Le Chardon & la Rose …

 » Toi qui, peintre et rival de Flore,
Comme elle à la nature empruntes les couleurs
Dont se parent toutes les fleurs
Que sous tes doigts on voit éclore,
Que je porte envie à ton art !
Tout est rose pour toi. Plus tes tableaux fidèles
Se rapprochent de tes modèles,
Et plus on t’applaudit ; et moi, si par hasard
J’ose crayonner quelque page,
D’un tout contraire accueil je suis souvent payé.
Et je plais d’autant moins au modèle effrayé
Que j’ai mieux tracé son image.
À ses yeux qu’ai-je offert en effet ? maint défaut,
Maint travers. Cher ami, dans le siècle où nous sommes
Tout est vice ou sottise ; et, pour charmer, il faut
Peindre les fleurs et non les hommes.

La fleur du chardon se carrait
Au milieu des piquants dont sa tige est armée ;
Et sans plus de façons, d’elle-même charmée,
À la rose se préférait.
« Je suis plus qu’elle encore et sévère et pudique,
Car on la vit parfois s’humaniser un peu.
Quant à moi, qu’on approche, et l’on verra beau jeu !
Ma devise est, enfin : Qui s’y frotte s’y pique.
« — Et pourquoi s’y frotterait-on ? »
Dit un jeune berger qui cherchait aventure :
« Pour jouir d’une rose on brave une blessure ;
Mais se fait-on piquer pour cueillir un chardon ?  » Antoine-Vincent ARNAULT (Poète et fabuliste français/Extrait de son recueil Fables/Livre III-1812)

Peindre d’après nature … Paul GAUGUIN

 » Copier la nature, qu’est-ce que cela veut dire ? Suivre les maîtres ? Mais pourquoi donc les suivre ? Ils ne sont des maitres que parce qu’ils n’ont suivi personne. Un conseil, ne copiez pas trop d’après nature. L’art est une abstraction : tirez-là de la nature en rêvant devant et pensez plus à la création qu’au résultat. Personnellement, je me contente de fouiller mon moi-même et non la nature. Il y a, en somme, en peinture, plus à chercher la suggestion que la description. L’artiste ne doit pas copier la nature, mais prendre les éléments de la nature et créer un nouvel élément.  » Paul GAUGUIN (Peintre postimpressionniste français)

Paul GAUGUIN (1848/1903)

Nature morte à l’Espérance …

 » Gauguin admirait, dans l’œuvre de Vincent Van Gogh, le motif des tournesols. En 1890, il échange même avec un ami un de ses tableaux contre deux toiles de ce motif, des répliques de celles que Vincent avait accrochées dans sa chambre à Arles. Presque dix ans plus tard, alors qu’il vit à Tahiti, probablement par nostalgie de ces sublimes fleurs européennes, Gauguin demande à son ami Daniel de Monfreid de lui envoyer des graines.

Un an après, la récolte est si fructueuse qu’elle lui inspire plusieurs natures mortes dont celle-ci, dite Nature morte à l’Espérance, d’après une copie du tableau de Puvis de Chavannes accroché en haut à gauche de la composition. Il semble que Gauguin ait voulu honorer une demande de son marchand d’art Ambroise Vollard qui lui réclamait des natures mortes de fleurs. Malgré une forte précision pour la figure, il s’exécuta, tout en lui rappelant que Tahiti  » n’est pas vraiment le pays des fleurs  ».

Les tournesols sont disposés dans un vase aux formes primitives. Quelles que soient les origines de ce vase, son rôle dans cette nature morte est de symboliser le monde exotique dans lequel Gauguin, l’Européen, vit et dans lequel il introduit des fleurs venues de France. Les tournesols sont des fleurs dont l’existence est déterminée par l’orientation du soleil. Paradoxalement, la fleur la plus ouverte est celle posée sur la table, non nourrie par l’eau du vase.

Par sa composition mi-ordonnée, mi-désordonnée, et par ses couleurs éclatantes, cette nature morte est très spectaculaire.  » Claire DURAND-RUEL SNOLLAERTS (Historienne de l’art)

 » Nature morte à l’Espérance  » Paul GAUGUIN