La glycine …

 » Ô beau pied de glycine
Qui rampe sur le toit !
Glycine en fleurs, tendre glycine, bleu pavois
Des grilles, des balcons, des murs trop neufs, des toits
Trop vieux ; souple glycine !

Ce matin, sous le ciel frémissant comme toi,
C’est dans tes grappes et tes feuilles,
Tout le miracle bleu du printemps qui m’accueille !

En papillons, du bleu s’effeuille…
Du bleu… du bleu nuancé de lilas,
De violet si doux qu’on ne sait pas
Si l’on voit des touffes d’iris ou de lilas.

Par terre est un champ de pétales.
Jacinthes, violettes pâles ?
Non, mais, en l’air, une guirlande qui s’étale,
Qui s’effrange, qui glisse en gouttes de satin…

Il pleut mauve. Il a plu cette nuit, ce matin.
La terre est mauve ; l’herbe mauve. Le jardin
Est un jardin pareil à ceux que j’imagine
Autour d’un petit pont sur des lotus, en Chine.

Jardins d’Asie… Ombre au pied des collines,
Toits retroussés, bassins fleuris et murmurants…
C’est comme un frais bonheur inconnu qui me prend,
Un bonheur du matin, fait d’air si transparent,
De couleurs et d’odeurs si fines,
Qu’on y sent toute l’âme en fête des glycines !

Ô glycine, collier des gouttières chagrines,
Manteau léger du parc aux grands escaliers blancs
Et de la pierre des vieux bancs
Devant les chaumes en ruines ;

Treille aux raisins d’azur, festons d’argent,
Vitrail d’évêque où chaque palme dessine
Entre des pendentifs d’améthystes, en rangs ;
Flocons d’encens, clairs sachets odorants,
Qui tombent sur mon front, sur ma poitrine,
Comme un présent de mai !
Glycine,
Dont le nom grec veut dire : doux, douceur,
Vin sucré… dont le nom est comme une liqueur,
Comme un parfum dans la brise câline,
Dont le nom, doucement, glisse comme tes fleurs,
Je te salue au seuil du Bel Été, Glycine…  » Sabine SICAUD (Poétesse française/Extrait de son recueil Poème d’enfant en 1926)

 » La glycine  » Eugène BIDAU

Dame et enfant sur la terrasse … Berthe MORISOT

 » Dame et enfant sur la terrasse des Morisot « (ou femme et enfant au balcon) 1871/1872 (Collection privée)

 » Cette simple scène de la vie familiale donne lieu à un tableau très moderne quant au point de vue et à la perspective choisis, à la composition et à l’attitude des personnages. Edma Pontillon, sœur de l’artiste, et leur nièce Paule Gobillard sont dans le jardin des parents Morisot, rue Franklin, qui dispose d’une terrasse.

Les deux modèles tournent le dos, seule Edma, penchée en avant, légèrement tournée vers sa nièce, présente son profil. Elle est accoudée au balcon comme pour mieux attendre, mais aussi parler ou mieux écouter Paule. Toutes deux semblent espérer l’arrivée d’une tierce personne, sans doute la mère de Paule, à moins que ce ne soit une voiture qui les conduira en promenade. L’élégante tenue d’Edma, en robe de soie noire avec chapeau à plumes qui lui tombe sur le front, une ombrelle à la main, et celle de l’enfant, indiquent qu’elles vont sortir.

La composition est audacieuse et très impressionniste. La balustrade de la terrasse est en diagonale. Le sol et la balustrade occupent plus de la moitié de la peinture. A droite, la scène est coupée par un gros pilier sur lequel est posé une corbeille de fleur dont on ne voit qu’une petite partie. A la diagonale orientée vers le haut à gauche s’oppose une autre diagonale, non tracée et incomplète, qui va de l’enfant au dôme des Invalides, donnant une impression de profondeur. A la masse du pilier à droite qui oblige à regarder vers le lointain sur la gauche, répond la robe d’Edma qui replace le regard vers Paule ou vers le paysage.

Cette scène prise sur le vif bénéficie d’un éclairage tout particulier, impossible s’il s’agissait d’un balcon vu depuis l’intérieur de la maison. La maison de la rue Franklin, sur les bords de la colline de Chaillot, domine un peu Paris tout en étant en pleine campagne. A l’époque, ni ce quartier, ni l’autre côté de la Seine, les abords du Champ-de-Mars, ne sont encore construits, d’où la vue sur des champs et des jardins.

Berthe Morisot a très minutieusement préparé cette toile importante par plusieurs études préparatoires dont une seule aquarelle nous est parvenue. Elle a ensuite reporté sur la toile son modèle à l’aide d’un quadrillage, tout en apportant quelques modifications pour équilibrer les couleurs et les tons. Le passage de l’aquarelle à la toile lui occasionne beaucoup de soucis. Elle s’en ouvre dans une lettre à Edma :  » Elles me donnent du mal et s’alourdissent sensiblement avec le travail, puis comme arrangement cela ressemble à un Manet. Je m’en rends compte et en suis agacée. ». En effet, il y a une certaine ressemblance avec une œuvre de Manet peinte en 1871 Sur une galerie à colonne. Les personnages, accoudés et de trois quarts, regardent dehors. Chez Manet les constructions ne permettent pas une vue aussi dégagée que celle de Berthe Morisot. Dans ce tableau de Morisot, l’artiste est dans le jardin situé à l’arrière de la maison, et comme ses modèles, regarde le paysage depuis ce point de vue.

 » Sur une galerie à colonne  » (ou Oloron Sainte-Marie) Edouard MANET ( Fondation Bührle à Zurich / Allemagne

Il y a rapprochement entre les œuvres des deux artistes, inspiration et influence réciproques. Comme l’observera avec justesse Henri Nocq au lendemain du décès de Berthe Morisot :  » Elle ne chercha pas à copier son illustre parent ; trop artiste pour pasticher quoique ce soit, elle comprit que la leçon donnée par les grands peintres, est avant tout d’indépendance et d’honnêteté artistique. » Hugues WILHELM (Écrivain français)