Les Poèmes Symphoniques de Liszt sont un genre qu’il a inventé, codifié, perfectionné, développé et dans lequel il a fait entrer ce qu’il aimait beaucoup en dehors de la musique, à savoir la littérature, la poésie, l’histoire. Il en a composé treize entre 1848 et 1882. Ils furent dédiées à sa deuxième compagne : Carolyn Von Saygen Wittgenstein.
L’homme visionnaire et l’esprit curieux qu’il a été , est parti de ce que l’on appelait Les Ouvertures de Concert. Il les a développées dans des proportions plus petites, avec un format sonore plus important. Il en a fait une sorte de musique à programme dans laquelle il suggère quelque chose d’historique, de poétique, de symbolique, de pictural, de sculptural etc…
Ce sont des œuvres vraiment brillantes, passionnantes, audacieuses, intéressantes. On a souvent qu’elles représentaient la musique de l’avenir. Il a laissé sur certaines partitions, des préfaces écrites de sa main afin, comme il l’explique : de mieux les interpréter et les comprendre correctement.
Pour les illustrations musicales, je vous propose celles que j’apprécie tout particulièrement, à savoir L.ORCHESTRE du GEWANDHAUS de LIEPZIG sous la direction de Kurt MASUR , mais également celle de Bernard HAITINK dirigeant le LONDON SYMPHONIC ORCHESTRA en ce qui concerne Les Préludes.
Les Préludes :
» Notre vie n’est-elle autre chose qu’une série de préludes à ce chant inconnu dont la mort entonne la première et la solennelle note … » Préface de Liszt
Au départ, Liszt avait intitulé cette pièce Les quatre éléments, à savoir le vent, la terre, la mer, le ciel, influencé en cela par le poème de Joseph Audran. En 1854, l’œuvre deviendra un Poème Symphonique, inspiré davantage par les Méditations Poétiques de Lamartine dont il reprendra les thèmes : l’amour, la souffrance, la guerre, le triomphe et la paix.
C’est une page expressive, éblouissante, puissante, onirique, romantique, probablement le plus abstrait de tous les Poèmes Symphoniques de Liszt, le plus réussi aussi, et, en tous les cas, le plus célèbre car souvent joué et très aimé des chefs d’orchestre.
Il fut commencé en 1848, achevé en 1853. Liszt s’était associé, pour l’instrumental, à Joachim Raff, un compositeur qui fut son secrétaire particulier durant six ans de 1850 à 1856 . Il sera créé à Weimar en 1854, sous la direction de Liszt, et obtiendra un vif succès.
Mazeppa :
Œuvre complexe, brillante, tumultueuse, tempétueuse, diabolique, triomphante, qui s’accorde souvent parfois un moment de calme et de sérénité, lequel est de très courte durée il est vrai. Elle fut créée à Weimar en 1854.
Liszt s’est inspiré du poème de Victor Hugo qu’il a d’ailleurs entièrement cité sur la partition. Mazeppa, héros du XVIIIe siècle, condamné au supplice, à savoir attaché à un cheval et traîné dans la steppe pour avoir séduit une jeune femme de la noblesse polonaise. Il devra sa vie et sa libération à un groupe de cosaques et deviendra l’un d’entre eux.
Hamlet :
Inspiré par la pièce de Shakespeare vue et entendue en 1856 et qui lui donnera l’envie d’une composition deux ans plus tard. Il avouera avoir surtout eu l’inspiration en écoutant la bouleversante interprétation de son ami Bogamil Dawison qui tenait le rôle principal à Weimar, et il a souhaité donné à sa partition son côté audacieux, énergique, sombre, lumineux, superbement intelligent.
Hamlet c’est comme une sorte de douleur dans la solitude, avec, en même temps, une certaine forme de grâce. C’est vraiment une page superbe, originale dans sa construction, expressive elle aussi, et aérienne orchestralement parlant.
Orphée :
» Le caractère tranquillement civilisateur du chant irradie toute œuvre d’art. Sa douce énergie, sa force sacrée, sa sonorité voluptueuse et noble pour l’âme, ses ondulations telles les bises de l’Elysée … » disait Liszt à son propos.
Une pièce composée en 1853/54 dont il affirmait que la seule référence était un vase étrusque de la collection du Louvre qu’il avait beaucoup apprécié . Toutefois, il poursuivra en précisant qu’il nous fut impossible de ne pas abstraire notre imagination du point de vue, touchant et sublime dans sa simplicité,, dont ce grand maître a envisagé son sujet. Il parlait, bien sur de Gluck et son célèbre opéra Orphée et Eurydice.
C’est une partition très subtile, lyrique, magnifique, presque intimiste parfois.
La bataille des Huns :
Onzième de la liste des Poèmes Symphoniques. Composé en 1857, inspiré par le tableau du peintre allemand Wilhelm Von Kaulbach qui porte le même nom à savoir La bataille des Huns ou la Bataille des champs Catalauniques (actuelle région de Châlons-en-Champagne/France) qui opposa le chef païen Atilla à Théodoric et ses armées chrétiennes.
» Kaulbach vit en cette lutte suprême d’Attila contre Théodoric, deux principes qui s’entrechoquent : la barbarie et la civilisation, le passé et l’avenir de l’humanité. Aussi, en mettant en présence ces deux héros, il éclaira d’une lueur verdâtre, froide, livide, cadavérique, comme un fait malfaisant, malgré la hauteur, l’audace, la puissance de volonté spontanée qui éclate dans toute sa splendeur. Il enveloppa l’autre, plus concentré dans son attitude, plus calme, plus faible aussi come individu, d’une lumière féconde, bienfaisante, envahissante qui émane de la croix dont il est précédé comme un drapeau vainqueur. On devra s’efforcer de maintenir une couleur très sombre, puissante, dans laquelle tous les instruments devront sonner comme des fantômes. » Analyse du tableau par Liszt et ce qui l’a inspiré, par conséquent, pour sa musique.
Die Ideale (les Ideaux) :
List a puisé son inspiration dans un poème de Friedrich Von Schiller écrit en 1795, et dont il avait eu connaissance grâce à la traduction française du poète Gérard de Nerval en 1830. Il l’appréciait beaucoup.
Il fut composé entre 1849 et 1854, créé à Weimar en 1857. On oscille entre quiétude, sérénité, variations rêveuses et contemplatives, et des passages plus héroïques.