» On parle aussi volontiers de nouvelle écoute. Laissons cela de côté. Ou alors, il faudrait généraliser cette notion d’écoute et renverser le problème. L’écoute musicale est loin d’être constante dans l’histoire de la perception de la musique. Elle en est même une des variables. Qui pourra nier qu’entre le courtisan spectateur de Lully et le pèlerin de Bayreuth, il y a autant et plus de distance qu’entre l’auditeur viennois des symphonies de Beethoven et celui des concerts actuels ? Les modes de consommation de la musique, il s’agit bien de cela, entraînent autant de modes d’écoute différents et la seule originalité de notre époque est la multiplicité ahurissante de ces modes de consommation. L’oreille est donc aussi peu préparée que possible ( puisqu’on la sollicite continuellement ) à saisir un message qui appréhende, à travers elle, toutes les facultés de l’imagination et de la mémoire. S’il y a nécessité d’une nouvelle écoute, c’est qu’il faut d’abord redécouvrir l’écoute, c’est-à-dire l’ouïe en tant que sens privilégié de la connaissance. Il est paradoxal que cette époque soit aussi liée, économiquement mais aussi techniquement, à des médiations simplificatrices de la transmission musicale ( on peut bien entendre un orchestre de quatre-vingt musiciens à travers un haut-parleur ) qu’attachée à la réalisation d’intuitions auditives et intellectuelles complexes, que seul grand développement de l’oreille naturelle ( pluri-directionnelle) peut logiquement d’appréhender. » Gilbert AMY ( Chef d’orchestre français, compositeur, pédagogue, membre de l’Académie des beaux arts )
