
» Botticelli est un mélange singulier de tendresse chrétienne et de volupté païenne, de mysticisme très doux et de sensualité presque amère. » Emile BERTAUX (Historien de l’art, français )
« Sandro Botticelli a le regard attentif du peintre-orfèvre florentin « Aby WARBURG (Historien de l’art, allemand)

Sandro Botticelli est un artiste de la Renaissance florentine, favori à la Cour des Médicis qui le tenait en haute estime, peintre éclatant de son vivant, le plus copié de Florence, et qui tombera dans l’oubli, voire même dans l’indifférence puisque le XVIIe et le XVIIIe siècle vont carrément l’ignorer.
Ce n’est qu’au XIXe siècle que les préraphaélites (courant anglais fortement inspiré par les primitifs italiens avant Raphaël) redécouvriront la légèreté picturale, harmonieuse, quasi méditative, la délicatesse des personnages mélancoliques de Botticelli, ses couleurs raffinées, et porteront alors ce peintre voluptueux au sommet de l’art.
La Renaissance artistique et culturelle va du XIVe au début du XVIIe siècle. Elle est originaire d’Italie, avant même qu’elle ne se propage dans toute l’Europe. C’est un courant qui remet en question l’héritage culturel, intellectuel et artistique du passé.
En Italie on a regroupé ce courant sous l’appellation Les primitifs italiens de la Renaissance. Il se divise en trois parties : ceux du Trecento (Pré-Renaissance) au XIVe siècle – Ceux du Quatrecento (Ière Renaissance) au XVe siècle – Ceux du Cinquecento (Haute Renaissance) au XVIe siècle qui se terminera avec la Renaissance tardive vers 1580.
Les peintres issus de cette École avaient une très forte croyance dans les fondements théoriques de l’art et elle va permettre de développer de très grandes avancées au niveau de la proportion, la perspective, l’espace, mais aussi les apparences que ce soit dans les portraits, la nature. Ce sera aussi le début des paysages.
L’Italie, à cette époque, était constituée de différents États tous dirigés par des puissantes et grandes familles. Pour nous replacer dans le contexte du peintre de l’expo, à Florence, c’était la famille Médicis qui régnait. Des banquiers, devenus ducs de Toscane, qui vont gouverner dès 1434 avec le célèbre Cosme de Médicis. Sous son règne il y aura de grandes périodes de plénitude artistique, ce qui permettra de favoriser considérablement le développement de la Renaissance Florentine, laquelle se diffusera dans diverses autres régions d’Italie et ce grâce au commerce de l’art. Petit à petit, les Français, les Espagnols et autres vont adorer les œuvres italiennes et seront désireux de les imiter.
La Toscane de cette époque était brillante artistiquement parlant. Les Médicis vont faire preuve de beaucoup de savoir-faire pour attirer les artistes et les humanistes à Florence. Sandro di Mariano Filipepi dit Botticelli fut l’un des plus connus de la première génération du Quatrecento Italien.
L’exposition du musée Jacquemart-André était un évènement très attendu pour cette fin d’année 2021. Cette institution a vraiment le chic pour nous offrir des expositions de qualité. De nombreux tableaux du maître sont là, ainsi que ceux d’autres artistes influencés par lui. Ce sont des prêts qui viennent du Musée Jacquemart-André – Musée du Louvre Musée Fabre de Montpellier – National Gallery de Londres – Rijkmuseum d’Amsterdam – Vatican (musée et bibliothèque) – Offices de Florence – Gemäldgalerie de Berlin – Galleria Sabauda de Turin – Bargello et Galleria dell’Academia de Florence – Musée des Beaux Arts Palais Freschi à Ajaccio -Cincinnati Art Museum de Cincinnati – Accademia Carra à Bergame – Galleria del Palazzo Cini à Venise – Bass Museum à Miami – Galleria Palatina Palazzo Pitti à Florence – Alte Pinacothèque de Munich et Stadel Museum de Francfort, et autres collections particulières.


Elle s’intitule : BOTTICELLI : Artiste & Designer – Jusqu’au 24 janvier 2022 . La dernière expo que nous ayons eu sur lui remonte à 2003 au musée du Luxembourg. Certaines toiles célèbres, comme Le Printemps ou La Naissance de Vénus ne seront, malheureusement pas exposées en raison de leur grande fragilité. Le voyage n’aurait pas été bénéfique pour elles.
Je ne peux que vous encourager à voir cette très belle expo qui aborde, en différentes salles, selon un parcours thématique et chronologique, certes le peintre, son œuvre, son influence sur d’autres artistes, etc… mais porte un regard sur l’atelier. C’est un point assez nouveau et qui pourtant est d’importance parce qu’ avant la naissance des académies de peinture, l’atelier était le lieu d’apprentissage, d’où l’importance de bien choisir le maître chez qui on allait étudier. A l’époque de la Renaissance les ateliers n’étaient pas que des lieux de création ou d’apprentissage, mais de discussion aussi.
Botticelli ne fut pas seulement le peintre sublime, harmonieux, fiévreux, profond, délicat, sensible, suggestif, mystérieux que l’on connait. Comme le titre l’indique, il fut aussi un designer. Certes, ce terme correspondait aux critères de la définition que l’on peut lui donner de nos jours , à savoir qu’il avait des compétences techniques, un sens relationnel développé, un grand esprit d’analyse, mais il l’était dans un sens plus artisanal.
Il fut aussi un entrepreneur doté des qualités d’un bon négociateur, assez diplomate, qui a su s’imposer face à la concurrence. Un formateur à la tête d’un très important atelier (bottega) qu’il a dirigé avec de nombreux assistants et apprentis talentueux (les deux formant ce que l’on appelle les collaborateurs) . Les seconds souhaitant vivement tout faire pour acquérir le titre des premiers. Toutefois les uns et les autres n’avaient pas le génie inventif et créatif de leur maître qui très jeune fut formé à la peinture, l’orfèvrerie, la ciselure, la gravure, les émaux etc…, ni sa capacité à savoir tirer le meilleur de ses rencontres avec les plus éminents poètes, philosophes, et autres personnalités éminentes de la ville. Mais on échangeait beaucoup, on se stimulait, on faisait travailler les mains et l’esprit.




Son atelier avait une sacrée réputation, il était très actif, fécond, foisonnant, dynamique. En tant que chef (capo bottega) , Botticelli avait toute autorité, donnait les ordres, déléguait, formait etc… Le maître, les apprentis, les assistants, tout ce petit monde collaborait beaucoup. Tous veillaient à la bonne marche de l’atelier, qu’il soit prospère et qu’il ait un bon rendement financièrement parlant. Certes il y avait énormément de travail, mais pour autant il n’était pas bâclé. On s’appliquait afin que le commanditaire ne soit jamais déçu. Un grand nombre de ses apprentis ou assistants n’avait pas la capacité de diriger, d’inventer, de composer, mais ils avaient un réel talent pour entrer dans la peinture du maître et se fondre en lui.
Dans l’atelier on peignait, en effet, des originaux qui étaient généralement des commandes de personnes très importantes, mais on réalisait aussi des copies (dans un plus petit format) pour des gens moins fortunés mais qui étaient très heureux d’avoir chez eux un Botticelli. Il convenait donc, comme je l’ai dit ci-dessus, que les assistants soient assez doués en peinture pour que leur coup de pinceau soit infiniment proche de celui de leur maître. C’est pourquoi les historiens de l’art ont parfois des difficultés à affirmer si ce travail de collaboration est que du peintre ou de l’atelier.
Botticelli a réussi à s’imposer à l’époque avant même que ne s’impose le style de Léonard de Vinci, Michel-Ange ou Raphaël. Pourquoi ce nom de Botticelli ? Sandro était de santé fragile mais un peu enrobé corporellement, ce qui poussait son frère ainé Giovanni à l’appeler Botticello (petit tonneau).
Il sera le peintre de personnages toujours très élégants, gracieux, subtiles ; celui de madones superbes. Il a eu une vision plutôt idéalisée des femmes : elles sont chez lui assez pudiques, pleines de grâce, flamboyantes, avec des visages exquis auréolés de douceur , et ses nus, assez modernes pour l’époque, furent à l’image des déesses antiques.


« Vierge à l’Enfant dite Madone au livre » – 1482/83 – Sandro BOTTICELLI ( Museo Poldi Pezzoli /Milan)


Son style va durer assez longtemps ignorant les nouveautés et certaines techniques plus modernes comme la peinture à l’huile, par exemple, venue de Flandre et qui permettait une grande avancée dans la précision du tracé et la transparence des couleurs. Il va préférer rester fidèle à sa bonne vieille technique de la détrempe à savoir l’utilisation de pigments naturels dissous dans l’eau, auxquels on rajoutait de l’œuf ou de la colle ou de la gomme . C’était un très ancien procédé pas très facile d’ailleurs car il nécessitait que l’exécutant soit très soigneux, méticuleux et rapide aussi parce que le séchage intervenait rapidement donc difficile si l’on souhaitait reprendre les couleurs par exemple.
Botticelli fut entièrement dévoué à son art. Même si les femmes sont bien présentes dans ses tableaux, elles ne le seront pas dans sa vie personnelle. Il semblerait, bien que rien n’ait été prouvé, qu’il aurait eu un amour tout à fait platonique et romantique envers Simonetta Vespucci, le très beau modèle de la Naissance de Vénus morte à 23 ans de la tuberculose . Par contre, bon nombre d’historiens et de biographes affirment qu’il était homosexuel et aurait eu une relation avec un jeune homme ce qui lui aurait valu une accusation pour sodomie , avant d’être acquitté . Il en fut profondément affecté.
Il est né à Florence en mars 1445 dans une famille modeste, dernier né de quatre enfants. Doté d’un caractère plutôt renfermé et grincheux, n’ayant aucun goût ni aucune envie de travailler dans la tannerie familiale. Lui avait une passion depuis son plus jeune âge : le dessin. On lui fera apprendre l’orfèvrerie. Un de ses frères y travaillait déjà et c’était, à l’époque, un milieu proche des peintres. Rien n’y fera, la peinture et le dessin prendront le dessus.
C’est ainsi qu’il entre dans l’atelier de Filippo Lippi, un moine et peintre réputé avec lequel, malgré son très mauvais caractère, il va bien s’entendre. Il restera 6 ans auprès de lui. Lippi lui apprendra notamment la technique du chevalet, savoir maitriser la couleur et le volume. Lorsque Lippi devra s’enfuir de Florence pour avoir séduit et mis enceinte une jeune nonne, Botticelli sera contraint de quitter l’atelier et partira travailler auprès de celui qui sera plus tard le maître de De Vinci : Verrochio. L’un fut son formateur, l’autre lui a ouvert l’esprit sur l’art, et bien qu’ayant appris de l’un et de l’autre, il désirera rester finalement indépendant et se détachera des deux.



En 1469 le Tribunal de commerce de la Mercanzia commande à l’atelier du peintre Piero Pollaiulo sept tableaux devant représenter les sept vertus. L’atelier en réalise six et Botticelli exécutera le septième. Si il a été choisi pour participer à cette commande, c’est parce qu’il avait été vivement recommandé par un des magistrats très ami avec Pierre de Médicis. Son tableau représente la Force. La toile intitulé l’Allégorie de la Force, deviendra célèbre, destinée à être placée juste derrière le siège du juge président du Tribunal, comme un dossier en quelque sorte. Ce tableau lui apportera la reconnaissance , la notoriété et lui permettra de s’installer dans son propre atelier .

C’est à cette époque qu’il va se lier d’une grande amitié avec les petits-fils du grand Cosme à savoir Laurent Médicis dit Le magnifique et son frère Giuliano Médicis. Il réalisera un grand nombre de portraits de différents membres de la famille, membres qu’il fera même entrer dans certaines toiles comme des personnages de l’histoire, ce qu’ils appréciaient beaucoup d’être. Du coup, il gagnera leur profonde estime. A leur contact il évoluera dans une sphère d’érudits, d’intellectuels brillants et croisera la route de grands penseurs et humanistes de l’époque.
Cette amitié fera de lui le protégé de la Cour des Médicis, et ce jusqu’à la fin de sa vie. Une position qui aura des avantages puisqu’elle lui permettra non seulement de recevoir de nombreuses commandes de ses bienfaiteurs, mais d’autres venant des grandes familles florentines proches des Médicis.
Bien que l’on n’ait pas la confirmation que Botticelli ait pu avoir des rapports avec les humanistes de l’époque à Florence, il y a fort à penser qu’il ait pu les lire et que ces lectures aient pu influencer sa peinture, parce qu’elle en est imprégnée, notamment en ce qui concerne la mythologie.

Avant même d’avoir 30 ans, son succès va aller crescendo. Il aura la réputation d’être l’un des plus grands peintres de Florence avec un style très personnel, harmonieux, délicat, mélancolique, entre beauté idéale et rêve.
Lui qui était plutôt casanier et détestait quitter Florence, partira pour Rome à la demande du Pape Sixte IV en 1480/81. Ce dernier avait été fasciné par son tableau l’Adoration des Mages et lui demandera de venir travailler à la décoration murale de la Chapelle Sixtine. Sur place, accompagné par des assistants, il réalisera notamment des fresques superbes .
De retour à Florence, il reprend sa place auprès des Médicis et peint en 1482 le magnifique tableau Le Printemps pour le Palais Castello. Cette toile va marquer le but suprême de Botticelli : tendre vers le beau. C’est le jardin de Vénus avec tout ce que cela comporte de beauté se rapprochant de la Grèce antique. Quatre ans plus tard, ce sera La naissance de Vénus, sorte d’hommage rendu à Simonetta Vespucci, épouse d’un marchand réputé de Florence, une femme très séduisante, maîtresse de Giuliano Médicis et qui va mourir à 23 ans.
Pour ces deux toiles, dans lesquelles on retrouve la plénitude et la grâce, il a puisé son inspiration dans la pensée philosophique de Platon qui était un auteur très apprécié et lu à la Cour des Médicis. Il disait notamment que l’amour et la beauté permettaient à l’homme d’atteindre le divin. Elles ont une référence symbolique et d’ailleurs, elles ne furent comprises à l’époque que par un cercle restreint d’initiés.


Les années 1490 vont énormément affecter Botticelli : il y aura la mort de Laurent Médicis, le règne de Pierre II de Médicis dit Le sfortunato (le malchanceux) qui va commettre de très nombreuses erreurs politiques ce qui amènera le peuple à la révolte. Florence sera alors sous le coup d’une grave crise politique. Par ailleurs, la peste va sévir, et il va planer sur la ville l’influence du prieur hérétique Savonarole, lequel profitera de toute cette atmosphère. Il prêchera pour une humilité sévère, la vertu, la pénitence. Il organisera le Bûcher des Vanités lors du Mardi Gras de 1497, demandant aux riches familles de bien vouloir brûler tout ce qui pouvait représenter des signes extérieurs de leur richesse : perruques, miroirs, portraits de belles femmes, bijoux etc…. il finira pendu et brûlé sur la Piazza della Signora en 1498 et ses cendres seront dispersées dans l’Arno qui coule près de la ville.
Botticelli a brûlé une partie de ses tableaux de nus durant le bûcher. On a même pensé qu’il fut un partisan de Savonarole. Après la mort du prédicateur, sa peinture va radicalement changer. Elle se fera plus religieuse, méditative, pathétique même parfois, comme pour éveiller en chacun la compassion des croyants. Elle sera nettement plus engagée aussi.
Durant les dernières années de sa vie, Botticelli consacrera une partie de son temps à illustrer des ouvrages, notamment sur la Comédie de Dante (92 illustrations) à la pointe de métal sur parchemin, commande de Laurent de Médicis le Cadet.
Il finira bien tristement (Vasari dira même misérable) , très malade ne pouvant plus marcher qu’à l’aide de deux cannes . Il meurt à Florence en 1515 à l’âge de 78 ans. Il repose en l’église des Ognisanti de Florence, plus précisément dans la chapelle Saint Pierre d’Alcantara. Dans ce même lieu fut enterrée Simonetta Vespucci. La légende affirme qu’il voulait la rejoindre dans l’éternité ….
Une fois mort, Botticelli tombera dans l’oubli. La Renaissance connaîtra son apogée et on se tournera alors vers Michel-Ange et Léonard de Vinci.
» J’ai compris que, même pauvre et nécessiteux aux regards du monde, on peut s’enrichir en Dieu et que ce trésor-là, nul ne peut vous l’enlever. » Sandro BOTTICELLI


Je reconnais l’intensité du travail fourni. Parfaitement exécuté. Vous êtes un véritable talent qui inspire le respect !
Bravo à vous !
Bonne fin de semaine !
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C’est gentil Bernard 🙂 Ce fut un plaisir en ce qui me concerne. Merci infiniment et belle journée à vous aussi ♥
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Merci pour cette article ! J’apprécie beaucoup Botticelli, en particulier avec ce regard des préraphaélites ! Les reproductions sont merveilleuses !
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Merci pour votre message. Je n’ai jamais été déçue des expositions proposées par ce musée. Celle-ci est magnifique, les tableaux le sont tout autant. Il y a une atmosphère particulière qui en émane. Passez un bel après-midi ♥
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J’avais l’intention d’y aller. Votre article me donne encore plus envie ! Merci !
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Voilà qui m’enchante Elisabeth : avoir pu vous donner l’envie de voir cette merveilleuse expo. Merci pour votre message et excellent week-end à vous ♥
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Vous êtes un vrai professeur d’art. Vos écrits sont toujours si informatiques. Vous faites des recherches formidables et je vous en remercie. Très douce fin de semaine Lisa ♥️🥰🌹
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Je l’ai dit souvent : j’ai une passion pour l’art, quelle qu’en soit la forme : picturale, sculpturale, architecturale, littéraire, poétique, historique etc etc .., sans oublier la danse ! J’ai créé ce blog pour partager cette passion. Je suis heureuse que cela vous plaise à toutes et tous. Très heureux week-end à vous Ugetse et merci infiniment pour votre si gentil commentaire ♥
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