L’écoute musicale …

 » On parle aussi volontiers de nouvelle écoute. Laissons cela de côté. Ou alors, il faudrait généraliser cette notion d’écoute et renverser le problème. L’écoute musicale est loin d’être constante dans l’histoire de la perception de la musique. Elle en est même une des variables. Qui pourra nier qu’entre le courtisan spectateur de Lully et le pèlerin de Bayreuth, il y a autant et plus de distance qu’entre l’auditeur viennois des symphonies de Beethoven et celui des concerts actuels ? Les modes de consommation de la musique, il s’agit bien de cela, entraînent autant de modes d’écoute différents et la seule originalité de notre époque est la multiplicité ahurissante de ces modes de consommation. L’oreille est donc aussi peu préparée que possible ( puisqu’on la sollicite continuellement ) à saisir un message qui appréhende, à travers elle, toutes les facultés de l’imagination et de la mémoire. S’il y a nécessité d’une nouvelle écoute, c’est qu’il faut d’abord redécouvrir l’écoute, c’est-à-dire l’ouïe en tant que sens privilégié de la connaissance. Il est paradoxal que cette époque soit aussi liée, économiquement mais aussi techniquement, à des médiations simplificatrices de la transmission musicale ( on peut bien entendre un orchestre de quatre-vingt musiciens à travers un haut-parleur ) qu’attachée à la réalisation d’intuitions auditives et intellectuelles complexes, que seul grand développement de l’oreille naturelle ( pluri-directionnelle) peut logiquement d’appréhender.  » Gilbert AMY ( Chef d’orchestre français, compositeur, pédagogue, membre de l’Académie des beaux arts )

GILBERT AMY
Gilbert AMY

Perles de rosée …

 » Si tu veux inventer un collier,
Tiens, voici comment procéder.
De bon matin, te réveiller,
Dans les rosiers, te promener.

Tu verras des perles de rosée,
Sur les roses elles sont accrochées
Une bonne poignée tu cueilleras,
Dans une boîte tu les rangeras.

Un cheveu d’or pour les assembler,
Un tout petit nœud pas trop serré,
Ainsi tu auras un joli collier,
Aussi souple que celui d’une fée.  » Gilbert JOUANEN dit Gilbert SAINT PRÉ (Poète et peintre français)

Outils (mots) posés sur une table …

 » Mes outils d’artisan
sont vieux comme le monde
vous les connaissez
je les prends devant vous :
verbes adverbes participes
pronoms substantifs adjectifs.

Ils ont su ils savent toujours
peser sur les choses
sur les volontés
éloigner ou rapprocher
réunir séparer
fondre ce qui est pour qu’en transparence
dans cette épaisseur
soient espérés ou redoutés
ce qui n’est pas, ce qui n’est pas encore,
ce qui est tout, ce qui n’est rien,
ce qui n’est plus. Je les pose sur la table
ils parlent tout seuls je m’en vais. » Jean TARDIEU (Poète et écrivain français- Extrait de son recueil Poèmes pour la main droite/1976)

Jean TARDIEU 1903/1955

Danseur …

 » L’harmonie trouve le chemin de ses muscles, l’éclairage tourbillonne, il regarde, furieux, le chef d’orchestre qui corrige son tempo, et il poursuit, en toute maitrise d’abord, chaque figure précise et soignée. Les pièces commencent à s’assembler, son corps est élastique, trois jetés tournés, prendre garde en retombant. Il allonge sa ligne, le beau mouvement ici , oui , violoncelle vas-y … Les lumières fonctionnent, pirouettes enchainées, il respire l’air, le corps sculpté par la musique, une épaule à la recherche de l’autre, l’orteil droit distingue le genou gauche, stature, profondeur, forme, contrôle, la souplesse du poignet, la courbure du coude, l’inclinaison du cou, les notes qui fouillent dans ses artères. Il est soudain suspendu en l’air, pousse ses jambes au-delà des mémoires gestuelles. Un dernier développé des cuisses, prolongement de figure dansée, galbe humain dénoué, il vole plus haut encore et le ciel le retient …  » Colum MCCANN ( Écrivain irlandais -Extrait de son livre Danseur)

Sergei POLUNIN pour le film  » Dancer  » réalisé par Steven CANTOR (2016) Photo de Johan PERSSON

Histoire d’un ballet : EXCELSIOR …

«  C’est un ballet pour public intelligent, qui décrit le triomphe de la lumière sur les ténèbres, de l’intelligence sur l’ignorance, à travers les âges. Si l’obscurité prédominait durant l’inquisition, la lumière et sa légèreté triompheront au Siècle des Lumières. Elle sera présente lors des grandes inventions du XIXe siècle et rassemblera l’humanité dans une atmosphère heureuse et paisible. » Luigi MANZOTTI (Mime, danseur et chorégraphe italien)

Luigi MANZOTTI (1835/1905) – Photo de Giovan Battista GANZINI
(Vidéo : Isabel SEABRA & Roberto BOLLE)

Luigi Manzotti est né à Milan en 1835, fils d’un négociant en fruits et légumes. Son coup de cœur à 20 ans pour une danseuse, va le faire entrer dans le monde artistique. Il décide alors de ne pas suivre la tradition familiale pour se tourner vers une carrière de mime (Il deviendra d’ailleurs premier mime à la Scala de Milan) . C’est un personnage très créatif  qui, un jour, finira par se lancer dans la danse et la chorégraphie.

Durant les années qui suivront ,  il travaillera , petit à petit, au projet d’un grand ballet qui célébrerait toutes les découvertes, avancées technologiques, et progrès qui voyaient le jour au XIXe siècle  (appelé le Siècle d’Or ) comme le développement du bateau à vapeur, l’électricité, la construction puis inauguration du Canal de Suez, le tunnel du Mont Cenis entre la France et l’Italie )-  Un sujet très riche d’autant que Milan était en passe de devenir un grand centre industriel et culturel en Italie à cette époque. La guerre entre la France et la Prusse (1870) avait pris fin et avait permis, en Europe, une grande ouverture sur plus de solidarité sociale, de possibilités scientifiques et techniques qui permettraient d’améliorer la vie de tout à chacun.

Ce ballet ce  sera donc :  Excelsior . Il demande à son ami violoniste et  compositeur Romualdo Marenco, avec lequel il avait déjà travaillait pour un spectacle à Turin, de s’occuper de la musique.

Il est un peu différent des autres ballets, d’une part en raison du sujet et d’autre part sa présentation en différents tableaux allégoriques. C’est  une histoire d’amour, de haine, de lutte  entre l’Obscurité (sous les traits d’un homme en noir à l’aspect parfois squelettique)   qui est lié au passé et la Lumière pleine de richesse, de générosité et d’espoir ( une ballerine belle et tout de blanc vêtue) . Il  se terminera sur la victoire du bien contre le mal. C’est aussi la gloire du progrès, la foi en la fraternité, l’optimisme de la bourgeoisie de cette époque qui pensait qu’avec autant de progrès on allait vers un avenir libérateur et merveilleux. On assiste, par ailleurs, à toutes les grandes découvertes du siècle.

Pour beaucoup c’est un ballet qui semble un peu kitsch, rétro, mais en 1881 lors de sa création il fut ovationné avec un grand enthousiasme, recevra un véritable triomphe   et fera l’objet d’une centaine de représentations avant d’être repris dans différents pays un peu partout en Europe. Par la suite, il tombera un peu dans l’oubli,  avant d’être redécouvert en 1967 lors du Mai musical florentin dans une version de Ugo Dell’Ara. La musique fut retravaillée par Fiorenzo Carpi et Bruno Nicolaï. A partir de là, on l’a classé comme étant l’un des plus beaux témoignages culturels italiens de la fin du XIXe siècle. Il fait partie désormais du répertoire de la Scala de Milan.

Excelsior est un ballet  optimiste, riche en couleurs, divertissant, touchant et vraiment spectaculaire .

(Vidéo : en scène Roberto BOLLE – Marta ROMAGNA – Isabel SEABRA & Riccardo MASSIMI )

Mes larmes …

 » Oh ! ces larmes que tu me coûtes,

Que Dieu les prenne dans sa main,

Qu’il les compte, les pèse toutes,

Qu’il les jette sur ton chemin.

Chacune deviendra la sève

De ton avenir enchanté,

La plus claire sera ton rêve,

La plus lourde ta volupté.

Oui, que ta route en soit suivie

En des bienfaits toujours constants,

Qu’elles s’écoulent sur ta vie

Comme une averse de printemps.

Prends, oh ! prends mes larmes fidèles

Qui trempent mes doigts anxieux,

Et que les plus poignantes d’elles

Soient de la douceur pour tes yeux.

Que leur cristal soit ton ivresse,

Leur amertume ta bonté,

Et que leur sel soit ta sagesse

Et leur poids ta félicité.

Qu’elles fassent fleurir ta gloire…

Ô Dieu, ces larmes de ferveur,

S’il a soif, faites-les-lui boire,

S’il souffre, mouillez-en son cœur.

Qu’elles soient l’eau de son étoile,

Le suc de ses nobles douleurs,

Et de sa pitié le long voile…

Que ses fautes, que ses erreurs

Soient, par leur baume, rachetées…

Qu’à son âme, ces larmes d’or,

En vertus elles soient comptées

Au soir si triste de sa mort !

Je veux plus encor en répandre,

En des sanglots plus douloureux,

Ô Dieu, si tu me fais comprendre

Qu’il peut en être plus heureux !… « Hélène PICARD (Poétesse française – Extrait de son recueil L’instant éternel)

Tableau : LE CARAVAGE (entre 1605/1606)

Malgorzata CHODAKOWSKA …

Portrait von Malgorzata Chodakowska im Garten

 » Mes fontaines répandent la joie pure de la vie. Elles sont une combinaison d’un élément (eau) avec la matière première ( le bronze ). De façon générale, je dirai que mes œuvres sont des représentations figuratives. Je travaille ainsi, au figuré, en me sentant très proche de la forme, ce qui me permet de les formuler au mieux.  » Malgorzata CHODAKOWSKA

Cette artiste polonaise travaille le bois et le bronze. Elle a étudié la sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne et vit à Dresde en Allemagne. Son travail a été récompensé par de très nombreux prix internationaux et on fait souvent appel à elle pour des expositions un peu partout dans le monde.

Elle a une réelle passion pour le bois : tilleul, frêne,  cerisier, poirier, chêne ( son préféré) et utilise, pour ce faire,   des arbres déracinés qu’elle obtient, pour son travail, grâce à l’administration forestière. Une sculpture en bois lui prend généralement trois mois.

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Sculpture en bois // Elle apporte parfois une touche de couleur à ses statues en bois. Il s’agit de peinture acrylique légère. Pour les éclaircir, certaines sont recouvertes d’huile à base de cire d’abeille + de l’essence de térébenthine. Pour d’autres, elle travaille (influencée par un voyage en Égypte) l’or qu’elle fait entrer dans ses œuvres.
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Sculpture en bronze

Pour le bronze, il lui faut six mois. La sculpture  débute préalablement avec de l’argile.

Quelle qu’en soit la matière, elle avoue avoir beaucoup de difficultés à se séparer de ses œuvres. Elle affectionne de les avoir auprès d’elles et en vend très peu  : J’ai  des demandes mais je ne veux pas créer comme si j’étais une chaîne de production. Ce sont des pièces uniques que je décide ou non de vendre  –  Elles représentent très souvent des fontaines  où l’eau s’unit à la matière, ce qui les rend poétiquement  » vivantes  » .

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Sculpture en bronze
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Sculpture en bronze
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Sculpture en bronze

En 2010  elle a gagné le concours de la sculpture-mémorial  qui devait représenter l’hommage rendu aux victimes du 13 février 1945 à Dresde. L’œuvre s’intitule Une pluie de larmes. Elle se trouve au cimetière de la ville.

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Les fleurs sont la meilleure preuve …

 » Les fleurs sont la meilleure preuve que nous ayons de la bonté divine. Nous ne pourrions nous passer d’elles. Elles ne sont là que pour embellir notre vie. Tout le superflu nous est donné par gentillesse et, je le répète, les fleurs nous sont une bonne raison d’espérer.  » Sir Arthur CONAN DOYLE (Écrivain écossais-Phrases extraites de son livre Sherlock Holmes-Les six Napoléons-(Trois autres récits) –

La chair chaude des mots …

 » Prends ces mots dans tes mains et sens leurs pieds agiles
Et sens leur cœur qui bat comme celui d’un chien
Caresse donc leur poil pour qu’ils restent tranquilles
Mets-les sur tes genoux pour qu’ils ne disent rien

Une niche de sons devenus inutiles
Abrite des rongeurs I’ordre académicien
Rustiques on les dit mais les mots sont fragiles
Et leur mort bien souvent de trop s’essouffler vient

Alors on les dispose en de grands cimetières
Que les esprits fripons nomment des dictionnaires
Et les penseurs chagrins des alphabécédés

Mais à quoi bon pleurer sur des faits si primaires
Si simples éloquents connus élémentaires
Prends ces mots dans tes mains et vois comme ils sont faits. » Raymond QUÉNEAU (Poète, romancier et dramaturge français / Extrait de son recueil Le chien à la mandoline / 1954)

Raymond QUÉNEAU 1903/1976

Camille …

  » Malheureusement ce n’est pas avec une fleur à la main que je viens vous offrir mes souhaits. C’est avec des larmes dans les yeux. Les larmes de l’exil, les larmes que j’ai versées goutte à goutte depuis que j’ai été arrachée à mon cher atelier. Vous qui connaissez mon attachement à mon art vous devez savoir ce que j’ai dû souffrir, d’être tout à coup séparée de mon cher travail. Je ne voudrais pas vous attrister davantage en vous faisant le récit de l’injustice dont j’ai été la victime…. » Camille CLAUDEL (Sculptrice française / Extrait d’une correspondance adressée en 1915 env. à l’une de ses cousines)

Camille dans l’atelier qu’elle partageait, rue Notre-Dame des Champs, avec une autre sculptrice Jessie Lipscomb – 1887 –