» Ô mon beau chat frileux, quand l’automne morose Faisait glapir plus fort les mômes dans les cours, Combien passâmes-nous de ces spleeniques jours À rêver face à face en ma chambre bien close.
Lissant ton poil soyeux de ta langue âpre et rose Trop grave pour les jeux d’autrefois et les tours, Lentement tu venais de ton pas de velours Devant moi t’allonger en quelque noble pose.
Et je songeais, perdu dans tes prunelles d’or – Il ne soupçonne rien, non, du globe stupide Qui l’emporte avec moi tout au travers du Vide,
Rien des Astres lointains, des Dieux ni de la Mort ? Pourtant !… quels yeux profonds !… parfois… il m’intimide Saurait-il donc le mot ? – Non, c’est le Sphinx encor. » Jules LAFORGUE (Poète franco-uruguayen symboliste. Extrait de son recueil Le sanglot de la terre)
« Les bistrots respirent. Les propos qu’on y échange sont pleins d’illusions et de désillusions, de désirs, de craintes, d’espoirs et de doutes, c’est-à-dire, au bout du compte, d’intelligence. » Marc AUGÉ (Écrivain français – Extrait de son livre Eloge d’un bistrot parisien- Photo : Rita CRANE Photography )
» Le bistrot est une figure emblématique de la restauration parisienne. C’est un café ou un restaurant où l’on mange de la cuisine bourgeoise ou traditionnelle, sans façon, sur des tables recouvertes de nappes en Vichy ou de plus en plus en papier. Le service est simple et rapide mais la cuisine est souvent délicieuse.
Les plats emblématiques des bistrots sont pour les entrées : le céleri rémoulade, les harengs pommes à l’huile, et les terrines de toutes sortes. Les classiques plats de résistance sont ceux de la cuisine bourgeoise : bœuf bourguignon, blanquette de veau, pot-au-feu, hachis Parmentier, et abats multiples et variés. Les vins ne sont pas des grands crus, mais des vins de soif, gouleyants et sans prétention. La mode actuelle est aux bistrots à vin.
Mais d’où vient le mot bistrot ? L’étymologie traditionnelle remonte à l’occupation de Paris en 1814 par les cosaques du tsar Alexandre I, qui réclamaient à boire ,à cor et à cri, dans les débits de boisson parisiens » bystro,bystro » ce qui veut dire vite en russe. Le problème est que le mot bistro n’apparut qu’en 1884 dans les Souvenirs de la Roquette de l’abbé Moreau, pour désigner un petit café où l’on peut manger et boire de façon simple.
L’étymologie du mot bistrot que l’Académie française écrit avec un t (bistrot) reste assez mystérieuse comme le prouvent les nombreuses étymologies hypothétiques que l’on a pu proposer et que cite Alain Rey dans son Dictionnaire historique de la langue française : bistraud petit domestique aidant le marchand de vin – bistingo endroit où couchent les bohémiens ou les artistes – bastringue lieu ou l’on bistouille c’est-à-dire un café mélangé à l’alcool de genièvre ou du rhum dans le Nord de la France, dégradé en bistrouille. Dans la ligne directe du bistrot, on a désigné par bistrote la patronne qui tient le bistrot et bistroquet, par accrétion de bistrot et de troquet, lui-même dérivé de mastroquet , cabaretier(issu du flamand meesterke, petit patron), puis désignant le café.
Le bistrot a du trouver sa place parmi les multiples lieux de restauration qui existaient au XIXe siècle, les cafés, les bouillons, les brasseries et les restaurants. Si nous connaissons encore les restaurants de tous ordres, du restaurant exotique au restaurant étoilé de haute cuisine, et les brasseries qui servent des plats à toute heure, les bouillons qui servaient des repas à prix modéré ont disparu : il ne subsiste plus que le Bouillon Racine à Paris, célèbre par son décor conservé mais qui est devenu un restaurant. Les bouillons furent créés par un certain Duval, boucher de son état, qui servait du bœuf bouilli d’où leur nom. Les bistrots sont liés aux bougnats, marchands auvergnats de bois, de charbon et de vins. Les débits de vin associés au commerce du charbon (charbougna ou charbonnier d’où bougnat) sont sans doute des origines du bistrot qui étaient, jusqu’à une date récente, souvent tenus par des Auvergnats ou des Aveyronnais.
La cuisine des bistrots est toujours très populaire : c’est un moyen simple et assez bon marché de manger assis rapidement un repas simple ou simplement un repas chaud. C’est la meilleure alternative actuellement à l’invasion de la restauration rapide qu’il s’agisse des chaînes américaines, des pizzérias, qui n’ont qu’un rapport lointain avec la pizza originelle de Naples cuite au feu de boi, des sandwicheries ou des viennoiseries. Vivent donc les bistrots encore le plus longtemps possible pour notre santé et notre plaisir ! » Jean VITAUX (Médecin gastro-entérologue, fin gastronome français, membre de clubs renommée et grand connaisseur de l’histoire de la gastronomie)
« On peut aller au bistrot seul pour lire ou écrire tranquillement. C’est un espace qui offre une intimité et un abri et même une relative tranquillité. On peut s’y montrer, voire, s’y exhiber, mais aussi s’y cacher, parler ou se taire, participer à une activité collective ou rester seul pour rêver dans son coin ou tromper son ennui à regarder ceux qui semblent croquet la vie avec plaisir. » Pierre BOISARD (Sociologue français – Extrait de son livre La vie du bistrot)
» Le comptoir d’un café est le parlement du peuple » Honoré De BALZAC (Écrivain français – Photo Paul ALMASY)