« Je crois que les journées les plus belles et les plus agréables ne sont pas celles où il se passe des choses magnifiques, incroyables ou passionnantes, mais celles qui nous donnent des petits plaisirs simples qui se présentent tranquillement les uns après les autres comme des perles qui glissent le long d’un fil. » Lucy Maud MONTGOMERY (Romancière, poète et essayiste canadienne – Extrait de son livre Anne d’AVONLEA)
La Grenouillère était un établissement de bains froids très fréquenté sur les bords de Seine, situé sur l’Île de Croissy, près de Bougival, dans la banlieue ouest de Paris que reliait le chemin de fer depuis la gare Saint-Lazare. Outre sa réputation pour les bains et les loisirs aquatiques, l’endroit était également une guinguette fort appréciée, avec un café flottant et un bal le jeudi soir où se dansait le cancan. Les citadins, et même l’Empereur et son épouse, la princesse Eugénie, y accouraient pour pêcher, pique-niquer ou se promener le long des berges.
Vers la fin de l’été 1869, Monet, qui habitait le hameau de Saint-Michel à Bougival, venait y peindre plusieurs scènes avec Renoir. Les deux artistes travaillaient des motifs paysagers caractéristiques de la modernité et soulignaient dans leurs toiles des éléments qui faisaient de la Grenouillère un lieu particulièrement couru de leur contemporains. Le plus souvent il peignaient face à leur sujet et exploraient tous les angles de vue possibles pour un même motif. Une des toiles de la Grenouillère de Renoir montre une vue du fleuve depuis les berges, tandis que d’autres présentent une vue plus reculée vers la droite, où l’on aperçoit le ponton et le café flottants de l’autre côté du fleuve.
» Bain à la Grenouillère » – Claude MONET
Les scènes de baignades étaient un sujet populaire dans l’art français. Toutefois la plupart des peintres plaçaient leurs œuvres dans un contexte universel et intemporel avec, souvent, des allusions à la mythologie classique. Ainsi, rares sont ceux osant représenter les nouveaux établissements de bains, car tels sujets étaient considérés incompatibles avec la tradition.
Les toiles de Monet et de Renoir portent la marque d’un style bien à eux et de leur sensibilité propre face au sujet, et soulignent les propriétés sensorielles de la nature. Le jeu miroitant de la lumière à la surface de l’eau et l’impression prégnante de la fugacité du moment et de l’effet visuel, traduites par un éventail de couleurs vives. La modernité des toiles de Renoir et Monet s’explique autant par les qualités novatrices de leur technique, avec ce trait haché et sommaire, que par le choix d’un sujet aussi contemporain.
Ces peintures de la Grenouillère contiennent de nombreuses caractéristiques que l’on retrouvera dans les œuvres tardives de l’Impressionnisme et notamment la volonté de capturer l’aspect évanescent du motif, mais qui restent encore marginales à cette époque. »
» Bains à la Grenouillère » – Auguste RENOIR
Le 25 septembre 1869 Monet écrit à Frédéric Bazille depuis la Grenouillère « j’ai bien un rêve, les bains froids de la Grenouillère dont j’ai fait quelques gribouillages, mais il ne s’agit bien que d’un rêve. Renoir, qui vient d’y séjourner deux mois, aimerait bien en faire une toile aussi. » La petite taille des peintures de cette période et leur traitement rudimentaire laissent à penser qu’elles constituent des études préparatoires pour une grande toile à soumettre au Salon, mais cette dernière ne sera jamais exécutée. Néanmoins, l’importance de ces œuvres se révèle à Monet qui, en 1876, en présentera une à la deuxième exposition impressionniste. » Jon KEAR ( Auteur spécialisé en Art Impressionniste)