« Impossible d’écrire si l’on n’est pas lecteur. J’ai déjà insisté sur cette presque lapalissade. Mais impossible aussi parfois d’écrire parce que l’on est lecteur. C’est le sentiment que m’a donné, pendant plusieurs années, la plongée dans l’univers de Marcel Proust. Cela a correspondu à mes quatre années d’études universitaires. Quand on m’a demandé pourquoi je n’avais pas écrit plus tôt, j’ai souvent argué de l’aspect desséchant des études littéraires, la dissection des textes, la lecture souvent rébarbative des ouvrages critiques. Mais je me suis rendu compte aujourd’hui que la vraie raison c’était Proust. Quel Bonheur ! Dans A la recherche , l’auteur parle, à plusieurs reprises, des différentes lunettes que nous proposent les artistes pour regarder le monde. Avant de chausser les lunettes de Proust, je ne savais pas que je voyais bêtement clair. Comme tout d’un coup le monde est devenu délicieusement trouble, infiniment riche et nuancé ! Et le plus extraordinaire, quand on devient binoclard proustien, c’est le sentiment que cette richesse vient de soi et non de lui ! » Philippe DELERM (Écrivain français – Extrait de son livre Écrire est une enfance)
