» Les bourgeons verts, les bourgeons blancs percent déjà le bout des branches, et, près des ruisseaux, des étangs aux bords parsemés de pervenches, Teintent les arbustes tremblants ;
Les bourgeons blancs, les bourgeons roses, Sur les buissons, les espaliers, Vont se changer en fleurs écloses ; Et les oiseaux, dans les halliers, Entre eux déjà parlent de roses ;
Les bourgeons verts, les bourgeons gris, reluisant de gomme et de sève recouvrent l’écorce qui crève le long des rameaux amoindris ; les bourgeons blancs, les bourgeons rouges, sèment l’éveil universel, depuis les cours noires des bouges
Jusqu’au pur sommet sur lequel, Ô neige éclatante, tu bouges ; bourgeons laiteux des marronniers, bourgeons de bronze des vieux chênes, bourgeons mauves des amandiers, bourgeons glauques des jeunes frênes, bourgeons cramoisis des pommiers,
Bourgeons d’ambre pâle du saule, leur frisson se propage et court, à travers tout, vers le froid pôle, et grandissant avec le jour qui lentement sort de sa geôle, jette sur le bois, le pré.
Le mont, le val, les champs , les sables, son immense réseau tout prêt à s’ouvrir en fleurs innombrables sur le monde transfiguré. » Auguste ANGELLIER ( Poète français – Extrait de son recueil Le chemin des Saisons / 1903 )
» Je ne suis pas un photographe , mais le collage pour moi c’est l’œuvre. Là où l’aventure se passe. Quand j’arrive dans une ville, la première chose que je regarde, c’est le murs. Si les murs sont anciens, s’il y a des fissures, s’il y a de la matière dans les murs, comment ils ont vieilli, quelle est la couleur des murs, s’il y a des graffitis dessus, s’il y a des inscriptions, s’il y a de la publicité. Tout ça vous donne une idée de la ville, du contexte politique, social. J’aimerai amener l’art dans des endroits improbables, créer des projets tellement grands qu’ils amènent au questionnement qui offre d’autres points de vue moins réducteurs. » J.R. (Artiviste urbain français)
Autant le dire tout de suite on aime ou on aime pas J.R (Jean René) – Personnage facilement reconnaissable avec ses lunettes noires et son chapeau, le monsieur est un phénomène connu dans le monde entier. Certains apprécient beaucoup son travail,, mais il en agace fortement d’autres, notamment dans le monde de l’art, en raison de son côté « photos volées » « collages sans autorisation », et même s’il obtient des autorisations dans l’un ou l’autre cas, eh bien ce rebelle dépasse un peu le cadre des permissions qui lui sont accordées.
Né en 1983 à Montfermeil dans la banlieue de Paris, on ne sait pas grand chose sur sa vie privée. Je serai tentée de dire 1) c’est son droit de ne pas trop s’épancher sur ces questions-là, 2) il ne confirme jamais ce qui est écrit sur lui et laisse « voguer » la légende. Ce fou de réseaux sociaux a dépassé le million d’abonnés sur Instagram.
Il dit ne pas être photographe, ce qui est étrange parce que la photo est la base même de son travail ; ne se définit pas non plus comme un artiste ; n’apprécie pas qu’on lui colle l’étiquette de french Bansky (référence au célèbre graffeur anglais) d’autant qu’en ce qui le concerne, il se sent plus proche du plasticien et précurseur de l’art urbain français Ernst Pignon Ernest . Il préfère dire qu’il est soit un artiviste urbain, non pas engagé mais engageant ce qu’il traduit par un mélange d’art, de liberté, d’identité et d’action, soit un photograffeur.
Travail réalisé pour les trente ans de la Pyramide du Louvre à Paris – Malheureusement, elle a été détruite par le piétinement des visiteurs
» Unframed » est un travail qui lui a été demandé par la ville de Marseille. Il est assez particulier dans le sens où JR a utilisé des photos personnelles des habitants d’un quartier de la ville, à savoir La Belle de Mai pour la réalisation de ses fresques murales.
Des visages anonymes d’ hommes, des femmes, des enfants de toutes origines, placés, comme une mosaïque, dans la nef du Panthéon. Cela ne s’est pas arrêté là, puisque d’autres portraits ont été affichés sur l’extérieur et la coupole intérieure.
C’est, en tous les cas, un très talentueux autodidacte, créatif, imaginatif, qui, au travers de ses œuvres, veut faire passer, sur les murs des villes dans le monde entier, des messages sur l’identité, le politique, la société . Il veut amener les populations à s’interroger non seulement sur le sens de l’œuvre, mais aller bien au-delà : sur le sens du monde.
Sa particularité ce sont des immense collages photographiques . Pourquoi les vouloir aussi gigantesques ? Tout simplement parce qu’on les voit de loin et retiennent l’attention plus vite.
Tout a commencé en 2001 lorsqu’il trouve un appareil photo dans le métro. A partir de là, il va voyager en Europe, muni du précieux appareil, et part à la rencontre de toutes celles et ceux qui s’expriment sur les murs, mais aussi à la rencontre des personnes qui vivent dans ces villes. Il les photographie et une fois rentré , il en fait des collages qu’il expose sur les murs
En 2004, et jusqu’en 2006 , il se fait remarquer avec son projet Portrait d’une génération en photographiant des jeunes issues de la banlieue, plus précisément de la Cité des Bosquets à Montfermeil. Cette fresque va apparaître de façon illégale sur les murs de la ville. Elle va tellement plaire, qu’il va en faire des affiches en collaboration avec le réalisateur Ladj Ly, lesquelles seront placardées sur de nombreux murs à Paris. Une façon de s’intéresser ou faire entrer la banlieue dans la capitale. Ce qui était illégal au départ, deviendra légal lorsque la mairie de Paris trouve l’idée intéressante et l’affiche sur ses propres murs.
L’histoire continue avec des affichages sur les murs du monde entier et la réalisation de nombreux projets , première expo à Londres en 2008. C’est là véritablement que sa carrière est lancée. En 2011, il reçoit le TED Prize, un honneur car le seul français à l’avoir reçu. Il a également réalisé des longs-métrages et documentaires sur son travail. L’un d’entre eux à savoir Visages Villages, en collaboration avec la photographe, plasticienne et réalisatrice française Agnès Varda, a été nominé aux Oscars en 2017.
La vente de ses œuvres se fait à la Galerie Perrotin de Paris. Elles se vendent très cher. Ce qui lui permet, comme il l’affirme, de financer ses projets et de le faire avec une plus grande liberté. Il est d’ailleurs représenté par cette galerie, en France, à Hong-Kong et à New York , en Chine par la galériste Magda Danysz et en Suise par Simon Studer Art.
Il a fait l’objet d’une très belle exposition en 2018/19 à la Maison européenne de la photographie de Paris. Une autre s’est tenue à la Galerie Perrotin en octobre 2020. Il s’agissait de l’exposition Tehachapi , nom de la prison qui se trouve en Californie, un lieu où sont incarcérés des prisonniers condamnés à perpétuité. Une façon pour lui de les humaniser. J.R. a tenu à réaliser une fresque carcérale dans la cour du pénitencier et pour cela il a collaboré avec la direction, les détenus et les gardiens.
Tehachapi en 2019
Depuis 2019, il a créé une section Art et Image à l’École Kourtrajmé fondée par le réalisateur Ladj Ly en 2018. C’est une école gratuite qui se trouve à Montfermeil et qui permet à des jeunes (ou des moins jeunes) de venir réaliser leurs rêves cinématographiques que ce soit dans la réalisation, la production ou le métier d’acteur.
Sa dernière œuvre est une fresque en trompe-l’œil intitulée La Ferita (blessure) . Elle a été installée sur la façade du Palais Strozzi de Florence en Italie. Il s’agit de 80 panneaux en aluminium sur lesquels le collage-photos en noir et blanc donne l’impression d’un énorme trou dans le mur. Celui-ci permet à chacun de regarder à l’intérieur du musée et apercevoir certaines pièces sublimes qui se trouvent dans ce lieu. Il explique son travail de la façon suivante : « ils disent que les musées sont fermés, mais c’est à nous de les ouvrir. Ici, dans la ville de Botticelli, Donatello, Machiavel et Dante, nous avons ouvert le Palais Strozzi. Ces derniers mois nous avons été privés de la possibilité d’être ensemble, mais nous avons toujours la liberté de rêver, de créer, d’imaginer le futur. Peut-être que ce n’est pas grand-chose, mais c’est tout ce que nous avons ». Une façon de rendre « accessible » l’entrée des musées dans une période où cela nous est rendu impossible pour cause de Covid.