« Je voudrais me pencher sur le vieux puits, qui songe Là-bas, au coin du clos où saignent les mûriers, Et revoir dans sa nuit où la fougère plonge. Mes rêves d’autrefois, de moi-même oubliés.
Je voudrais me pencher sur la margelle rousse, Désaltérer mon âme à mon passé dormant, Et, parmi les reflets des plantes et des mousses, Tout au fond du miroir, rire à mes yeux d’enfant.
Je voudrais, je voudrais… ô bonheur ! ô détresse ! Boire le philtre vert du vieux puits enchanté. Et grâce à lui revivre un jour de ma jeunesse, Tout un jour d’innocence et de limpidité. » Gérard D’HOUVILLE nom de plume de Marie De HEREDIA (Poétesse, romancière, dramaturge française. Ses Petits poèmes (dont celui-ci) furent publiés dans La Revue des Deux Mondes en 1917. Pour celles et ceux qui ne la connaissent pas, Marie fut la fille de l’homme de Lettres et poète José Maria De Heredia, l’épouse de l’écrivain et poète Henri de Régnier, et la muse de nombreux peintres)
» Par sa taille et son importance, Les Dindons est le tableau d’un groupe présenté à la troisième exposition impressionniste. Ce groupe a pour thème le château de Rottenbourg et le parc de Montgeron, la résidence du marchand Ernest Hoschedé, ami de Monet. Les trois autres toiles sont des études pour de grandes compositions sur le même sujet, réalisées juste après, parmi lesquelles L’étang à Montgeron.
» L’étang à Montgeron » 1876 Claude MONET (Musée de l’Ermitage/Saint-Pétersbourg)
Il y a encore quelques années, on pensait que ces deux tableaux avaient été peints durant l’été 1876 à la suite d’une commande de Hoschedé qui souhaitait décorer une pièce de son château et que, pendant ce séjour passé à Montgeron, étaient née l’idylle entre Monet et Alice, la femme d’Hoschedé.
Sur ce dernier point, il apparaît qu’en réalité Monet serait resté fidèle à sa première épouse Camille jusqu’à la mort de celle-ci en 1879. Ce n’est qu’après ce triste évènement qu’aurait débuté l’histoire avec Alice qui deviendra sa compagne, puis son épouse après la mort de Hoschedé en 1891. Ils se marieront le 16 juillet 1892.
Il semble qu’en 1876, Hoschedé connaisse déjà de graves déboires financiers qui le contraindront en 1876, l’année de sa faillite, à aller vivre avec sa famille à Vétheuil chez les Monet. La relation entre Hoscedé et le peintre n’est donc pas tant celle d’un mécène et d’un artiste , mais plutôt celle de deux associés.
Les deux hommes espéraient qu’un riche protecteur des arts, flairant le potentiel décoratif de l’art impressionniste, commande à Monet de grandes fresques murales. Les impressionnistes appelaient cette fonction de leurs vœux comme le prouvent les deux articles publiés pendant la troisième exposition dans L’Impressionniste, une revue proche du groupe dirigée par Georges Rivière. Signés simplement en peintre ces articles étaient en réalité de la plume de Pierre-Auguste Renoir, qui réfléchissait depuis quelque temps à une déclinaison possible de la peinture moderne, en particulier de l’impressionnisme, à l’échelle murale.
Face à la médiocrité des fresques récentes (à l’exception du travail de Delacroix) comparées à celles d’autrefois, Renoir proposa de conférer au tableau une diversité et une vivacité chromatique conjuguées à une harmonie d’ensemble qui ne tiennent plus compte du sujet. Cette idée rappelle celle de Flaubert évoquée dans une lettre célèbre adressée à Louise Collet en 1832, à savoir écrire un livre sur rien, sans sujet, qui ne tiendrait que par la force du style.
De la même manière, la peinture impressionniste rejette les thèmes pompeux de l’art académique pour coller à la réalité quotidienne. Il est difficile, en effet, de penser à un motif plus prosaïque que celui des dindons de Monet qui picorent dans le pré, avec le château en arrière-plan. Inutile de dire que l’État français, à cette époque, mais aussi dans les décennies qui suivirent, resta, encore une fois, sourd à cet appel des artistes impressionnistes … » Claudio ZAMBIANCHI (Écrivain italien, diplômé en Histoire de l’art)
« Les Dindons » 1876 Claude MONET (Musée d’Orsay/Paris)