» Quand de juin s’éveille le mois,
Allez voir les fraises des bois
Qui rougissent dans la verdure
Plus rouges que le vif corail
Balançant comme un éventail
Leur feuille à triple découpure.
Qui veut des fraises du bois joli !
En voici,
En voici mon panier tout rempli,
De fraises du bois joli !
Rouge au-dehors, blanche au-dedans,
Comme les lèvres sur les dents,
La fraise épand sa douce haleine
Qui dent de l’ambre et du rosier ;
Quand elle monte du fraisier,
On sait que la fraise est prochaine.
Qui veut des fraises du bois joli !
En voici,
En voici mon panier tout rempli,
De fraises du bois joli !
Ô fraise ! un poète latin
T’aurait fait mûrir sur le sein
De Vénus ou de sa maîtresse ;
Je te préfère où tu te plais,
À l’ombre où les rossignolets
Modulent sans fin leur tendresse.
Qui veut des fraises du bois joli !
En voici,
En voici mon panier tout rempli,
De fraises du bois joli !
Hélas ! n’entends-je pas venir
Un essaim qui vient vous cueillir ?
Petits garçons, petites filles ;
Ils pillent fraises, fleurs et nids,
Sans craindre les serpents tapis,
Ni les guêpes, ni les chenilles.
Qui veut des fraises du bois joli !
En voici,
En voici mon panier tout rempli,
De fraises du bois joli !
Dans l’écorce du coudrier
Serrez les filles du fraisier,
Qu’elles ne voient plus la lumière !
À la halle pour quelques sous,
Avec les panais et les choux,
On va les vendre à la fruitière,
Qui veut des fraises du bois joli !
En voici,
En voici mon panier tout rempli,
De fraises du bois joli !
La fontaine des Innocents
Voit la nuit, parmi les passants,
Dormir plus d’une paysanne
A qui son bras sert d’oreiller,
La lune garde son panier,
La lune blonde et diaphane.
Qui veut des fraises du bois joli !
En voici,
En voici mon panier tout rempli,
De fraises du bois joli !
La belle aurait pu sans souci,
Manger ses fraises loin d’ici
Au bord d’une verte fontaine
Avec un joyeux moissonneur
Qui l’aurait prise sur son cœur ;
Elle aurait eu bien moins de peine.
Qui veut des fraises du bois joli !
En voici,
En voici mon panier tout rempli,
De fraises du bois joli ! « Pierre DUPONT (Poète et chansonnier français-Extrait de son recueil Le chant du vote/La châtaine/ 1849)
