
« Roseau qu’un vent fléchit, qui toujours se redresse,
Le poète a le don de garder sa jeunesse,
De créer des chansons où son cœur est bercé,
De trouver quelque baume à son amour blessé.
S’il ne peut s’arrêter le long de son voyage,
Il sait se retrouver dans l’aube par l’image,
Se faire une oasis de son printemps enfui :
C’est son art d’oublier les déserts d’aujourd’hui.
Le temps ne courbe pas l’élu d’un noble rêve ;
Plus son corps se meurtrit, plus haut son chant s’élève.
Le chantre a dans ses yeux de mystiques rayons.
Sa gloire est de tracer de lumineux sillons,
De mettre sa fierté dans des œuvres sereines,
D’aller paisible et pur sur les routes humaines
Et, parfois, dit Musset , pareil aux pélicans,
De s’offrir en festin aux hommes dans ses chants.
Toi qui sais le néant, la cendre de la gloire,
Garde le goût divin de chanter et de croire ;
Généreux, va semer comme un semeur son grain,
Va semer l’idéal au champ de ton prochain ;
Tout le sang de ton cœur, toute ta chanson fière,
Donne-les sans compter, donne les comme un frère ;
Pour pousser sans merci les âmes vers le Beau,
Endors chaque tristesse au son d’un champ nouveau.
Sois riche de pardon et ne vois pas l’outrage,
Renouvelle sans fin le cri de ton courage.
Nul labeur ne se perd sous le regard de Dieu.
On est grand de garder dans l’ombre même feu,
De se trouver vaillant pour rire à la défaite,
D’avoir pour les combats une âme toujours prêtE
Ah ! viens mordre au cœur le chardon des oublis !…
Sois fidèle à ton rêve et doux à ton pays ! » Alfred FERLAND (Poète québécois / « Le poète malade » est un texte paru en 1916 dans la revue Le pays Laurentien )