Une histoire de la mode …

Je ne sais si certains d’entre vous connaissent le Palais Galliera. C’est un musée merveilleux qui renferme plus de 250.000 vêtements et accessoires, mais également des photos de mode, des croquis, dessins, illustrations etc… le tout résumant l’histoire de la mode depuis des siècles. Un véritable écrin pour des pièces inestimables.

Une superbe exposition se tient depuis le 2.10.2021 . Elle fait l’objet de deux accrochages l’un qui se poursuivra jusqu’au 13.3.2022, et l’autre jusqu’au 26.6.2022. Entre les deux, il y aura une fermeture de trois semaines, période nécessaire pour renouveler les pièces (au total 350 rarement exposées) car, comme on peut l’imaginer, elles sont très fragiles. Une décision qui a du bon finalement parce qu’elle permet que l’on puisse revenir une deuxième fois voir d’autres modèles aussi précieux que les premiers. Et croyez moi, vous ne serez pas déçus !

Elle s’intitule Une histoire de la mode-Collectionner, exposer au Musée Galliera. Elle se déroule selon un parcours thématique et chronologique et retrace, comme son nom l’indique, l’histoire de la mode, mais également celle de la collection, depuis le XVIIIe siècle jusqu’à nos jours.

Tout en illustrant mon article de certaines des pièces que vous pourrez admirer dans cette expo, J’aimerai vous présenter un peu l’endroit et celle qui lui a donné son nom à savoir Marie Brignole-Sale, duchesse de Galliera, née en 1811 .

Buste de la duchesse, réalisé par Vittorio Lavezzari

Elle est issue d’une très grande famille italienne qui compte quatre doges, des sénateurs, des ambassadeurs et autres diplomates . Son père, le marquis Antoine de Brignole-Sale, fut ministre du roi de Sardaigne, maître des requêtes au Conseil d’État au service de l’empereur , préfet, puis ambassadeur dans la capitale française. Marie a été élevée d’abord au Palazzo Rosso à Gênes, où elle a reçu une éducation digne de son rang et beaucoup d’amour parental, puis à Paris.

En 1837, elle a épousé un homme très fortuné, beaucoup plus que ne l’était sa propre famille, un grand promoteur de lignes ferroviaires : le duc de Galliera (un titre qui lui fut octroyé par le pape Grégoire XVI) , marquis de Ferrari et prince de Lucedio (titre donné par le roi Victor Emmanuel II de Savoie) . Ils auront trois enfants. Deux décèderont malheureusement. Le troisième refusera catégoriquement la fortune familiale et le titre de duc.

Installé à Paris, le couple fait l’acquisition, en 1852 d’ un hôtel particulier qui de nos jours est connu comme étant l’hôtel Matignon, demeure affectée au premier ministre français. La duchesse y donnera des grandes réceptions, recevant tout ce qui comptait d’élites et de personnalités très en vue de la vie parisienne.

En dehors de son côté très mondain et extraverti, elle a été à l’origine de nombreuses et importantes institutions charitables (hospices, hôpitaux, orphelinats) – Son époux décède en 1876. La marquise se retrouve à la tête d’ne fortune colossale.

Désormais veuve, elle décide d’acquérir un terrain pour y faire bâtir son musée personnel afin de pouvoir y exposer ses propres collections. En 1778, elle informe donc l’État français de cette intention, en précisant que le musée lui reviendrait après son décès.

A sa mort en 1888, le palais se retrouve donc propriété de l’État français comme elle l’avait souhaité. Le bâtiment n’était pas totalement terminé mais la duchesse avait pris soin de laisser une somme d’argent assez conséquente pour le terminer au cas où elle ne serait plus là . C’est l’architecte Paul-René Ginain qui l’achèvera six ans plus tard. Par contre, et toujours selon son testament, toutes ses collections, partiront pour le Palazzo Rosso de Gênes. En 1895, le Palais est inauguré en tant que Musée d’art industriel.

En 1900, lors de l’Exposition Universelle, le Musée Carnavalet proposa une section uniquement consacrée à la mode avec accessoires et vêtements d’époque. Devant le succès obtenu, le peintre, illustrateur, graveur, aquarelliste, historien et collectionneur Maurice Leloir fonde la Société de l’histoire du costume. Elle sera inaugurée en 1920 par le président de la République française Raymond Poincaré. Leloir se révèlera être un grand spécialiste de l’histoire du costume en France.

Maurice LELOIR (1853/1940)

C’était une idée fort intéressante car, à l’époque, le public se passionnait vraiment pour le costume et vêtements historiques. Malheureusement, la continuité va se révéler difficile en raison des gros moyens qu’une telle entreprise demandait, mais aussi en raison de l’espace qu’il fallait pour tout entreposer. Du coup, ladite société fait un don d’environ 2000 pièces à la ville de Paris, laquelle ne sachant pas où les placer, les remet au Musée Carnavalet. Ce sont, pour moitié, des vêtements masculins et féminins datant du XVIIIe siècle.

Maurice Leloir décède en 1940.

 » Manteau dit aussi robe volante  » – L’étoffe date de 1720 et la robe de 1730 ( On pense qu’elle a appartenu à Anne Françoise de la Chaize d’Aix, nièce du confesseur du roi Louis XIV) Palais-Musée Galliera
Robe à la française 1750/60 (Don de Madeleine Bove) Palais/Musée GallieraLa robe dite  » à la française  » est vraiment le type de robe emblématique de l’élégance, du raffinement, et de la féminité que l’on pouvait trouver au Siècle des Lumières.
 » Gilet  » 1770/75 (Don de Christian de Galéa au nom de sa grand-mère Madeleine de Galéa) – Palais-Musée Galliera Le gilet était une pièce de grande importance au XVIIIe siècle et si les hommes voulaient « être à la mode », ils se devaient d’en posséder plusieurs.
 » Manteau de représentant du peuple  » 1798 ( Don d’André Tissot-Dupont) Palais-Musée Galliera –
Robe – 1845 env. (Don de Madame Deguy-Saaph) Palais-Musée Galliera
Robe habillée en satin de soie – Madame LASSERRE – 1883 env. (Don de Françoise Clérisse) Palais-Musée Galliera
Robe Worth & Bobergh – 1869 env. (Don de Madame Trotzi) Palais-Musée Galliera Charles Worth et Otto Boberth ont fondé propre Maison en 1858. Elle sera brevetée par l’Impératrice Eugénie. Il s’agit d’une robe dite  » de visite  » à crinoline (laquelle connaissait alors un grand succès).
Tournures vers 1885 – (La rouge au premier plan est un don de Denise Bouteron) Palais/Musée Galliera – Lorsque la crinoline n’a plus eu cours, place fut donnée à ces « tournures », appelées aussi « queues d’écrevisses », qui permettaient de gonfler le volume arrière d’une robe et obtenir une belle cambrure . Elles se composaient généralement de jupons avec des volants. Les femmes cesseront d’en porter aux environs de 1888 car la mode trouvait ces tournures de fort mauvais goût , lui préférant des lignes bien droites.
Escarpins 1860 env. (Don de Christian de Galéa au nom de sa grand-mère Madeleine de Galéa) Palais/Musée Galliera Ils ont appartenu à l’Impératrice Eugénie. Ils ont été créés par un bottier réputé de Paris à l’époque, à savoir la Maison Viault Esté, laquelle avait été brevetée par l’impératrice.
Chapeau 1760/70 env. (Acquisition de la Ville de Paris) Palais/Musée Galliera C’est un chapeau de paille dit « à la bergère » caractéristique des chapeaux que l’on pouvait trouver au temps de la Marquise de Pompadour . Maurice Leloir le présentera pour la première fois en 1909 pour une exposition aux Arts décoratifs.
Robe d’intérieur « Tea Gown » de Jean-Philippe Worth (fils de Charles Worth, fondateur de la célèbre Maison Worth ) – 1890 env. (Don du Comte Jean de Gramont) -Palais/Musée Galliera Il s’agit d’une robe portée, la plupart du temps, pour recevoir des amis ou des intimes et partager un thé avec eux (d’où son nom) dans l’après-midi , mais son élégance permettait qu’on puisse la revêtir aussi pour un dîner à la maison, le soir, avec des proches.

Le Musée Carnavalet organisera de nombreuses expositions sur le sujet. Le public se montrera toujours aussi enthousiaste et les dons afflueront . Un problème se pose : l’étroitesse des salles et le nombre de vêtements. Il a donc fallu trouver un autre endroit pour exposer . Ce sera , en 1956, ce que beaucoup considérait alors comme une annexe du Musée Carnavalet, à savoir une très grande salle au rez-de-chaussée du Musée d’Art moderne de la ville de Paris. Un conservateur est nommé : Madeleine Delpierre.

Tout se passait bien jusqu’au jour où, malheureusement, le plafond de la salle s’effondre., entrainant la fermeture du musée en 1971. Dans un premier temps, tout est, à nouveau , transféré à nouveau au Musée Carnavalet. Après réflexion, l’État prend la décision d’une installation définitive au Palais Galliera, dont elle était propriétaire.

En 1977, Madeleine Delpierre en devient la directrice, conservatrice en chef et récupère toutes les collections, vêtements, costumes, accessoires et autres qui se trouvaient au Musée Carnavalet. Après avoir porté divers intitulés, le palais prend son nom définitif en 1997 : Musée de la mode de la ville de Paris et obtiendra le label Musée de France en 2002 .

Au fil des années qui suivront, le musée va s’enrichir de nouvelles collections dues à la générosité de nombreuses Maisons de couture, des associations, des collectionneurs particuliers, et fera donc l’objet d’agrandissements et rénovations. Après le départ de Madeleine Delpierre, d’autres personnes prendront la direction de ce lieu magique : Guillaume Garnier, Catherine Join-Dieterle – Olivier Saillard – Miren Arzalluz (depuis 2018).

Le Palais-Musée Galliera est réputé dans le monde entier pour la qualité (et la rareté ) des pièces proposées, pour le sérieux et la rigueur apportés au scientifique de la conservation (très important !), mais aussi pour les merveilleuses expositions qu’elle propose depuis presque 45 ans. Il a subi en 2010 un superbe embellissement. Les travaux ont duré trois ans.

Robe des Sœurs Callot 1924/25 (Don de Madame Sue) – Palais/Musée Galliera – La Maison des sœurs Callot avait une grande et excellente réputation. La clientèle appréciait beaucoup leurs dentelles, passementeries, la sobriété de la coupe des robes et cette petite touche d’influence chinoise.
Robe de cocktail Christian Dior par Yves Saint Laurent – 1958/59 ( Don de Claude Roederer) Palais/Musée Galliera Il s’agit d’une robe de cocktail appelée « Zéphyrine » (référence au dieu grec du vent). . Elle faisait partie de la deuxième collection signée par Yves Saint Laurent pour la Maison Dior. Christian Dior était décédé en 1957 et Saint Laurent lui avait succédé un an plus tard. Dior avait l’habitude de donner un nom à ses robes, Saint Laurent perpétuera la tradition.
Robe-bustier & cape de Cristobal Balenciaga – 1961/62 (Acquisition Paris-Musées) Palais/Musée Galliera Balenciaga a été un grand couturier très admiré que ce soit par le public comme par la critique. Ce grand amoureux des tissus, était connu pour faire entrer des matières inédites dans ses vêtements. C’est le cas de cette robe en « gazar » . Il s’agit là d’un tissu autrichien assez solide et dense créé pour permettre de créer des robes aux formes arrondies et sans armature.
Robe Chanel par Karl Lagerfeld 2017 (Don de la Maison Chanel) Palais/Musée Galliera -Cette robe superbe est composée de petites brisures de miroirs et de plumes. Elle a nécessité 350 heures de travail pour assembler les brisures et 150 heures pour les plumes. Elle fait partie des robes que l’on donne comme étant tout à fait représentatives de la Haute-Couture contemporaine.
Ensemble robe-corsage & jupe Christian LACROIX 1987 (Don de Pia de Brantès) Palais/Musée Galliera La presse qualifiera cette robe de « nuage de faille rose poudré » – C’est une robe de mariée dont la traîne peut se retirer pour pouvoir danser par la suite. Elle a tellement marqué les esprits, que son créateur sera souvent invité pour la présenter.
Robe-cage 1989 de Jean-Paul Gaultier (Don anonyme) Palais/Musée Galliera (Elle illustre l’affiche de l’expo) – C’est en 1989 que Gaultier présente ses célèbres « robes-cages ». Elles succèdent aux « robes-corsets » qui ont fait la réputation du couturier depuis leur création en 1983 et qui s’inspiraient des guêpières que portait sa grand-mère maternelle .
Robe et fond de robe Céline-Yves Klein 2017 (Don de la Maison Céline et la Vogue Foundation) Palais/Musée Galliera C’est une robe en voile blanc que Phoebe Philo, alors directrice de la Maison Céline, proposa  » d’après Anthropométrie de l’époque bleue signée Yves Klein » . Elle a été conçues pour sublimer le corps féminin et réalisée avec l’approbation et le concours des Archives Yves Klein.
Poncho-pantalon de Nick Owens 2019 – (Don de la Vogue Foundation Paris) – Palais/Musée Galliera Owens est un couturier américain surnommé  » le prince des ténèbres  » en raison de son goût prononcé pour le noir, le gris, le gothique, le ténébreux. Toute son esthétique est basée là-dessus.

Le musée Galliera ce n’est pas uniquement des vêtements et des accessoires, mais également les arts graphiques et la photographie . Un département s’y référant a été créé dans le musée en 1983 par Guillaume Garnier qui a débuté comme stagiaire mais finira un jour comme conservateur et directeur. En ce qui concerne les arts graphiques, il s’agit : des dessins préparatoires signés par des grands couturiers , des illustrations de mode, des croquis, des gravures ; et pour la photo celles des grands défilés, des magazines de mode, des images de presse. Elles aussi sont les témoins de l’histoire du vêtement et de la mode.

« Portrait d’Anna Piaggi » de l’illustrateur David Downton 1999 – (Don de la Vogue Foundation Paris) – Palais/Musée GallieraDowton fut un grand illustrateur, réputé pour le glamour de ses dessins. Il a travaillé pour des grands magazines comme Vogue, The Times, Vanity Fair, Harper’s Bazaar, The New York Times etc… mais aussi pour des Maison de Haute-Couture importantes comme Chanel, Dior, Valentino et autres. Sur cette illustration il a portraitisé Anna Piaggi, célèbre rédactrice de mode.
Illustration pour la version américaine du magazine Vogue – Robe et fourrure de réveillon de Mano – 1939 du peintre illustrateur René Bouët-Willaumez / Palais/Musée GALLIERA
Illustration du dessinateur Paul Iribe pour l’album  » Les robes de Paul Poiret  » 1908 (Acquisition de la ville de Paris) / Palais/Musée Galliera Cet album comprend 34 dessins réalisés par l’illustrateur Paul Iribe, fondateur de la revue « Le témoin » – C’est le couturier Paul Poiret qui lui en avait passé commande pour présenter ses différents modèles de robes à ses clientes.