Impossible d’écrire …

« Impossible d’écrire si l’on n’est pas lecteur. J’ai déjà insisté sur cette presque lapalissade. Mais impossible aussi parfois d’écrire parce que l’on est lecteur. C’est le sentiment que m’a donné, pendant plusieurs années, la plongée dans l’univers de Marcel Proust. Cela a correspondu à mes quatre années d’études universitaires. Quand on m’a demandé pourquoi je n’avais pas écrit plus tôt, j’ai souvent argué de l’aspect desséchant des études littéraires, la dissection des textes, la lecture souvent rébarbative des ouvrages critiques. Mais je me suis rendu compte aujourd’hui que la vraie raison c’était Proust. Quel Bonheur ! Dans A la recherche , l’auteur parle, à plusieurs reprises, des différentes lunettes que nous proposent les artistes pour regarder le monde. Avant de chausser les lunettes de Proust, je ne savais pas que je voyais bêtement clair. Comme tout d’un coup le monde est devenu délicieusement trouble, infiniment riche et nuancé ! Et le plus extraordinaire, quand on devient binoclard proustien, c’est le sentiment que cette richesse vient de soi et non de lui !  » Philippe DELERM (Écrivain français – Extrait de son livre Écrire est une enfance)

Philippe DELERM

Danser c’est …

 » Danser, c’est converser avec le déséquilibre; c’est épouser le grand vertige qui nous fait perpétuellement osciller entre la peur et le désir de tomber ; c’est assumer sa folie et exprimer sa liberté d’exister. » Jean-François VEZINA (Psychologue et écrivain canadien – Extrait de son livre Dansez avec le chaos : accueillez l’inattendu dans votre vie)

Dorothée GILBERT & Alessio CARBONE (Photo de Benoit PEVERELLI)

Peindre sur le motif …

« Sur le motif est l’occasion exceptionnelle d’un examen approfondi de paysages d’une grande originalité qui, restituent l’éclatante splendeur du monde qui nous entoure ».. Ger LUIJTEN (Historien de l’art, écrivain, ex-conservateur au Cabinet des arts graphiques du Museum Boijmans Van Beuningen à Rotterdam, puis au Rijksmueum d’Amsterdam, directeur actuel de la Fondation Custodia à Paris, commissaire d’expositions.)

Le thé vert du printemps …

 » Le thé vert du printemps
Comme une aubade dans le vent
Frais et sans souci
Rêve, flâne, rit

Trop léger et tendre
Il ne peut pas attendre

On ne sera jeune qu’une fois
Rien ne peut défier cette loi
Déguste avec tout ton coeur
Sans hésitation ni peur

Un jour tu te souviendras
de ce thé
ce vert
ce printemps  » CHUNG-HING (Peintre, illustratrice et poétesse chinoise. Extrait de son recueil Chants de Thé)

Poètes à venir …

 » Poètes à venir, qui saurez tant de choses,
Et les direz sans doute en un verbe plus beau,
Portant plus loin que nous un plus large flambeau
Sur les suprêmes fins et les premières causes ;

Quand vos vers sacreront des pensées grandioses,
Depuis longtemps déjà nous serons au tombeau ;
Rien ne vivra de nous qu’un terne et froid lambeau
De notre œuvre enfouie avec nos lèvres closes.

Songez que nous chantions les fleurs et les amours
Dans un âge plein d’ombre, au mortel bruit des armes,
Pour des cœurs anxieux que ce bruit rendait sourds ;

Lors plaignez nos chansons, où tremblaient tant d’alarmes,
Vous qui, mieux écoutés, ferez en d’heureux jours
Sur de plus hauts objets des poèmes sans larmes.  » René-François SULLY PRUD’HOMME (Poète français – Extrait de son recueil Les vaines tendresses (1875)

René-François SULLY PRUD’HOMME 1839/1907

L’insouciance c’est …

 » L’insouciance, c’est retenir par la main cette part d’enfance qui s’enfuit et qui nous manque tant. C’est apprécier cette légèreté qui apaise les moments trop sérieux, trop ordonnés, trop prévisibles.
C’est ne pas se soucier des conséquences et écouter cette petite voix qui nous donne envie de sauter dans les flaques avec un grand éclat de rire. » Bruno COMBES (Romancier français/Extrait de son livre Parce que c’était toi )

Menuet de la Suite N.1 HWV 434 … George Friedrich HAENDEL

Haendel fut un très grand compositeur baroque. Il a, à son actif, des opéras, des oratorios, des cantates, des duos, des arias, de la musique de Chambre et un grand nombre de pièces instrumentales écrites pour le clavecin.

Parmi elles, figurent un recueil de neuf Suites qui furent composées entre 1703 et 1720 pour cet instrument. Ce merveilleux Menuet très opératique, assez italien, délicat, dans l’émotion et la sérénité, fait partie de la N.1.

Wilhelm Kempff fut un éminent pianiste et compositeur allemand. Il s’est surtout fait remarquer dans ses interprétations de Beethoven et Schubert, mais il son répertoire comporte également du Bach, du Mozart, Chopin, Schumann, Liszt et Brahms.

Il a fait, notamment, un très bel arrangement pour piano, du Menuet de la suite N.1, qui est devenu très célèbre et a fait l’objet de nombreuses interprétations. Personnellement, j’aime beaucoup celle de la merveilleuse Anne Queffélec que je vous propose d’écouter ce jour :

Les livres …

 » Dans la vitrine de la librairie, tu as aussitôt repéré la couverture et le titre que tu cherchais. Sur la trace de ce repère visuel, tu t’es aussitôt frayé un chemin dans la boutique, sous le tir de barrage nourri des livres que tu n’as pas lus, qui sur les tables et les rayons, te jetaient des regards noirs pour t’intimider. Mais tu sais que tu ne dois pas te laisser impressionner. Que sur des hectares et des hectares s’étendent les livres que tu peux te passer de lire, les livres faits pour d’autres usages que la lecture , les livres qu’on a déjà lus sans avoir besoin de les ouvrir parce qu’ils appartiennent à la catégorie du déjà lu avant même d’avoir été écrits.

Tu franchis donc la première rangée de murailles : mais voilà que te tombe dessus l’infanterie des livres que tu lirais volontiers si tu avais plusieurs vies à vivre, mais malheureusement les jours qui te restent à vivre sont ce qu’il sont. Tu les escalades rapidement et tu fends la phalange des livres que tu as l’intention de lire, mais il faudra, d’abord, en lire d’autres, des livres trop chers que tu achèteras quand ils seront revendus à moitié prix, des livres idem, voir ci-dessus, quand ils seront repris en poche, des livres que tu pourrais demander à quelqu’un de te prêter, des livres que tout le monde a lus, et c’est donc comme si tu les avais lus toi-même.

Sous les tours du fortin, face aux efforts d’interception, des livres que, depuis longtemps, tu as l’intention de lire, des livres que tu as cherchés des années sans les trouver, des livres qui concernent justement un sujet qui t’intéresse en ce moment, des livres que tu veux avoir à ta portée en toute circonstance, des livres que tu pourrais mettre de côté pour les lire peut-être cet été, des livres dont tu as besoin pour les aligner sur un rayonnage, des livres qui t’inspirent une curiosité soudaine, frénétique et peu justifiable.

Bon, tu as au moins réussi à réduire l’effectif illimité des forces adverses à un ensemble considérable, certes, mais cependant calculable, d’éléments en nombre fini, même si ce relatif soulagement est mis en péril par les embuscades des livres que tu as lus il y a si longtemps qu’il serait temps de les relire, et des livres que tu as toujours fait semblant d’avoir lu et qu’il faudrait aujourd’hui te décider de lire pour de bon.

Tu te libères en quelques zigzags et tu pénètres d’un bond dans la citadelle des nouveautés dont l’auteur ou le sujet t’attire. Une fois dans la place, tu peux pratiquer des brèches entre les rangées de défenseurs. Tu les divises en nouveautés d’auteurs ou sujets déjà connus ( de toi ou dans l’absolu), et nouveautés d’auteurs ou sujets totalement inconnus (pour toi du moins). Puis tu répartis l’attraction qu’ils exercent sur toi selon le besoin ou le désir que tu as de nouveauté ou de non-nouveauté ( de nouveauté dans le non-nouveau et de non-nouveau dans le nouveau).

En passant, tu as jeté aux livres alentour un regard douloureux (mieux : ce sont les livres qui te regardent de cet air douloureux qu’ont les chiens quand ils voient du fond des cages d’un chenil municipal l’un des leurs s’éloigner, tenu en laisse par son maître venu le reprendre). Et tu es sorti.  » Italo CALVINO (Écrivain italien. Extrait de son livre Si par une nuit d’hiver un voyageur)

La théière …

« L’heureux mariage qui unit le thé et la céramique et qui a subsisté jusqu’à nos jours est antérieur au « Classique du thé » de Lu Yü qui avait inauguré l’époque à partir de laquelle l’histoire du thé nous a été rapporté. De toute façon, ce couple magnifique a été pratiquement inséparable depuis trois cents ans et plus ! La taille de la théière dépend de trois facteurs : premièrement de la préférence que l’on a pour un thé fort ou faible ; deuxièmement du nombre des participants, et troisièmement de la quantité de feuilles déposées dans la théière. » John BLOFELD (Écrivain britannique – Extrait de son livre Thé et Tao/L’art chinois du thé)

Tea pot – Un tableau de Dempsey ESSICK

Le petit joueur de flûteau …

 » Le petit joueur de flûteau
Menait la musique au château
Pour la grâce de ses chansons
Le roi lui offrit un blason
Je ne veux pas être noble
Répondit le croque-note
Avec un blason à la clé
Mon la se mettrait à gonfler
On dirait par tout le pays
Le joueur de flûte a trahi

Et mon pauvre petit clocher
Me semblerait trop bas perché
Je ne plierais plus les genoux
Devant le bon Dieu de chez nous
Il faudrait à ma grande âme
Tous les saints de Notre-Dame
Avec un évêque à la clé
Mon la se mettrait à gonfler
On dirait par tout le pays
Le joueur de flûte a trahi

Et la chambre où j’ai vu la jour
Me serait un triste séjour
Je quitterai mon lit mesquin
Pour une couche à baldaquin
Je changerais ma chaumière
Pour une gentilhommière
Avec un manoir à la clé
Mon la se mettrait à gonfler
On dirait par tout le pays
Le joueur de flûte a trahi

Je serai honteux de mon sang
Des aïeux de qui je descends
On me verrait bouder dessus
La branche dont je suis issu
Je voudrais un magnifique
Arbre généalogique
Avec du sang bleu a la clé
Mon la se mettrait à gonfler
On dirait par tout le pays
Le joueur de flûte a trahi

Je ne voudrais plus épouser
Ma promise, ma fiancée
Je ne donnerais pas mon nom
A une quelconque Ninon
Il me faudrait pour compagne
La fille d’un grand d’Espagne
Avec un’ princesse à la clé
Mon la se mettrait à gonfler
On dirait par tout le pays
Le joueur de flûte a trahi

Le petit joueur de flûteau
Fit la révérence au château
Sans armoiries, sans parchemin
Sans gloire il se mit en chemin
Vers son clocher, sa chaumine
Ses parents et sa promise
Nul ne dise dans le pays
Le joueur de flûte a trahi
Et Dieu reconnaisse pour sien
Le brave petit musicien  » Georges BRASSENS (Auteur-compositeur-interprète français)

Sculpture de Richard MCDONALD