de son grand bonheur. Et quand il l’atteindra, il le trouvera bien inférieur à ses espérances, comme cela arrive toujours avant ce que l’on désire et recherche ardemment. » « Giacomo LEOPARDI ( Écrivain, poète, moraliste et philosophe italien – Extrait de son livre Zibaldone)
» Au fond du parc, dans une ombre indécise, il est un banc, solitaire et moussu, où l’on croit voir la rêverie assise, triste et songeant à quelque amour déçu. Le souvenir dans les arbres murmure, le racontant les bonheurs expiés ; et, comme un pleur, de la grêle ramure une feuille tombe à vos pieds.
Ils venaient là, beau couple qui s’enlace, aux yeux jaloux tous deux se dérobant, et réveillaient, pour s’asseoir à sa place, le clair de lune endormi sur le banc. Ce qu’ils disaient, la maîtresse l’oublie ; mais l’amoureux, cœur blessé, s’en souvient, et dans le bois, avec mélancolie, au rendez-vous, tout seul, revient.
Pour l’œil qui sait voir les larmes des choses, ce banc désert regrette le passé, les longs baisers et le bouquet de roses comme un signal à son angle placé. Sur lui la branche à l’abandon retombe, la mousse est jaune, et la fleur sans parfum ; sa pierre grise a l’aspect de la tombe qui recouvre l’Amour défunt !… » Théophile GAUTIER ( Poète français, romancier, critique d’art – Extrait du recueil Poésies-Volume 2- A Ernest Hébert / Écrit en 1865 Edition 1890 )
» Je peins d’abord pour moi. Je ne crains pas de le dire, c’est pour que ma vie soit possible. Je peins parce que j’ai besoin de peindre. Mais je considère que ma peinture ne devient de l’art qu’à partir du moment où elle est vue, où elle est regardée par d’autres, et où elle est comme une œuvre d’art, c’est-à-dire comme une chose que d’autres regardent et vivent à leur manière.
L’œuvre vit du regard qu’on lui porte; Elle ne se limite ni à ce qu’elle est, ni à celui qui l’a produite. Elle est faite aussi de celui qui la regarde. Quand je regarde une de mes peintures, une de celles qui travaillent avec le reflet, la lumière vient de la toile vers moi, et, par conséquent, l’espace de la toile se trouve devant la toile et, dans ce cas là, je ne suis pas non plus devant l’espace d’une peinture, mais dans son espace et ceci est particulier à ce type de peinture. Si je me déplace devant ou si la lumière change de direction, l’organisation des formes est modifiée: certaines surfaces se glissent du sombre au clair, d’autres basculent du clair au sombre. C’est depuis l’endroit où l’on se trouve et dans l’instant du regard que la peinture apparait ainsi. Sa présence se fait au moment même du regard, ce qui est un rapport au temps propre à ce type de peinture.
Un jour je peignais, le noir avait envahi toute la surface de la toile, sans formes, sans contrastes, sans transparences. Dans cet extrême, j’ai vu , en quelque sorte, la négation du noir. Les différences de textures réfléchissaient plus ou moins faiblement la lumière et du sombre émanait une clarté, une lumière picturale dont le pouvoir émotionnel particulier animait mon désir de peindre. Mon instrument n’était plus le noir , mais la lumière secrète venue du noir J’aime l’autorité du noir. C’est une couleur qui ne transige pas. Une couleur violente mais qui incite pourtant à l’intériorisation. A la fois couleur et non-couleur. Quand la lumière s’y reflète, il la transforme, la transmute. Il ouvre un champ mental qui lui est propre. Pierre SOULAGES (Peintre et sculpteur français)
(Vidéo : » Ouverture/Suite – Interprétée par l’Ensemble MUSICA ANTIQUA KHÖL- Direction Reinhard GOEBEL)
Veracini reste, de nos jours, un violoniste virtuose (dont Tartini pensera un jour ne pas réussir à égaler ) , un compositeur florentin du baroque tardif, quelque peu méconnu, ainsi qu’un excellent contrapuntiste . C’est l’un des plus importants qui œuvra, avec succès, dans son pays mais aussi à Londres, Dresde, Prague. Disciple de Corelli certes, mais ayant imposé, dans sa musique, sa personnalité personnelle, sa nouveauté, son inventivité.
Surnommé tête folle (Capo pazzo), probablement parce que très lunatique, imprévisible, excentrique, colérique, qui n’hésitera pas un jour à sauter par une fenêtre de Dresde parce que n’ayant pas réussi , parait-il, à obtenir le solo qu’il espérait , ce qui le laissera, malheureusement, boiteux . Après avoir beaucoup voyagé il finira sa vie dans sa ville natale en tant que musicien d’église.
Il, à son actif, des opéras, des suites orchestrales dites Ouvertures, des oratorios, des fugues, et pour son instrument, des merveilleuses suites & sonates très inventives, techniques, audacieuses pour l’époque.
Un grand nombre de ses partitions sont conservées dans des partitions de Bologne et Florence. De manière générale, ses œuvres, majestueuses, gracieuses, mélodieuses, sont exigeantes, pleines d’originalité, de nuances, pas si faciles que cela à interpréter malgré leur aspect de légèreté.,
(Vidéos : Sonates interprétées par Riccardo MINASI au violon et à la direction de l’Ensemble MUSICA ANTIQUA ROMA sur instruments anciens )
(Video : « Sonate académique N°5 – Interprétation : Luigi MANGIOCAVALLO (violon) – Claudio RONCO (violoncelle) – Marco MENCOBONI (clavecin)
» On se souvient avant tout aujourd’hui de Frederick Leighton pour ses scènes mythologiques, mais ses sujets étaient variés. Il peignait, par exemple, divers tableaux orientalistes à la suite de ses nombreux voyages dans les pays arabes. L’orientalisme était un thème à la mode au XIXe siècle en Europe, né à la suite de la campagne d’Égypte de Napoléon entre 1798 et 1801, et encouragé par une série d’importantes découvertes archéologiques et la publication de récits de voyages.
La plupart des artistes s’inspiraient , pour leurs tableaux, de sources secondaires, mais Leighton appartenait aux quelques privilégiés qui visitèrent la région. Il se rendit à Alger en 1857 et développa bientôt une passion pour l’art arabe qui le conduisit à collectionner céramiques et poteries.
Il créa même un vouloir arabe dans sa maison londonienne. Malgré ses connaissances profondes du Moyen-Orient, Leighton ne tenta jamais de rendre authentiques ses scènes orientalistes qu’il décrivait comme « de néfastes et inévitables œuvres alimentaires « destinées à financer ses voyages en répondant aux goûts occidentaux.
Dans La leçon de musique , les pieds nus des modèles et le cadre clos évoquent le harem, sujet toujours vendeur. Les riches costumes appartenaient à une collection que Leighton avait acquis durant un voyage à Damas en 1873, mais les modèles étaient, de toute évidence, européens. La fillette était Connie Gilchrist qui posa aussi pour le peintre Whistler et pour l’objectif de Lewis Carroll. » Iain ZACZEK (Historien d’art et écrivain anglais)
« La leçon de musique » 1877 – Frederick LEIGHTON (Guidhall Art Gallery de Londres)
» Le corps a une mémoire ! Le corps hérite d’une histoire, d’une éducation, d’une famille, d’une culture, d’une géographie, de schémas complexes inscrits par des générations. Et le geste du danseur peut soudain faire rejaillir un souvenir ou une émotion enfouie avec plus de force que n’importe quelle parole. C’est le défi et le miracle de la danse ! Sade disait : » Il n’y a pas de corps sans idées ni d’idées sans corps. » Marie-Claude PIETRAGALLA (Danseuse Étoile française de l’Opéra de Paris, puis chorégraphe française)