» Tout aspire ici à séduire et à désarmer. Du nom de la jeune femme représentée, avec sa longue assonance allègre, jusqu’à son attitude cavalière, le portrait se situe bien au-delà des conventions bourgeoises qu’il rappelle et déjoue. L’influence d’Ingres, dessins virtuose et couleurs tranchées, confirme cette sensation insistante d’inattendu et d’effronterie. Et la référence aux gravures de mode, traditionnellement porteuses d’une vision lénifiante de la jeune femme, n’épuise plus la portée de l’image.
Mademoiselle L.L est assise sur le bord d’une petite table, position peu convenable en ce qu’elle évoque les affranchies. La tête sensuellement inclinée accuse l’effet de la bouche et des yeux qui bravent les bienséances autant que les jolies mains aux doigts effilés. Nous retrouvons la passion de Tissot pour le rouge.
Évocateur de la corrida comme de la guerre de Crimée, le fameux boléro convient au climat incertain du tableau, de même que la cage vide et le carton à dessins. Moderne jusqu’au chausson qui dépasse de la robe, la piquante inconnue impose son indépendance. Patronyme, liens conjugaux, profession, rien ne l’emprisonne encore.
Datée précisément de « février 1864 « , la toile de Tissot, prend valeur de manifeste. La frimousse des Parisiennes à la page ne devait plus quitter son chevalet. » Stéphane GUÉGAN ( Conservateur au musée d’Orsay)
