Peintres Femmes 1780/1830 …

 » Quelques censeurs injustes prétendent qu’il faut qu’un art soit en décadence pour que les femmes s’y adonnent généralement. Ce pendant l’art de la peinture vient d’atteindre en France un très haut degré de perfection et on a jamais vu autant de femmes artistes  » Charles Paul LANDON (Critique d’art en 1807)

Le musée du Luxembourg propose, jusqu’au 4 juillet, une très intéressante exposition intitulée  : PEINTRES FEMMES 1780/1830 – Des peintresses comme on disait à l’époque. Pourquoi cette période ? : tout simplement parce que c’est une période charnière dans laquelle on a assisté à une grande féminisation dans le monde de l’art, une époque qui a vu émerger un grand nombre d’artistes féminines dont certaines sont complètement tombées dans l’oubli. L’expo a été reportée à plusieurs reprises en raison de la Covid.

L’Académie royale de peinture et de sculpture a été fondée en 1648 . La France était alors sous la régence d’Anne d’Autriche, épouse du roi Louis XIII, et mère du futur Louis XIV. L’Institution fut placée sous la protection de Mazarin. Le royaume souhaitait y rassembler et former les meilleurs artistes, ce qui pouvait représenter un plus pour la grandeur de la France. C’était une institution importante, incontournable, permettant aux artistes ayant reçu le titre d’académicien, non seulement une garantie de reconnaissance, mais également l’obtention de commandes. Ce qui n’était pas négligeable. Elle sera supprimée à la demande du peintre David, et par la Convention en 1793.

L’Académie des Beaux-Arts, quant à elle, sera créée en 1816. C’est la descendante de l’Académie royale de peinture et de sculpture, mais aussi celle de musique et d’architecture.

Vue perspective du salon de l’Académie royale de peinture et de sculpture au Louvre (Bibliothèque nationale de France)

L’Académie royale était un lieu où l ‘on venait pour apprendre, étudier le dessin non seulement avec modèle mais également d’après l’Antique, parfaire sa technique, réfléchir sur l’art, établir des règles etc.. Ce n’était pas gratuit, mais le coût n’était pas très élevé. De nombreux concours étaient proposés aux élèves dont un, très important, qui deviendra, par la suite le Prix de Rome. Celui qui l’obtenait avait la chance de partir 4 ans dans la capitale italienne, à l’Académie de France, ce qui représentait une belle référence pour la suite de sa carrière.

Elle était fréquentée par un grand nombre d’hommes, des artistes masculins (choix de l’Institution elle-même)qui suivaient des cours .Par contre :  » aucune damoiselle en qualité d’académicienne  » – Elles ne seront admises à y entrer que 15 ans plus tard, sur ordre royal qui, selon ses termes, souhaitait répandre ses grâces sans distinction de sexe. Admission certes, mais il fallait qu’elles aient, de préférence, un peintre parmi leurs proches (frère, père, ou époux). La première sera donc Catherine Duchemin-Girardon en 1663 soutenue par le directeur de l’époque Charles Le Brun.

 Catherine DUCHEMIN – Lithographie DUFOUR-BOUCQUOT d’après un portrait de Sébastien BOURDON (Musée Saint-Loup à Troyes)

Après elle, celles qui ont été autorisées à y entrer, toujours dans les mêmes conditions : en 1669 : les sœurs Boullogne, Geneviève et Madeleine, peintres de fleurs, à la demande de leur père qui était un des membres-fondateurs de l’Académie – en 1672 ce sera le tour de Elisabeth-Sophie Chéron dont le père était peintre. Elle fera fortune et va acquérir une grande renommée avec son travail – En 1676 ce sera le tour de la miniaturiste Anne-Renée Strésor, fille de peintre elle aussi . Elle deviendra religieuse et continuera sa passion au couvent – Dorothée Massé, première-femme sculptrice à y entrer. en 1680. Elle reçut l’appui du directeur Charles le Brun – Quant à Catherine Perrot, femme de notaire, miniaturiste spécialisée dans les fleurs et les oiseaux, elle avait donné des leçons à la nièce du roi, ce qui laisse à supposer que cela lui ait facilité la tâche pour y entrer, car on ne lui connait aucun autre appui pour le faire.

« Autoportrait » 1672 Elisabeth Sophie CHÉRON / Musée du Louvre à Paris

Beaucoup de noms de femmes-peintres, dont celles sus-nommées, sont restés inconnus, car tombés dans l’oubli. Pourtant , elles furent très talentueuses et elles méritaient d’être citées.

Après elles, l’Académie se fermera aux femmes en 1706. Elle ne se ré-ouvrira qu’en 1720, à titre exceptionnel en tant qu’invitée-honorifique : 1) pour la talentueuse vénitienne Rosalba Carriera. Bon là c’était différent car sa réputation l’avait précédée avant de venir en France, 2) en 1722 Margareta Haverman, néerlandaise spécialiste de bouquets, qui avait été fortement recommandée. Cette dernière sera renvoyée un an plus tard car l’on doutait de la paternité du tableau qu’elle avait présentée pour son admission. On supposait qu’il était l’œuvre de celui avec lequel elle avait étudié, à savoir Jan Van Huysman.

« Vase de fleurs » Margareta HAVERMAN 1716 / Metropolitan Museum New York (Etats-Unis)

Il faudra attendre 1757 pour voir arriver une miniaturiste : Marie-Thérèse Reboul. Son mari Joseph-Marie Vien, premier peintre du roi et sénateur, était déjà membre de l’Académie. La même année, Anna Dorothéa Therbusch, une peintre prussienne spécialisée en scènes de genre, fera elle aussi son entrée. Elle fut tellement mal acceptée par les membres masculins qu’elle va préférer partir de l’Académie et quitter la France en 1758.

 » Portrait de Marie-Thérèse REBOUL-VIEN » 1760- Joseph-Marie VIEN (Musée Fabre à Montpellier/FRANCE
 » Autoportrait  » Anna Dorothéa THERBUSCH 1777 / Gemäldegalerie à Berlin (Allemagne)

Treize ans plus tard, une autre femme sera reçue : Anne Vallayer-Coster (scènes de genre) fille d’un orfèvre du roi, et Marie-Suzanne Roslin spécialisée dans les portraits au pastel et l’épouse du peintre Alexandre Roslin.

Pour pouvoir exprimer leur désir de peindre, et faute de pouvoir entrer à l’Académie royale, certaines ont eu la chance de fréquenter l’Académie Saint Luc une confrérie de peinture et sculpture qui a compté parmi ses membres Elisabeth Vigée-Lebrun notamment. Elle leur a permis de se faire connaitre, d’exposer même. Elle fermera ses portes en 1777 (alors qu’elle fonctionnait très bien) car l’Académie royale de peinture et sculpture faisait pression pour qu’il en soit ainsi.

Lorsque Elisabeth Vigée-Lebrun (avec l’appui et sur ordre de la reine Marie-Antoinette)et Adélaïde Labille-Guiard furent admises à l’Académie royale de peinture en 1783, ce fut un grand évènement qu’elles étaient vues comme des « femmes d’exception » à savoir déjà célèbres, exposant leurs œuvres, ayant un atelier, lequel était fréquenté d’ailleurs par de nombreuses jeunes filles qui étaient leurs élèves.

« L’artiste dans son atelier avec deux de ses élèves : Marie-Gabrielle CAPET et Marie-Marguerite CARREAUX de ROSEMOND  » 1785 – Adelaïde LABILLE-GUIARD (Metropolitan Museum / New York)

Pour entrer à l’Académie, il fallait présenter une œuvre (morceau de réception), qui devait être acceptée par les membres de l’Académie. Elisabeth Vigée-Lebrun n’entendait pas le faire avec un tableau d’un genre mineur. Du coup, elle présentera une allégorie  » La Paix ramenant l’Abondance (peinte en 1780) pensant qu’il lui permettrait de la faire entrer comme peintre d’histoire. Le directeur et les membres masculins vont grincer des dents, voire même sortir des oppositions juridiques afin qu’elle ne soit pas admise. Mais c’était sans compter sur la reine Marie-Antoinette qui va fortement appuyer sa demande. Les registres noteront qu’elle y est admise «  sur ordre de la reine« 

 » La paix ramenant l’abondance  » 1780 Elisabeth VIGÉE-LEBRUN(Musée du Louvre/Paris)

A l’époque de leur entrée, l’Académie traversait une période de nombreuses critiques, tant internes qu’externes. De plus, le nombre des jeunes filles désirant se lancer dans la peinture était croissant. Elles étaient « à la mode« . Elles n’avaient que faire de savoir qu’elles étaient contraintes de se cantonner à un genre bien particulier, et peignaient même, que cela plaise ou non, des sujets de nus et de peinture d’histoire.

L’Académie fermera ses portes avec la Révolution. On la remplace par la Commune générale des Arts, qui deviendra la Société populaire et républicaine des Arts (1793). Les réunions de ladite société exclut totalement les femmes. La Restauration autorisera les femmes peintres à venir exposer au Salon.

 » L’élève intéressante  » 1786 env. en collaboration avec Jean-Honoré FRAGONARD ( Musée du Louvre / Paris) – Marguerite Gérard a été un peintre très important spécialisé dans les portraits et les scènes de genre. Elle a été formée par Jean-Honoré Fragonard. Ses tableaux étaient fort appréciés. Elle a donc pris son envol, toute seule, et a réussi à acquérir une très bonne réputation. Les historiens de l’art s’intéressent depuis de très nombreuses années à son magnifique travail.
 » L’artiste peignant une musicienne  » 1800 Marguerite GÉRARD (Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg/Russie)

Adélaïde Labille-Guiard mènera un grand combat en 1790 pour obtenir des réformes relatives au statut des femmes-peintres. Sa bataille ne sera pas vaine puisqu’elle obtiendra, dans un premier temps, que le nombre de femmes ne soit plus restreint dans l’Académie et qu’elles puissent accéder à un poste de professeur. Tout cela sera annulé en 1793 par la suppression des Académies.

La venue d’une artiste féminine dans ce lieu était vu comme quelque chose de vraiment exceptionnel et, par ailleurs, comme je l’ai expliqué, elle devait se cantonner à la peinture dite d’agrément, à savoir des natures mortes, des scènes de genre ou des portraits, ce qui était alors considéré en bas de l’échelle hiérarchique de l’Institution . En effet, la peinture était partagée, voire hiérarchisée, en différents genres : tout en haut de l’échelle il y avait la peinture d’histoire(grand genre) , puis le portrait, et vers le bas les genres mineurs : les scènes de genre, la nature morte, la peinture animalière et peinture de paysage (ces trois derniers étant classés comme genre d’observation).

Cette « hiérarchie des genres » ne va plus être d’actualité au XIXe siècle, tout simplement parce que, par exemple, la peinture dite d’Histoire n’intéressait plus grand monde. Par ailleurs, le marché de l’Art était un peu décadent et il fallait absolument le re-booster. Ce qui plaisait davantage c’était les scènes de genre et nombreuses étaient les femmes peintres dont c’était le sujet principal.

 » Portrait présumé de Madame Soustras laçant son chausson » 1802 -Marie-Denise VILLERS dite Nissa (ou Nisa) VILLERS une portraitiste qui fut élève du peintre, illustrateur et graveur Anne-Louis Girodet. Elle a fréquenté un temps l’atelier de David. / Musée du Louvre à Paris

Beaucoup de personnes ont longtemps été contre la féminisation en art. On s’offusquait que des femmes puissent peindre des nus, voire même assister à des séances où des hommes posaient en tant que modèle dans le plus simple appareil, ou se pencher sur la peinture d’histoire parce que c’étaient des sujets qui leur avait été toujours interdits. Tout comme il était impensable qu’une femme soit peintre professionnelle, et ce aussi douée fut elle.

«  J’aime fort les jolies femmes, ainsi que vous le savez, mais lorsqu’elles s’occupent plutôt à laver leurs chausses qu’à faire de la peinture …  » dira un critique de l’époque.

Le rôle des femmes était de s’occuper de son intérieur, de l’éducation des enfants, broder, jouer d’un instrument uniquement dans un cadre familial, peindre par plaisir personnel. Mais il y a eu des femmes qui ont eu une véritable vocation et parmi elles, certaines ont mené de front une carrière et une vie familiale. Pourtant des femmes peintres ont toujours existé et ce dès le XVIe siècle, mais difficile de s’imposer dans un milieu réputé pour être très misogyne.

En 1791 un décret donnera aux femmes la liberté d’exposer dans un Salon et on peut dire qu’elle furent nombreuses à y participer, pas la première année , mais dans beaucoup plus en 1799 et en 1824. . Elles purent également avoir légalement leur propre atelier, utiliser leur nom de jeune fille pour signer leurs tableaux. Malgré les progrès de visibilité, être artiste peintre ou sculpteur va demeurer quelque chose de très masculin, que le fait de créer une œuvre relevait d’un homme, et l’imitation d’une femme. Durant très, très longtemps aucune femme-artiste ne sera admise à l’Académie des Beaux-Arts créée en 1816 après la suppression de l’Académie royale.

« Jusqu’à présent on n’attendait de leur pinceau que de l’agrément et de la propreté. Elles montrent aujourd’hui de la vigueur et de la noblesse. Elles sont enfin les dignes rivales de notre sexe et les hommes qui s’étaient attribué sur elles toute la supériorité des talents, peuvent désormais craindre la concurrence. » Propos tenus par un commentateur du Salon en 1783

Entre 1770 et 1780 des grands peintres hommes vont malgré tout ouvrir leurs ateliers à des femmes comme par exemple Jean-Baptiste Greuze (1770)Joseph-Benoit Suvée (1780) ouJacques-Louis David en 1786. Une décision qui hérissera l’Académie qui en ordonnera même la fermeture. Henri Regnault ouvrira une section destinée aux femmes au musée du Louvre. Elle va y accueillir des peintres féminines de grand talent (Alexandrine Delaval, Adèle Romanée, Pauline Auzou et une vingtaine d’autres


 » Autoportrait » Vers 1801 – Constance MAYER (Bibliothèque Paul Marmottan/Boulogne Billancourt (France) – Constance Mayer a été une peintre formée, au départ , par Jean-Baptiste Greuze. Très admirative du célèbre peintre Pierre Paul Prud’hon, elle devient son élève, son assistante, sa collaboratrice et sa compagne. Elle a eu beaucoup de succès auprès du public. Dépressive, elle s’est suicidée en 1821, à l’âge de 45 ans, dans sa chambre-atelier à la Sorbonne, en se tranchant la gorge avec un rasoir.

Cette initiative va se développer considérablement au XIXe siècle, qui verra s’ouvrir aux femmes des nombreux cours privés de peinture, et des ateliers tenus par des femmes où elles ont accueilli des jeunes filles de milieux sociaux divers mais ayant toute le même objectif : faire de leur passion pour la peinture un métier. Du coup elles devenaient amies, se soutenaient, s’entraidaient, et furent aidées par d’autres femmes mécènes et collectionneuses., comme l’a été, par exemple Joséphine de Beauharnais.

 » Scène d’atelier avec Adelaïde Guiard-Labille faisant le portrait de Joseph-Marie Vien (ou L’atelier de Mme Vincent en 1800) – 1808 – Marie-Gabrielle CAPET ( The Neue Pinakothek à Munich/ Allemagne)  
 » La mort de Malek-Adhel  » (Salon de 1814) Césarine DAVIN-MIRVAULT / Musée d’Art et Archéologie d’Aurillac /France ( Peintre miniaturiste ayant étudié avec Jacques-Louis David)
 » Une jeune fille à genoux » 1839 – Aimée BRUNE (Peintre du XIXe siècle – élève du peintre Charles Meynier – Cette artiste fut une peintre très respectée à son époque. Elle bénéficiait d’une excellente réputation. Ses sujets étaient très éclectiques. Son époux était peintre lui aussi et il lui arrivait de travaillait avec elle.
« Naples vue du Pausilippe » entre 1842/1859 – Louise-Joséphine SARAZIN DE BELMONT / Musée des Augustins à Toulouse (France) – Cette peintre, très appréciée par ses collègues masculins, fut l’élève de Pierre-Henri De Valenciennes, un peintre-paysagiste qui avait ouvert son atelier aux femmes. A noter qu’en 1830 elle a décider d’aller étudier la nature d’un peu plus près et pour ce faire elle s’est installée dans une cabane de berger pour pouvoir saisir la lumière de la nature à toutes heures de la journée. C’était bien avant les impressionnistes ! Joséphine de Beauharnais acheta de nombreux tableaux de cette peintre pour ses collections ainsi que la Duchesse de Berry

Le liseron & le papillon …

 » Va-t’en tu m’embêtes
Dit le liseron
Au papillon perché sur la clochette

Liseron t’es bête
Dit le papillon
Vois plutôt comme mes couleurs
S’accordent bien à ta blancheur
A nous deux ne sommes-nous point
La merveille de ce jardin ?
Je me repose et tu y gagnes.

Le liseron dit oui et s’en trouve très bien :
Venu pour l’arracher le jardinier l’épargne
Et s’en va le menteur
Se dire l’inventeur
D’une nouvelle fleur.  » Jean ROUSSELOT ( Poète et écrivain français)

John BRACKENBURY Photography

Le café …

 » Le café, lorsque vous l’avez terminé, il vous donne encore le temps de réfléchir. C’est beaucoup plus qu’une boisson, c’est un instant qui passe. Pas comme un moment ordinaire, mais comme un évènement, un lieu d’être, même pas comme un lieu mais comme quelque part en vous. Il vous donne le temps, non pas des heures non réelles ou des minutes, mais une chance d’être vous-même et de prendre une seconde tasse. » Gertrude STEIN (Poétesse, écrivaine, dramaturge américaine)