Toujours j’ai été une enfant mourant de ses pleurs
grisée du jour naissant.
Aujourd’hui les rues de la ville promènent
des regards d’hommes ,des claquements de talons
et des robes légères.
Les rues bourdonnent et butinent la vie.
Je suis ici entre soleil et pluie.
Passage d’une femme dans le silence.
Demain, plus tard, je ferai, j’irai,
j’aimerai beaucoup,
je serai celle que j’ignore,
Je serai dans le regard des arbres
dans l’ovale d’un galet,
Je serai dans les rires des enfants curieux
dans les souvenirs des amoureux.
Je serai un cri, un dernier souffle » Jany COTTERON (Poétesse belge, a enseigné et a assuré des formations en français , à l’école primaire, en Suisse où elle vit depuis de longues années) – Extrait de son recueil Le chant des pierres et de l’eau)
» Pour qu’il redevienne créateur, pour qu’il soit fort, vibrant et sain, l’art de la danse doit retrouver le souffle puissant, non pas humain mais surhumain, qui participe de la passion. La danse offre même son visages aux morts. C’est parce que la danse symbolise les éléments les plus essentiels de la destinée que j’y trouve mon repos autant que mon équilibre quotidien » Serge LIFAR (Danseur, chorégraphe et pédagogue ukrainien naturalisé français)
» En composant Suite en Blanc je ne me suis préoccupé que de danse pure, indépendamment de toute autre considération : j’ai voulu créer de belles visions, des visions qui n’aient rien d’artificiel, de cérébral. Il en est résulté une succession de véritables petites études techniques, de raccourcis chorégraphiques indépendant les uns des autres, apparentés entre eux par un même style néo-classique. C’est un ballet où l’on danse naturellement selon mon style néo-classique, où l’arabesque est déviée dans tous les sens, et n’est pas seulement une arabesque académique » Serge LIFAR (Danseur français ( né à Kiev-naturalisé français), chorégraphe, maître de ballet, pédagogue, conférencier)
Serge Lifar a appris la danse auprès du grand professeur italien Enrico Cecchetti , puis a intégré l’école de Bronislava Nijinska ( sœur de Vaslav Nijinski) . Par la suite, il fut à la fois premier danseur dans la compagnie de Serge Diaghilev, Les Ballets Russes, où il a tenu, dès 1923, les rôles principaux des ballets proposés à l’époque par Léonide Massine et George Balanchine, tout en étant chorégraphe lui-même. Puis, premier danseur à l’Opéra de Paris, chorégraphe, maître de ballet tout en travaillant parallèlement à l’Opéra de Monte-Carlo.
Il eut la réputation d’être un excellent technicien, un danseur félin, expressif, avec beaucoup de charme et de charisme sur scène. Sa beauté assez sculpturale l’a souvent conduit à des rôles issus de la mythologie grecque, mais il fut excellent aussi dans ceux du répertoire classique. En tant que chorégraphe il laisse derrière lui un nombre très important de ballets .
Il a voué toute sa vie à la danse, a écrit de nombreux ouvrages sur cet art , s’est souvent exprimé à son propos durant des conférences. Il a éprouvé une réelle, sincère et intense passion pour la danse. On lui doit d’avoir ajouter deux nouvelles positions de pieds aux cinq qui existaient déjà depuis des siècles : la 6e (pieds parallèles et bien serrés) et la 7e ( à savoir 4e parallèle en pieds plats ou sur pointes avec le genou plié ) Il fut, par ailleurs, un éminent pédagogue.
Traité de collabo parce qu’il avait rencontré Hitler qu’il invitait à l’Opéra, et entretenait une amitié avec Joseph Goebbels ( des faits qu’il ne contestera jamais ) , il est renvoyé de l’institution française. Il y reviendra en 1949 à la demande insistante des danseurs qui vont faire pression sur la direction pour obtenir son retour. Il y restera jusqu’en 1956. A partir de là, il définira le style de son travail comme définitivement néo-classique, mettra en place de très grandes réformes à l’Opéra , créera une classe d’adage, et revalorisera l’image des danseuses et danseurs.
Suite en blanc est un ballet sans intrigue qui se présente en huit différentes parties, totalement indépendantes les unes des autres : La Sieste – Thème varié – Sérénade – Pas de Cinq – Cigarette – Mazurka – Adage – La flûte – La musique est celle que le compositeur Édouard Lalo avait écrit en 1881 pour un ballet de Lucien Petipa : Namouna, (complètement oublié d’ailleurs). Lifar va avoir la bonne idée de la ressortir de l’abîme dans lequel elle était tombée et se servira de l’Ouverture + huit autres extraits.
(Vidéo : « Pas de Cinq » Mathilde FROUSTEY )
Ce ballet est un des chefs-d’œuvre de ce chorégraphe. Assez épuré, bien structuré, empreint de beauté, d’absolu, d’un certain lyrisme, d’une réelle élégance, de grâce, très technique, exigeant, harmonieux, romantique, brillant, avec des variations qui furent si novatrices et importantes ( pour ne pas dire essentielles ) dans la danse, qu’elles sont reprises chaque année au concours de l’Opéra. La création se fera en 1943 avec Serge Lifar et Yvette Chauviré. Il a connu un immense succès et a fait l’objet de 400 représentations. Il est repris depuis par toutes les grandes compagnies dans le monde et fait partie du répertoire de l’Opéra.
La petite anecdote à son propos : En 1946 le chorégraphe le remontera sous un autre titre, Noir et Blanc, à Monte-Carlo. A l’époque cette compagnie ( Les Nouveaux Ballets de Monte-Carlo) était dirigée par le mécène Jorge Cuevas-Bartholis dit le marquis de Cuevas. Lorsque ce dernier voulut donner Noir et Blanc avec sa troupe, au théâtre des Champs-Elysées en 1949, Lifar était revenu à l’Opéra de Paris après en avoir été banni et contraint à l’ » exil » . Il s’opposera fermement aux représentations. Mais le marquis n’eut que faire de son interdiction. Il le maintiendra au programme. Lifar, présent ce soir-là, va très mal le prendre, tout comme il n’appréciera pas les mimiques du marquis qui faisait mine de lui donner une petite gifle du bout des doigts. Se sentant humilié il demandera réparation en le provoquant en duel . Cette confrontation à l’épée aura lieu au Bois de Boulogne ! Lifar en ressortira avec quelques petites égratignures au bras. Le duel prit fin dans les larmes et les embrassades des deux hommes réconciliés !
Je voulais aussi rajouter qu’en 1926 et 1927, Léo Staats ( danseur, chorégraphe et pédagogue français) mis au point et présenta le premier Grand Défilé du Ballet de l’Opéra de Paris, sur la Marche de l’opéra Tannhauser de Richard Wagner. En 1945 Serge Lifar décide de le remettre à l’honneur, change la musique et opte pour celle des Troyens de Hector Berlioz : » J’ai voulu faire la plus grande parade artistique de l’Opéra de Paris qui ressemblera aux grandes parades militaires sur la Place Rouge à Moscou …. » disait-il . La danse est confiée à Albert Aveline. A partir de là, ce Grand Défilé aura lieu assez souvent et c’est avec lui qu’il fera d’ailleurs ses adieux à la scène en 1958, vivement acclamé par le public.
Depuis lors, cet événement ne se produit que pour de grandes occasions officielles et exceptionnelles. A noter que les tutus et costumes portés par les danseuses et danseurs ont été influencés par le ballet Suite en Blanc de Serge Lifar.