J’aime tout l’automne …

« J’aime tout l’automne parce que son ton est plus doux, ses couleurs sont plus riches et il est un peu empreint de tristesse. La richesse de son or ne parle pas de l’innocence du printemps, ni de la puissance de l’été, mais de la douceur et de la sagesse. Il connait les limites de la vie et de son contenu. De la connaissance de ces limites et de sa richesse d’expérience émerge une symphonie de couleurs, plus riches que toutes  » LIN YUTANG (Écrivain, traducteur et inventeur chinois. Extrait de son livre La Chine et les chinois/1935)

La tricoteuse …

 » Soir et matin Aimée tricote,
– Et piqueti et piqueta –
Elle se sentirait en faute
Si ses doigts ne fonctionnaient pas :

« Ne reste donc pas sans rien faire ! »,
Disait sa mère à la fillette,
Et depuis chacun s’exaspère
De ce bruit d’aiguilles qui cliquètent !

Mais comme elle a tout tricoté :
Chaussettes, pulls, bonnets et gants,
Depuis quelques temps pour changer,
Suivant les suggestions du Vent,

Aimée tricote la Nature :
Ici des bribes de mistral
Et quelques filaments d’azur
Tirés du ciel pur en cristal ;

De la mousse pour le point mousse ;
Elle y enchevêtre parfois
Les nervures des feuilles rousses
De l’automne qui brûle aux bois,

Des pétales de fleurs coupées
Et de souples lianes sauvages,
Puis quelques gouttes de rosée
En broderie sur son ouvrage …

Elle tricote, elle tricote,
Et les aiguilles ensorcelées
Cliquent, pinçotent et picotent
Les doigts fins de la belle Aimée.  » Vette DE FONCLARE (Poétesse française)

La Joconde du Prado …

JOCONDE LOUVRE
» Portrait de Lisa Gherardini – Épouse de Francesco del Giocondo dite Mona Lisa ou la Joconde  » – Léonard de Vinci ( entre 1503/1506 )  Musée du Louvre – Paris // La Joconde du Louvre fut vendue à François Ier par Léonard de Vinci pour 4000 écus d’or

 » En finira t-on un jour avec le roman de Mona Lisa ? Ce tableau a suscité tous les fantasmes, toutes les projections, a inspiré des best-sellers, et , bien sur, a fait déplacer des millions de touristes. Un détour par les forums du web permet de constater que des rumeurs tenaces ont encore des partisans. Ainsi, des internautes continuent de se demander si le Louvre expose bel et bien la vraie Joconde sur ses murs ! La rançon de la gloire quand ont est l’œuvre la plus célèbre au monde. La moindre découverte à son sujet, à condition qu’elle soit sérieuse et documentée, enflamme la communauté des historiens de l’art et excite les médias de la planète entière.

Ceux-ci ont été gâtés en janvier 2012. Entre l’exposition-vedette sur Léonard et Milan orchestrée à Londres, et, celle de Paris autour de la Sainte-Anne, voici que Miguel Falomir, brillant et charismatique conservateur en charge des peintures italiennes du Prado, annonce la découverte d’un portrait jumeau à celui de Lisa Gherardini. L’émoi est gigantesque. Et justifié.

FALOMIR Miguel
Miguel FALOMIR ( Historien de l’art , fut professeur à l’Université de Valence – Directeur du musée du Prado à Madrid / Espagne

On pensait cette copie de Mona-Lisa, très tardive, comme il en existe quantité d’autres parfois plaisantes, souvent sans grand intérêt. Le Louvre avait demandé en 2010 le prêt de celle-ci auprès du musée du Prado, afin de l’intégrer à son exposition de mars 2012 car l’original ne pouvait quitter la salle où elle est sévèrement protégée derrière son caisson transparent. Pourquoi y avait-il eu, jusqu’à présent, tant de négligence à l’égard du tableau du Prado alors que Miguel Falomir, lui-même, confiait qu’une intuition le titillait depuis longtemps ?  Comment donc a-t-on pu passer à côté de sa qualité ? Parce que les indices étaient trompeurs.

La copie est référencée depuis 1666 dans l’inventaire des collections royales espagnoles et tout portait à croire que c’était une exécution du XVIIe siècle signée par un artiste du Nord. On la disait peinte sur un panneau de chêne, essence caractéristique des productions flamandes ou néerlandaises de l’époque. Et puis il y avait ce fond noir au-devant duquel ne se découpait que la silhouette lumineuse du modèle. Mais nul paysage. En apparence du moins.

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Copie Joconde du Prado avant restauration

Le support n’était pas en chêne, en réalité. Il est en noyer. Ce qui est conforme à ceux de l’art florentin vers 1500. Par ailleurs, il est aux dimensions semblables, ou presque, à celui de La Joconde signée Vinci (composée elle sur du peuplier). Surtout, après rénovation menée par l’espagnole Anna Gonzales Mozo et le français Bruno Mottin, l’excitation gagne les équipes du Prado. Ce n’est pas la prétendue copie qui est tardive, mais le badigeon noir. C’est là l’hypothèse de Miguel Falomir, invérifiable en l’état.

Peu importe …. L’arrière-plan se révèle au fur et à mesure qu’est dissipé ce voile obscur par les restaurateurs. Miracle : sous les ténèbres couvait la réplique magnifique des masses rocheuses, des chemins sinueux et des atmosphères vagues et profondes de La Joconde. Patience … Il y a mieux encore !  Il est désormais nécessaires de plonger dans les strates souterraines de ce travail. C’est la clef pour mieux comprendre sa genèse et donc son époque, sa main, son importance véritable. Nouveau miracle :  une analyse infrarouge du tableau du Prado, comparée à celle menée en 2004 sur le tableau du Louvre, montre que, pendant leur élaboration respective, des modifications similaires ont été effectuées.

On a pu comprendre, grâce à la confrontation entre l’analyse du tableau du Louvre et celle du Prado, que l’auteur de la seconde version était contemporain de Vinci et qu’il a certainement suivi les hésitations et les changements de caps esthétiques de son maître. Il est même tout à fait possible que Vinci ait expérimenté sa Joconde finale à travers celle qu’exécutait pour lui, à la manière d’un prototype, l’auteur de celle du Prado. Malgré quelques faiblesses ( il n’ y a pas le sfumato propre à Léonard) c’est une merveille et un inestimable document.

Car La Joconde de Léonard a changé. Comme nous l’a confié Bruno Mottin, elle s’apparente désormais à une  poêle sale  et au fil de la dégradation de ses vernis, des couleurs et des détails ont fini par disparaître. Observer le tableau restauré du Prado permet donc d’en retrouver la qualité originelle, et, notamment la vigueur des bleus et la fraîcheurs des chairs. Elle permet aussi de voir des sourcils plus prononcés, une ligne d’horizon sans décalage de hauteur, la position exacte des mains sur les bras du fauteuil, les formes des drapés.

Découvrira t-on un jour l’auteur de ce tableau capital ? Miguel Falomir est formel : Vinci n’est pas intervenu dessus, c’est le fruit de ses élèves. Les spécialistes égrènent quelques noms possibles. Pas beaucoup. Il y a évidemment Salai à qui on attribue la Monna Vanna et Melzi, en tête de liste, ses deux favoris. Mais Léonard a eu d’autres disciples de grand talent : Giovanni Ricci dit Giampetrino, Andrea Solari … Pourquoi pas un espagnol ? L’attribution promet d’être difficile, mais elle devrait enclencher une quantité de recherches et de suppositions. Pour ceux qui en doutaient, le roman de Mona Lisa n’est pas terminé et le meilleur est peut-être à venir !  » Thomas SCHLESSER ( Historien français de l’art, écrivain )

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 » La Joconde  » du Prado, après restauration – ( Collection du musée du Prado / Madrid – Espagne)