« Un musicien (c’est-à-dire un artisan) ne suffit pas, même s’il maîtrise très bien les difficultés techniques ou ce qui relève de la mesure. Ce qu’il faut c’est un être humain complet et supérieur qui puisse méditer et éprouver ce que le compositeur a lui même pensé et ressenti quand il a créé son œuvre.
La composition exige la plus sévère des auto-critiques. Dans n’importe quelle belle œuvre, il ne faut pas permettre que les proportions, la construction, la progression, etc.. soit malmenées. Chaque chose doit se tenir à sa place, en lien organique avec l’ensemble et en corrélation harmonieuse avec toutes les parties.
La conception et la création d’une œuvre sont mystiques d’un bout à l’autre. On est poussé, inconsciemment, comme si on était sous l’emprise d’une volonté extérieure, à créer quelque chose dont on reconnait à peine l’origine par la suite. Je me sent souvent comme une poule aveugle qui a trouvé un diamant. » Gustav MAHLER( Compositeur, chef et pianiste autrichien – Extrait du livre Souvenirs de Gustav Mahler par Natalie BAUER-LECHNER (traduit par Isabelle WERCK)
Gustav MAHLER( 1860/1911) – Photo prise en 1907 par Moritz NÄHR
J’ai choisi le chef Leonard BERNSTEIN pour chacune de ces trois Symphonies. Au delà du fait qu’il a été un grand mahlérien, il a eu énormément de points communs avec le compositeur et n’a jamais caché qu’il s’est souvent identifié à lui tant il se retrouvait dans sa personne et dans sa façon de ressentir la musique. Tout comme lui, il a, notamment, dirigé l’Orchestre Philharmonique de New York.
La musique de Mahler a longtemps été incomprise, voire même rejetée. Si elle a pu renaître de façon prestigieuse, c’est en partie grâce à Bernstein qui fut le premier à enregistrer les 9 Symphonies.
« Chacune de ses symphonies se comporte comme un opéra. Je ne connais aucun autre compositeur qui sache si bien commencer un mouvement (on voit pratiquement le rideau se lever), ou le terminer, ou accumuler des chocs, ou brosser un contraste, ou amener un point culminant, ou faire un sous-entendu, ou encore exploiter avec tant d’intelligence et d’efficacité les possibilités dramatiques qu’offre l’ambiguïté. » L.B.
Symphonie N°1 « Le Titan » :
(Vidéo : Symphonie N.1 – Léonard BERNSTEIN à la direction du CONCERTGEBOUW d’Amsterdam)
C’est dans le roman Le Titan de Jean-Paul Richter (un ouvrage qui va profondément le marquer) que Mahler trouvera son inspiration pour écrire cette partition. La composition va durer trois ans et sera terminée en 1888. Elle sera créée un an plus tard à Budapest, puis remaniée en 1903.
Il disait à son propos « Elle est un poème symphonique sous forme de symphonie. Elle restera l’enfant de la douleur », probablement en raison du fait qu’elle a été incomprise.
C’est une œuvre magistrale d’un point de vue orchestrale, forte, conquérante, épique, très malhériene. Un chant à la nature qui, selon les mouvements, peut se révéler sereine, solennelle sans que ce soit tragique, mystérieuse, tourmentée, mais optimiste aussi parfois.
Symphonie N°3 :
(Vidéo : Leonard BERNSTEIN à la direction de l’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE de VIENNE – Christa LUDWIG au chant)
» Ma symphonie sera quelque chose que tout le monde n’a encore jamais entendu. Toute la nature y trouve une voix pour narrer quelque chose de profondément mystérieux, quelque chose que l’on ne pressent, peut-être, qu’en rêve. Certains passages m’effraient presque. Il m’arrive de me demander si réellement cela devait être écrit …. Ne regardez pas le paysage, il est tout entier dans ma symphonie. » Gustav MAHLER
Cette superbe partition fut écrite en 1895 dans la petite cabane que le compositeur s’était fait construire au bord du lac, dans la commune de Steinbach sur Attersee ( Haute Autriche )où il passait ses étés. Il était alors dans une période de grande force créatrice. Son immense amour de la nature est plus que jamais présent dans ce chef d’œuvre.
Comparativement à ses autres Symphonies, c’est probablement la plus développée. Elle est de toute beauté, impressionnante, grandiose, démesurée, très longue, idéologique, céleste, audacieuse, profonde, parfaitement maîtrisée, et selon les mouvements elle peut se montrer contemplative et lyrique. Elle se déroule un peu comme une sorte d’émerveillement, une sérénité infinie, une insouciance auréolée de tendresse, de nostalgie et d’extase
Certains passages furent interprétés seuls entre 1896 et 1898, mais elle sera créée dans son intégralité en 1902 sous la direction de Mahler, durant le festival de Krefeld (Allemagne) , en présence, notamment de Richard Strauss.
Symphonie N°5 :
(Vidéo : Symphonie N°5 – Leonard BERSTEIN à la direction de l’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE VIENNE ) – Vous trouverez l’Adagietto à 45’25 de la vidéo)
Elle fut écrite entre 1901/1902, et créée en 1903 sous la direction de Mahler. Elle est arrivée à une époque un peu différente des autres Symphonies : il se remettait de graves problèmes de santé (hémorragie intestinale début 1901) mais il était heureux, marié avec Alma Schindler et ils attendaient leur premier enfant.
La N°5 est totalement instrumentale, il n’a pas, comme dans les autres, des passages en chant lyrique. C’est une partition très expressive, parfaitement maîtrisée d’un point de vue technique, peut-être un peu crispée au départ, mais plus impétueuse par la suite. Elle laisse ensuite la place à un très long et chaotique Scherzo (plutôt original, exceptionnel et rare dans ce type d’œuvre) , puis arrive sur ce célèbre petit bijou intense, sublime, émouvant et touchant qu’est l’Adagietto et qui parait-il est un cri d’amour pour Alma. Il a été repris par Luchino Visconti dans le film Mort à Venise.