La poésie est …

 » La poésie est le cri que l’on pousserait en s’éveillant dans une forêt obscure au milieu du chemin de notre vie.
La poésie est le soleil qui ruisselle à travers les mailles du matin.
La poésie, ce sont des nuits blanches et des bouches de désir.
La poésie est l’argot des anges et des démons.
La poésie est un canapé où s’entassent des chanteurs aveugles qui ont posé leurs cannes blanches.
La poésie est le dérèglement des sens qui produit du sens.
La poésie est la voix de la quatrième personne du singulier.
La poésie ce sont toutes les choses nées avec des ailes et qui chantent.
La poésie est une voix dissidente qui s’insurge contre le gaspillage des mots et la surabondance insensée de l’imprimé.
La poésie est ce qui existe entre les lignes.
La poésie est faite des syllabes des rêves.
La poésie, ce sont des cris lointains, très lointains, sur une plage au soleil couchant.
La poésie est un phare qui fait tourner son mégaphone au-dessus de la mer.
Un poème peut être fait d’ingrédients ménagers courants. Il tient sur une seule page et peut cependant remplir un monde et se loger dans la poche d’un cœur.
La poésie, ce sont des pensées sur l’oreiller après l’amour.
La poésie est un chanteur des rues qui sauve les chats de gouttière de l’amour.
La poésie est le dialogue des statues.
La poésie est le bruit de l’été sous la pluie et la clameur de gens qui rient derrière des volets clos dans une rue étroite.
La poésie est une grande maison résonnant de toutes les voix qui ont jamais dit quelque chose de fou ou de merveilleux.
La poésie est la voix à l’intérieur de la voix de la tortue.
La poésie est un livre de lumière la nuit.
La poésie n’est pas que l’héroïne, les chevaux et Rimbaud. Elle est aussi le murmure des éléphants et les prières impuissantes des passagers aériens qui attachent leur ceinture pour la descente finale.
Tel un bol de roses, un poème n’a pas à être expliqué.  » Lawrence FERLINGHETTI (Poète américain cofondateur de la Librairie City Light Booksellers & Publishers)

Lawrence FERLINGHETTI 1919/2021

14 Juillet 2022 … « Rouget de l’Isle chantant pour la première fois la Marseillaise …

 » A chaque pas on rencontre des barricades avec les portraits de ceux qui les font et ceux qui les enlèvent  » Ainsi la Revue des deux mondes rendit-elle compte du Salon de 1849 tenu, pour la première fois de son histoire, hors du Louvre, à l’Orangerie des Tuileries.

Ce commentaire visait des illustrations de scènes de la Révolution de février 1848 qui balaya le règne de Louis Philippe et instaura la IIe République. Présenté au Salon sous le titre Rouget de l’Isle chantant pour la première fois la Marseillaise chez Dietrich Maire de Strasbourg, le tableau de Isidore Pils renvoyait à la Révolution de 1789. Remarqué, il ne suscita pourtant l’attention que de rares critiques tel Auguste Galimard qui loua une scène peinte avec chaleur.

L’œuvre s’inspirait d’un passage du livre à succès (1847) d’Alphonse de Lamartine, L’histoire des Girondins, monument à la gloire d’acteurs politiques victimes de la Révolution. De façon imaginative, l’écrivain-homme politique y retraçait la naissance fiévreuse de l’hymne que composa en 1792, sous le nom Chant de guerre pour l’armée du Rhin, Claude Rouget de l’Isle, militaire alors en poste à Strasbourg. Pils favorisa le moment où l’auteur serait venir lui-même, le 25 avril, interpréter le chant dans le salon de Frédéric de Dietrich.

Isidore PILS (1815/1875)

Lauréat du Prix de Rome, Pils n’était pas encore le peintre à succès spécialité dans la figuration militaire. Le tableau fut néanmoins acquis par l’État avec 45 œuvres. Depuis les fusillades de juin 1848, déclenchées contre le peuple parisien, la IIe République s’avouait plus bourgeoise que révolutionnaire et La Marseillaise, sans statut particulier, n’était qu’un chant patriotique parmi d’autres. Le tableau fut donc relégué, sinon caché, dans un salon du Ministère de l’Intérieur. Déjà l’œuvre phare du Salon La liberté guidant le peuple de Eugène Delacroix, avait été rendue par le gouvernement de Louis Philippe à Delacroix qui la déposa un temps chez son cousin Léon Riesener à Frépillon dans le Val d’Oise.

Le tableau de Isidore Pils donnait l’illusion habile d’une toile contemporaine de l’évènement. Traitée en scène de théâtre, la composition s’articule autour de Rouget de l’Isle, saisi dans un mouvement d’exaltation patriotique face à des auditeurs, tous subjugués derrière Frédéric de Dietrich, pétrifié d’émotion admirative dans son fauteuil. Cette composition n’était pas sans rapport avec les tableaux de piété filiale de Jean-Baptiste Greuze et autres scènes de genre de la fin du XVIIIe siècle. Pils se souvenait de la toile de Nicolas André Monsiau Louis XVI donnant des instructions à la Pérouse envoyée à Versailles en 1837.

Afin de figurer les deux personnages historiques, le peintre dut s’inspirer, pour De Dietrich, d’une gravure, et pour Rouget de l’Isle des médaillons et buste créés par le sculpteur Pierre Jean Davis d’Angers. Ce dernier, qui avait tenu à enrichir sa galerie de célébrités d’une image du père de La Marseillaise, relata dans son Journal sa visite émue chez cet oublié de l’histoire, logeant dans une espèce de galetas avant que Louis Philippe ne le pensionnât. La pose emphatique de Rouget de l’Isle fut néanmoins rapprochée, par certains, de figuration de Bonaparte au temps des campagnes d’Italie. Alors que le glorieux retour des Cendres de l’empereur venait, en 1840, de réactiver la légende napoléonienne, cet air de famille serait-il fortuit ?

Quoi qu’il en soit, le tableau de Pils, assurément un de ses chefs-d’œuvre, allait connaître, à partit de la chute du Second Empire, une ascension irrésistible et inspirer d’autres artistes. Déjà montré en 1876 dans une exposition honorant la mémoire du peintre, il s’imposa lorsque la République, affermie en 1870, prit la partition de La Marseillaise comme hymne national.

Cette année-là, le tableau entra au Musée du Luxembourg, puis au Louvre en 1883. Rouget de l’Isle ne fut pas oublié et ses cendres rejoignirent solennellement le 14 juillet 1915 le caveau des Invalides. Enfin, pour saluer le rattachement de l’Alsace Lorraine à la mère patrie, en 1918/19, le tableau fut déposé au Musée historique de Strasbourg. Symbole aigu du patriotisme français entre la défaite de 1870 et la victoire de 1018, il avait fait l’objet de multiples copies dont des dizaines furent achetées par l’État français pour être distribuées dans toute la France.

La femme qui accompagne au clavecin Rouget de l’Isle, serait Sybille Ochs, musicienne, épouse de Dietrich. Les livres éparpillés au sol rappellent que, dans ce lieu, on cultive Les Lumières aptes à ouvrir l’esprit aux temps nouveaux. Dietrich, assis dans son fauteuil, sera guillotiné à Paris en décembre 1783. » Hervé GRANDSART (Écrivain français)

« Rouget de l’Isle chantant la Marseillaise » 1849 Isidore PILS (Musée historique de Strasbourg)