
» Éxécuté précocement vers le milieu des années 1610, le tableau de la Gemäldegalerie de Dresde, qui fut rend au peintre français en 1906, après avoir été longtemps donné au Caravage lui-même, est l’une des plus anciennes œuvres de Valentin à nous être parvenue. La filiale directe avec Les Tricheurs » du maître italien , dont l’exemple de Manfredi à Dirck Van Baburen, nourrit maintes scènes de tripots resserrées sur un petit nombre de personnages cadrés de près, apparaît évidente.
Dans les deux cas, un trio d’hommes : le tricheur tirant les bonnes cartes de l’arrière de son habit , le complice qui révèle à ce dernier le jeu de son adversaire, et, enfin, la dupe. Dans les deux cas, l’ingénuité confinant à l’inconscience du pigeon face à la duplicité de la crapule à l’affût et aux mimiques théâtrales, bouffonnes du comparse, personnage presque entièrement burlesque chez l’Italien, déjà plus inquiétant chez le Français qui dépeint, la main sur la garde d’une épée considérable, un spadassin, l’un de ces bravi, qui, dans les villes d’Italies, faisaient alors passer de vie à trépas pour une somme d’argent modique.
On devine que ce dernier passera, en cas de besoin, sans s’émouvoir, de la triche à l’assassinat. Les deux œuvres se distinguent, en revanche, par leur ambiance lumineuse. La scène diurne du Caravage laisse place au ténébrisme expressif qu’affectionnèrent ses émules Italiens ou Forestieri . D’emblée, Valentin affirme sa personnalité : mélancolie sourde et fiévreuse des visages, amertume et obscure tristesse ainsi que le révélèrent Brejon de Lavergnée et Cuzin lors de leur exposition fondatrice sur les caravagesques français. » Alexis MERLE DU BOURG (Écrivain français, Historien de l’art)
