« Jésus au ciel est monté Pour vous envoyer sa grâce Espérance et charité, Foi qui jamais ne se lasse,
Patience et tous les dons Que l’esprit porte en ses flammes. Et les trésors de pardons, De zèle au salut des âmes,
De courage durant les Tentations de ce monde. Ah ! surtout, oui, devant les Tentations de ce monde,
Ces scandales étalés Tour à tour beaux puis immondes, Pauvres cœurs écartelés, Tristes âmes vagabondes !
Jésus au ciel est monté, Mais en nous laissant son ombre : L’Évangile répété Sans cesse aux peuples sans nombre. »
Jésus au ciel est monté Pour mieux veiller, Lui, fait homme, Sur notre fragilité Qu’il éprouva.
Jésus au ciel est monté Notre nuit n’y pourrait suivre Avant la mort sa clarté : Ah ! d’esprit allons y vivre ! Paul VERLAINE (Poète français / Extrait de son recueil Liturgies intimes/1892)
Tableau de Francesco CAMILLO
(Vidéo : Philippe HERREWEGHE à la direction du COLLEGIUM VOCALE // Barbara SCHLICK (Soprano) – Catherine PATRIASZ (Alto) – Christoph PREGARDIEN (Ténor) et Peter KOOY (Basse)
Cantate BWV 43 Gott fähret auf mit Jauchzen(Dieu monte au ciel dans des cris de joie) : Bach a écrit de très nombreuses Cantates pour l’Ascension. Celle-ci, assez majestueuse, brillante, festive, le fut en 1726. Elle se compose de 11 mouvements dont deux avec chœur. Elle est basée sur des textes liturgiques se référant à la montée du Seigneur vers le ciel.
» Ô beau pied de glycine Qui rampe sur le toit ! Glycine en fleurs, tendre glycine, bleu pavois Des grilles, des balcons, des murs trop neufs, des toits Trop vieux ; souple glycine !
Ce matin, sous le ciel frémissant comme toi, C’est dans tes grappes et tes feuilles, Tout le miracle bleu du printemps qui m’accueille !
En papillons, du bleu s’effeuille… Du bleu… du bleu nuancé de lilas, De violet si doux qu’on ne sait pas Si l’on voit des touffes d’iris ou de lilas.
Par terre est un champ de pétales. Jacinthes, violettes pâles ? Non, mais, en l’air, une guirlande qui s’étale, Qui s’effrange, qui glisse en gouttes de satin…
Il pleut mauve. Il a plu cette nuit, ce matin. La terre est mauve ; l’herbe mauve. Le jardin Est un jardin pareil à ceux que j’imagine Autour d’un petit pont sur des lotus, en Chine.
Jardins d’Asie… Ombre au pied des collines, Toits retroussés, bassins fleuris et murmurants… C’est comme un frais bonheur inconnu qui me prend, Un bonheur du matin, fait d’air si transparent, De couleurs et d’odeurs si fines, Qu’on y sent toute l’âme en fête des glycines !
Ô glycine, collier des gouttières chagrines, Manteau léger du parc aux grands escaliers blancs Et de la pierre des vieux bancs Devant les chaumes en ruines ;
Treille aux raisins d’azur, festons d’argent, Vitrail d’évêque où chaque palme dessine Entre des pendentifs d’améthystes, en rangs ; Flocons d’encens, clairs sachets odorants, Qui tombent sur mon front, sur ma poitrine, Comme un présent de mai ! Glycine, Dont le nom grec veut dire : doux, douceur, Vin sucré… dont le nom est comme une liqueur, Comme un parfum dans la brise câline, Dont le nom, doucement, glisse comme tes fleurs, Je te salue au seuil du Bel Été, Glycine… » Sabine SICAUD (Poétesse française/Extrait de son recueil Poème d’enfant en 1926)
» Dame et enfant sur la terrasse des Morisot « (ou femme et enfant au balcon) 1871/1872 (Collection privée)
» Cette simple scène de la vie familiale donne lieu à un tableau très moderne quant au point de vue et à la perspective choisis, à la composition et à l’attitude des personnages. Edma Pontillon, sœur de l’artiste, et leur nièce Paule Gobillard sont dans le jardin des parents Morisot, rue Franklin, qui dispose d’une terrasse.
Les deux modèles tournent le dos, seule Edma, penchée en avant, légèrement tournée vers sa nièce, présente son profil. Elle est accoudée au balcon comme pour mieux attendre, mais aussi parler ou mieux écouter Paule. Toutes deux semblent espérer l’arrivée d’une tierce personne, sans doute la mère de Paule, à moins que ce ne soit une voiture qui les conduira en promenade. L’élégante tenue d’Edma, en robe de soie noire avec chapeau à plumes qui lui tombe sur le front, une ombrelle à la main, et celle de l’enfant, indiquent qu’elles vont sortir.
La composition est audacieuse et très impressionniste. La balustrade de la terrasse est en diagonale. Le sol et la balustrade occupent plus de la moitié de la peinture. A droite, la scène est coupée par un gros pilier sur lequel est posé une corbeille de fleur dont on ne voit qu’une petite partie. A la diagonale orientée vers le haut à gauche s’oppose une autre diagonale, non tracée et incomplète, qui va de l’enfant au dôme des Invalides, donnant une impression de profondeur. A la masse du pilier à droite qui oblige à regarder vers le lointain sur la gauche, répond la robe d’Edma qui replace le regard vers Paule ou vers le paysage.
Cette scène prise sur le vif bénéficie d’un éclairage tout particulier, impossible s’il s’agissait d’un balcon vu depuis l’intérieur de la maison. La maison de la rue Franklin, sur les bords de la colline de Chaillot, domine un peu Paris tout en étant en pleine campagne. A l’époque, ni ce quartier, ni l’autre côté de la Seine, les abords du Champ-de-Mars, ne sont encore construits, d’où la vue sur des champs et des jardins.
Berthe Morisot a très minutieusement préparé cette toile importante par plusieurs études préparatoires dont une seule aquarelle nous est parvenue. Elle a ensuite reporté sur la toile son modèle à l’aide d’un quadrillage, tout en apportant quelques modifications pour équilibrer les couleurs et les tons. Le passage de l’aquarelle à la toile lui occasionne beaucoup de soucis. Elle s’en ouvre dans une lettre à Edma : » Elles me donnent du mal et s’alourdissent sensiblement avec le travail, puis comme arrangement cela ressemble à un Manet. Je m’en rends compte et en suis agacée. ». En effet, il y a une certaine ressemblance avec une œuvre de Manet peinte en 1871 Sur une galerie à colonne. Les personnages, accoudés et de trois quarts, regardent dehors. Chez Manet les constructions ne permettent pas une vue aussi dégagée que celle de Berthe Morisot. Dans ce tableau de Morisot, l’artiste est dans le jardin situé à l’arrière de la maison, et comme ses modèles, regarde le paysage depuis ce point de vue.
» Sur une galerie à colonne » (ou Oloron Sainte-Marie) Edouard MANET ( Fondation Bührle à Zurich / Allemagne
Il y a rapprochement entre les œuvres des deux artistes, inspiration et influence réciproques. Comme l’observera avec justesse Henri Nocq au lendemain du décès de Berthe Morisot : » Elle ne chercha pas à copier son illustre parent ; trop artiste pour pasticher quoique ce soit, elle comprit que la leçon donnée par les grands peintres, est avant tout d’indépendance et d’honnêteté artistique. » Hugues WILHELM (Écrivain français)
« Un musicien (c’est-à-dire un artisan) ne suffit pas, même s’il maîtrise très bien les difficultés techniques ou ce qui relève de la mesure. Ce qu’il faut c’est un être humain complet et supérieur qui puisse méditer et éprouver ce que le compositeur a lui même pensé et ressenti quand il a créé son œuvre.
La composition exige la plus sévère des auto-critiques. Dans n’importe quelle belle œuvre, il ne faut pas permettre que les proportions, la construction, la progression, etc.. soit malmenées. Chaque chose doit se tenir à sa place, en lien organique avec l’ensemble et en corrélation harmonieuse avec toutes les parties.
La conception et la création d’une œuvre sont mystiques d’un bout à l’autre. On est poussé, inconsciemment, comme si on était sous l’emprise d’une volonté extérieure, à créer quelque chose dont on reconnait à peine l’origine par la suite. Je me sent souvent comme une poule aveugle qui a trouvé un diamant. » Gustav MAHLER( Compositeur, chef et pianiste autrichien – Extrait du livre Souvenirs de Gustav Mahler par Natalie BAUER-LECHNER (traduit par Isabelle WERCK)
Gustav MAHLER( 1860/1911) – Photo prise en 1907 par Moritz NÄHR
J’ai choisi le chef Leonard BERNSTEIN pour chacune de ces trois Symphonies. Au delà du fait qu’il a été un grand mahlérien, il a eu énormément de points communs avec le compositeur et n’a jamais caché qu’il s’est souvent identifié à lui tant il se retrouvait dans sa personne et dans sa façon de ressentir la musique. Tout comme lui, il a, notamment, dirigé l’Orchestre Philharmonique de New York.
La musique de Mahler a longtemps été incomprise, voire même rejetée. Si elle a pu renaître de façon prestigieuse, c’est en partie grâce à Bernstein qui fut le premier à enregistrer les 9 Symphonies.
« Chacune de ses symphonies se comporte comme un opéra. Je ne connais aucun autre compositeur qui sache si bien commencer un mouvement (on voit pratiquement le rideau se lever), ou le terminer, ou accumuler des chocs, ou brosser un contraste, ou amener un point culminant, ou faire un sous-entendu, ou encore exploiter avec tant d’intelligence et d’efficacité les possibilités dramatiques qu’offre l’ambiguïté. » L.B.
Symphonie N°1 « Le Titan » :
(Vidéo : Symphonie N.1 – Léonard BERNSTEIN à la direction du CONCERTGEBOUW d’Amsterdam)
C’est dans le roman Le Titan de Jean-Paul Richter (un ouvrage qui va profondément le marquer) que Mahler trouvera son inspiration pour écrire cette partition. La composition va durer trois ans et sera terminée en 1888. Elle sera créée un an plus tard à Budapest, puis remaniée en 1903.
Il disait à son propos « Elle est un poème symphonique sous forme de symphonie. Elle restera l’enfant de la douleur », probablement en raison du fait qu’elle a été incomprise.
C’est une œuvre magistrale d’un point de vue orchestrale, forte, conquérante, épique, très malhériene. Un chant à la nature qui, selon les mouvements, peut se révéler sereine, solennelle sans que ce soit tragique, mystérieuse, tourmentée, mais optimiste aussi parfois.
Symphonie N°3 :
(Vidéo : Leonard BERNSTEIN à la direction de l’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE de VIENNE – Christa LUDWIG au chant)
» Ma symphonie sera quelque chose que tout le monde n’a encore jamais entendu. Toute la nature y trouve une voix pour narrer quelque chose de profondément mystérieux, quelque chose que l’on ne pressent, peut-être, qu’en rêve. Certains passages m’effraient presque. Il m’arrive de me demander si réellement cela devait être écrit …. Ne regardez pas le paysage, il est tout entier dans ma symphonie. » Gustav MAHLER
Cette superbe partition fut écrite en 1895 dans la petite cabane que le compositeur s’était fait construire au bord du lac, dans la commune de Steinbach sur Attersee ( Haute Autriche )où il passait ses étés. Il était alors dans une période de grande force créatrice. Son immense amour de la nature est plus que jamais présent dans ce chef d’œuvre.
Comparativement à ses autres Symphonies, c’est probablement la plus développée. Elle est de toute beauté, impressionnante, grandiose, démesurée, très longue, idéologique, céleste, audacieuse, profonde, parfaitement maîtrisée, et selon les mouvements elle peut se montrer contemplative et lyrique. Elle se déroule un peu comme une sorte d’émerveillement, une sérénité infinie, une insouciance auréolée de tendresse, de nostalgie et d’extase
Certains passages furent interprétés seuls entre 1896 et 1898, mais elle sera créée dans son intégralité en 1902 sous la direction de Mahler, durant le festival de Krefeld (Allemagne) , en présence, notamment de Richard Strauss.
Symphonie N°5 :
(Vidéo : Symphonie N°5 – Leonard BERSTEIN à la direction de l’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE VIENNE ) – Vous trouverez l’Adagietto à 45’25 de la vidéo)
Elle fut écrite entre 1901/1902, et créée en 1903 sous la direction de Mahler. Elle est arrivée à une époque un peu différente des autres Symphonies : il se remettait de graves problèmes de santé (hémorragie intestinale début 1901) mais il était heureux, marié avec Alma Schindler et ils attendaient leur premier enfant.
La N°5 est totalement instrumentale, il n’a pas, comme dans les autres, des passages en chant lyrique. C’est une partition très expressive, parfaitement maîtrisée d’un point de vue technique, peut-être un peu crispée au départ, mais plus impétueuse par la suite. Elle laisse ensuite la place à un très long et chaotique Scherzo (plutôt original, exceptionnel et rare dans ce type d’œuvre) , puis arrive sur ce célèbre petit bijou intense, sublime, émouvant et touchant qu’est l’Adagietto et qui parait-il est un cri d’amour pour Alma. Il a été repris par Luchino Visconti dans le film Mort à Venise.
» La mer attend son large, cherche ses eaux, désire le bleu, crache et crie, s’accroche et défaille, quand son écorce et sa coquille se brisent, et la fragile ardoise de ses clochers, et tous les verres qu’elle a vidés puis jetés derrière les taillis. La mer chuinte au soir et peluche, avant de s’endormir, la tête entre les bras, comme une enfant peureuse, quêtant dans la nuit calme des idées d’aurores et d’émoi, encore un peu de vin, de vent et de clarté, un peu d’oubli.
Son gros cœur de machine s’effondre dans son bleu ; sa servitude quémande son salaire de sel : quelques gouttes, un bout de pain, un butin si maigre, pas même de quoi gagner le large après tant de vagues remuées tout ce temps ! Elle brûle de se défaire du ciel qui la manie, la flatte ou la conspue : ô ces ailes qui lui manquent, cet horizon partout à bout portant ! Verra-t-elle jamais se lever son jour, dans la pénombre d’un prénom de femme ?
Elle n’a ni corps ni chair à elle : elle revient de nulle part et parle de travers, elle rêve à autre chose ; elle parle et rêve de choses et d’autres : pourquoi donc ne pas dire que le temps à midi s’arrête au fond d’un lac ? On prétend que le bleu perle sous sa paupière : on la croit folle, elle se désole, rêvant pour rien de branches et de racines, assise sur une espèce de valise en cuir au bout de la plage où personne ne viendra la chercher.
Quelle nuit, quel jour fait-il dans sa tête engourdie de femme assise ? Elle ouvre en grand les bras aux enfants accourus du large. Il lui plaît d’exciter leurs rires et leurs éclaboussures, de baigner les pieds nus, de lécher la peau claire. Mais vivre n’est pas son affaire : elle ne raconte pas son désir, fiévreux d’images et de rivages ; elle n’ira guère plus loin que ce chagrin-ci, d’un impossible bleu lavande, celui d’anciennes lettres d’amour et de mouchoirs trempés.
La voici d’un gris de sépulcre, avec tout ce vide autour d’elle, cueillant la mort d’un baiser brusque, suçant le noyau et crachant le fruit, titubant comme le souvenir, priant parfois très bas, brisant après le rêve la cruche qu’il a vidée. Son cœur est un abîme qui recommence jour après nuit la même journée obscure, qui chante de la même voix brouillée le désordre et le bruit, qui va, lavant sa plaie, toujours poussant pour rien son eau pauvre en amour. » Jean-Michel MAULPOIX ( Poète et critique littéraire français )
» Ils vont, les petits canards, Tout au bord de la rivière, Comme de bons campagnards.
Barboteurs et frétillards, Heureux de troubler l’eau claire, Ils vont, les petits canards.
Ils semblent un peu jobards, Mais ils sont à leur affaire Comme de bons campagnards
Dans l’eau pleine de têtards, Où tremble une herbe légère, Ils vont, les petits canards.
Marchant par groupes épars, D’une allure régulière Comme de bons campagnards ;
Amoureux et nasillards, Chacun avec sa commère, Comme de bons campagnards Ils vont, les petits canards ! » Rosemonde GÉRARD-ROSTAND (Poétesse française / Extrait de son recueil Les pipeaux)
» Parmi les mots du dictionnaire, il n’y en a peut-être pas un qui évoque plus de visions agréables que celui du jardin. Des fleurs, des fruits, des eaux jaillissantes, des ombrages, des lits de mousse, des chants d’oiseaux. Ce n’est pas pour rien que le Paradis est appelé le jardin d’Éden ! Et c’est sans doute la nostalgie de ce Paradis perdus qui pousse tant d’hommes, jeunes et vieux, à chercher le bonheur dans la possession d’un jardin. Quand l’ouvrière de Paris suspend à sa fenêtre un pot de réséda ou un de capucines, c’est un petit rayon de Paradis perdu qui vient illuminer son taudis. Quand le militaire ou le vieil employé de bureau rêvent de prendre leur retraite pour planter ou greffer leurs rosiers et voir mûrir leurs pommes, c’est le vieil homme, c’est Adam qui revit en eux, tel qu’il était avant sa chute, n’ayant rien à faire qu’à cultiver et à garder son jardin. » Charles GIDE (Enseignant et économiste français – Extrait de son livre La Cité jardin/1911)
Pour ce 8 mai qui célèbre la victoire des alliés contre l’Allemagne nazie et la fin de la seconde guerre mondiale , j’ai choisi un poème écrit par Paul ÉLUARD en 1942. Il fait partie du recueil Poésie et Vérité –
Ce texte a été édité dans la revue la France Libre. Des milliers d’exemplaires ont été parachutés en 1942 au-dessus du sol français par la Royal Air Force .
» Sur mes cahiers d’écolier sur mon pupitre et les arbres sur le sable sur la neige j’écris ton nom
Sur toutes les pages lues sur toutes les pages blanches pierre sang papier ou cendre j’écris ton nom
Sur les images dorées sur les armes des guerriers sur la couronne des rois j’écris ton nom
Sur la jungle et le désert sur les nids sur les genêts sur l’écho de mon enfance j’écris ton nom
Sur les merveilles des nuits sur le pain blanc des journées sur les saisons fiancées j’écris ton nom
Sur tous mes chiffons d’azur sur l’étang soleil moisi sur le lac lune vivante j’écris ton nom
Sur les champs sur l’horizon sur les ailes des oiseaux et sur le moulin des ombres j’écris ton nom
Sur chaque bouffée d’aurore sur la mer sur les bateaux sur la montagne démente j’écris ton nom
Sur la mousse des nuages sur les sueurs de l’orage sur la pluie épaisse et fade j’écris ton nom
Sur les formes scintillantes sur les cloches des couleurs sur la vérité physique j’écris ton nom
Sur les sentiers éveillés sur les routes déployées sur les places qui débordent j’écris ton nom
Sur la lampe qui s’allume sur la lampe qui s’éteint sur mes maisons réunies j’écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux du miroir et de ma chambre sur mon lit coquille vide j’écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre sur ses oreilles dressées sur sa patte maladroite j’écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte sur les objets familiers sur le flot du feu béni j’écris ton nom
Sur toute chair accordée sur le front de mes amis sur chaque main qui se tend j’écris ton nom
Sur la vitre des surprises sur les lèvres attentives bien au-dessus du silence j’écris ton nom
Sur mes refuges détruits sur mes phares écroulés sur les murs de mon ennui j’écris ton nom
Sur l’absence sans désir sur la solitude nue sur les marches de la mort j’écris ton nom
sur la santé revenue sur le risque disparu sur l’espoir sans souvenir j’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot je recommence ma vie je suis né pour te connaître pour te nommer
Liberté. …. » Paul ÉLUARD (Poète français )
Lithographie du poème de Paul ÉLUARD peint par Fernand LÉGER en 1953