» Assurément je connaissais par expérience le mystérieux attrait de ce « jeu royal« , le seul entre tous les jeux inventés par les hommes qui échappe souverainement à la tyrannie du hasard, le seul où l’on ne doive sa victoire qu’à son intelligence ou plutôt à une certaine forme d’intelligence. Mais n’est-ce-pas déjà le limiter injurieusement que d’appeler les échecs un jeu ? … N’est-ce-pas une science, un art ou quelque chose qui est suspendu entre l’un et l’autre et qui réunit un nombre incroyable de contraires. C’est une pensée qui ne mène à rien, une mathématique qui n’établir rien, un art qui ne laisse pas d’œuvre, une architecture sans matière ; et il a prouvé, néanmoins, qu’il était plus durable, à sa manière, que les livres ou que tout autre monument, ce jeu unique qui appartient à tous les peuples et à tous les temps et dont personne ne sait quel dieu en fit don à la terre pour tuer l’ennui, pour aiguiser l’esprit et stimuler l’âme … Où commence t-il, où finit-il ? » Stefan ZWEIG ( Dramaturge, écrivain, journaliste et biographe autrichien- Extrait de son livre Le joueur d’échecs )
