» Rome est la ville où, plus qu’ailleurs, se dirige le voyage des peintres, parce qu’elle est la tête des écoles de peinture ! Rapporte de Rome la juste manière de dessiner ... » Karel Van MANDER ( Peintre et écrivain flamand )

Rome va devenir le centre culturel et artistique en Europe dès les XVe et ce jusqu’au XIXe siècle . Le Cinquecento sera celui des maîtres de la peinture et de la sculpture comme Michel Ange, Titien, Raphael etc … qui ont beaucoup apporté à l’art et ont laissé des traces indélébiles que ce soit à Rome, Florence, Venise et autres cités italiennes : Naples, Milan, Parme, Mantoue, Trevise, Sienne . Au XVIIIe siècle, il était possible de voir Rome sur des documents et les artistes n’eurent qu’une envie : y aller pour se forger le » goût et la manière » qu’ils avaient également pu apprécier au travers des œuvres d’artistes italiens qui circulaient dans toute l’Europe.
L’Italie n’en finissait pas d’éblouir et séduire, et Rome voyait l’épanouissement de grands courants artistiques. Elle apparaissait aux yeux de beaucoup comme une cité intemporelle. La découverte de l’Antiquité et de la Renaissance les attirait et une fois sur place, ils se sont émerveillés de la campagne, de la nature, de la lumière, des paysages et du côté sauvage de certains sites.
A cette époque, plus encore que dans les siècles précédents, aller en Italie était quasiment une obligation, une référence, un voyage nécessaire si l’on voulait ajouter un » plus » à sa formation et une fois sur place il fallait tenter de se faire un nom pour pouvoir rentrer au pays avec de vraies belles références. La renaissance artistique italienne fascinait les artistes et ils avaient à cœur de tenter l’aventure.
Rome et ses ruelles, ses échoppes d’artisans, ses tavernes, les romains et leur vie quotidienne, les ruines antiques, les palais, les fontaines, les ateliers des peintres, les vestiges architecturaux, les monuments, les jardins, la campagne furent des grandes sources d’inspiration pour les paysagistes – Partir là-bas pour » le Grand Tour » (expression apparue dans la seconde moitié du XVIIe ) approfondir ses connaissances, se former aux évolutions esthétiques, se renouveler artistiquement parlant, apprendre une nouvelle façon de peindre , mieux connaitre et admirer les œuvres grandioses des Maîtres italiens, les copier et s’inspirer d’eux.
Partir là-bas et se faire connaître, rencontrer des personnes influentes car le mécénat y était très actif, beaucoup de monde donc beaucoup de réseaux, de collectionneurs, d’acheteurs . C’était aussi quelquefois vouloir apprendre auprès d’un peintre italien comme l’a notamment fait Claude Lorrain avec Agostino Tassi . Et puis il y avait la belle lumière de l’Italie, sa palette de couleurs, ses paysages harmonieux qui ont fasciné celles et ceux qui arrivaient de France, de Belgique, d’Allemagne, d’Angleterre. …. Sans oublier la littérature, les grands auteurs italiens !

Le voyage jusqu’en Italie était très difficile à l’époque en raison de l’inconfort, des conditions climatiques, la rencontre avec les voleurs de grand chemin, les haltes dans des relais ou auberges de fortune à l’aspect pas très accueillant , l’état des routes, toutes les formalités administratives d’avant départ que cela demandait pour le passage en douane etc..
Bien sur, les conditions de voyage dépendaient aussi de l’argent que l’on avait; et les artistes n’étaient généralement pas très fortunés. Donc ils économisaient avant et puis au fur et à mesure de leur épopée, ils offraient leurs services pour en gagner un peu plus . Rubens par exemple fut de ceux-là : pour vivre et subvenir à ses besoins, il était entré au service du Duc de Mantoue . D’autres avaient la chance de partir sous la protection d’un mécène qui assurait financièrement leur voyage et ce en échange d’une mission ayant souvent attrait à la copie d’antiques.
Il y avait deux possibilités pour se rendre en Italie : terrestre ou maritime. Traverser les Alpes était le plus courant, le plus souvent emprunté à l’aller comme au retour. Le voyage en mer, il est vrai, était plus direct, plus rapide, mais très dangereux sinon plus en raison des tempêtes, des pirates ( les barbaresques ) en Méditerranée. Le confort n’était pas de mise, les passagers nombreux, hommes et animaux souvent mélangés, donc, outre le mal de mer, de gros risques de maladie et épidémie.
Une fois arrivés à Rome tout n’était rose : il fallait s’accoutumer au climat qui parfois était assez difficile : forte chaleur qui incommodait beaucoup ou fortes pluies avec inondations. Trouver un logement n’était pas chose facile. Les auberges et les hôtels c’était bien souvent exclu soit parce que les chambres proposées étaient petites et très sales, soit intéressantes mais trop chères. Donc restait l’option chez l’habitant, ou celle de trouver un mécène qui en contre partie d’un travail, offrait une pièce à vivre, ou bien encore s’adresser aux institutions religieuses. La plupart des peintres étrangers se regroupaient dans certains quartiers dit » des artistes » car c’était là où l’on pouvait plus facilement trouver un hébergement .
Leur séjour à Rome durait entre 1 à 3 ans , quelquefois plus, voire rester définitivement parce que l’amour avait tapé à leur porte et qu’ils avaient fondé une famille. En conséquence de quoi leur vie se terminerait en Italie.
Vivre au quotidien à Rome à l’époque c’était aussi se retrouver confronter aux querelles, à la violence, c’était devoir être entourer par la rivalité et la jalousie des autres artistes , qu’ils soient étrangers ou italiens, selon que l’on arrive à trouver un emploi, un mécène ou que l’on rencontre des personnes influentes qui deviennent de potentiels acheteurs. Mais c’était aussi parfois développer des réseaux d’amitié et donc par conséquent se soutenir , s’épauler, collaborer avec d’autres, partager les mêmes enseignements, y trouver une certaine émulation.

Outre la ville, la campagne et les paysages à l’extérieur de Rome ont beaucoup intéressé les peintres. Ces thèmes n’avaient pas le même aspect à l’époque que ce qui se présente à nous de nos jours . C’était très rural et beaucoup moins urbain donc plus beau. Par ailleurs, il y avait les vestiges antiques dans une nature souvent assez sauvage, sur des collines. On partait comme en promenade sur ces sites enchanteurs, on s’asseyait et on commençait à dessiner ou à peindre, seul ou avec d’autres, en se laissant imprégner de beauté et de lumière.






Important aussi de parler de l’Académie de France à Rome. En 1666, à la demande de Louis XIV et sur les conseils des peintres Charles Le Brun et Charles Errard, Colbert créera l’Académie de France, sorte d’annexe de l’Académie royale de peinture et sculpture de Paris, qui fut mise en place pour accueillir des jeunes artistes à qui le roi allouait une pension pour pouvoir rester 1 à 3 ans sur place et acquérir une très belle formation. On leur demandait de réaliser des copies de l’Antique et de la Renaissance italienne pour la décorations de résidences royales. Par ailleurs, des cours quotidiens étaient dispensés . Au départ, on vit arriver des peintres, puis ce furent des sculpteurs et des architectes.
Cette Académie offrait la possibilité de recevoir des récompenses et notamment le célèbre prix de Rome qui permettait à celui qui arrivait à le décrocher, de recevoir une bourse, de nombreux avantages et rester à Rome durant quatre ans. Beaucoup d’artistes vont tenter de l’obtenir.
L’institution fut installée, au départ, dans une simple maiso, puis transférée au Palais Caffarelli en 1673, au Palais Capranica en 1684 et au Palais Mancini en 1725. Ce dernier sera complètement détruit par les révolutionnaires romains en 1793, ce qui amènera les pensionnaires à partir pour Naples, Florence et Venise. L’Académie fut donc définitivement supprimée pour renaître de ses cendres en 1795 sous le Directoire.

Napoléon Bonaparte décidera alors de la transférer en 1803 sur le mont Pincio à la Villa Médicis, en accord avec la Cour d’Etrurie. Cette villa avait été bâtie au milieu du XVIe siècle par Giovanni Lippi et son fils Annibale à la demande du Cardinal di Montepulciano. En 1576, elle deviendra la propriété du Cardinal Ferdinand Médicis. Lorsque la famille Médicis s’éteindra, elle reviendra à l’un de ses cousins François III de Lorraine, grand Duc de Toscane, puis à son fils Léopold Ier.

Rome donnera l’envie d’aller voir d’autres villes italiennes comme Venise, Florence, ou Naples pour ses cités disparues et redécouvertes telles qu’Herculanum et Pompéï .