
» Le pastel se place entre le dessin et la peinture. Il est né au XVe siècle. Il s’agit d’une pâte avec des pigments de couleurs ( peu nombreuses à l’origine mais dont le nombre va s’accroître au fil du temps) que l’on mélange avec un peu d’eau, de la poudre de craie et un liant (gomme arabique le plus souvent). Lorsque la pâte est bien essorée, on la coupe en petits bâtonnets qu’on laisse sécher pour qu’ils durcissent. Certains peuvent être plus durs que d’autres, ou plus tendres, un peu souples ou moelleux, ou secs. Leur forme varie selon les cas.
Il existe aussi les pastels à l’huile ou à la cire. En ce qui concerne les pastels à l’huile, on peut dire qu’ils sont les héritiers de ce qui fut autrefois la peinture à la cire. Ils sont nés au XXe siècle. Leur composition est la même que les pastels gras ou à la cire, mais l’huile (qui remplace la gomme arabique des pastels secs) les rend plus onctueux et plus brillants. On les utilise le plus souvent en intérieur.
C’est la Maison Sennelier qui donnera une version professionnelle du pastel à l’huile en 1949 et cela sera fait pour Pablo Picasso qui avait demandé à son ami graveur Henri Goetz de lui trouver un pastel assez gras qui peuvent avoir à lui tout seul les différents atouts d’un pastel sec, et qui soit aussi assez onctueux et riche comme la peinture à l’huile. Depuis lors, d’autres Maisons vont fabriquer des pastels à l’huile, chacune ayant ses propres qualités et caractéristiques : Caran d’Ache, Holbein, Jaxon, Sakura, Talens.

A noter qu’une Maison du Pastel (Macle) existait depuis 1720. Elle sera rachetée en 1878 par un grand amoureux de cette technique, à savoir le chimiste et pharmacien Henri Roché qui lui donnera son nom. Son fils le rejoindra plus tard. Tous deux furent très attentifs aux demandes, critiques et conseils des peintres de l’époque comme par exemple Degas, et ce afin d’améliorer la qualité des bâtonnets, enrichir les couleurs, et leur permettre aussi d’être plus résistants à la lumière. On compte de nos jours plus de 1.200 coloris. Après le père et le fils Roché, ce sera les filles de ce dernier qui reprendront les rennes de la Maison. C’est désormais une petite cousine qui s’occupe de l’établissement situé rue Rambouteau dans le 3e arr. de Paris.

Le pastel est une technique qui a été fortement appréciée de par son côté assez direct et tactile : les doigts, en effet, deviennent des pinceaux, et permettent un toucher libre et constant servant à estomper, donner du volume, de la profondeur, intensifier les couleurs (qui sont à l’état pur), obtenir plus d’expressivité, du velours, de la suavité pour la peau notamment. Cette technique a fait son entrée à l’Académie de peinture en 1665 et a réussi, petit à petit, à s’affirmer, s’imposer et se placer à même niveau (voire même rivaliser) avec d’autres arts comme la peinture ou la sculpture.
Elle fut très souvent utilisée pour les portraits ( officiels ou non ) en raison de la légèreté de sa texture, son velouté, le magnifique rendu, la carnation de la peau, la richesse des étoffes pour les vêtements. Nombreux vont être les artistes qui vont s’intéresser et pratiquer le pastel pour certaines de ces qualités, et en plus cela s’avérait moins coûteux que la peinture à l’huile, il n’y avait pas d’odeur, ce n’était pas sale, il y avait une certaine fraîcheur et on évitait le luisant qui parfois pouvait s’avérer gênant dans un tableau. Par ailleurs, les bâtonnets étaient facilement transportables, nécessitaient donc moins de matériel, et séchait plus vite.
En revanche, c’est vrai que la technique du pastel peut paraître fragile en raison de son côté poudreux, de la légèreté de sa consistance, mais elle l’est davantage à cause de son support, papier ou carton, qui, à l’inverse d’une toile, doit être conservé sous verre.
L’engouement du pastel diminuera à la Révolution, puis renaîtra avec le romantisme. Pour éviter qu’il ne soit perçu, à ce moment là, comme étant simplement un art d’agrément spécifique pour jeunes filles de bonne famille, une société de peintre pastellistes sera créée en 1885. Il aura fallu de la persévérance et de la ténacité pour que le pastel soit admis autrement et qu’il obtienne, à nouveau, du succès. Au cours du XIXe siècle, le portrait au pastel et les paysages connaîtrons un nouvel engouement.
Parmi les artistes de cette technique, il en est une qui fut une merveilleuse pastelliste (travaillant sans faire de dessin préalable) c’est la vénitienne Rosalba Carriera. Elle a d’autant plus d’importance que c’est grâce à la beauté de ses œuvres au pastel qu’elle donnera l’envie d’utiliser cette technique à de nombreux peintres français de son époque. Elle est arrivée à Paris en 1720. Nul besoin pour elle de se faire connaître car son travail était déjà célèbre dans toute l’Europe. Beaucoup en France voudront faire l’objet d’un portrait effectué par ses soins. Elle va en réaliser une cinquantaine (en refusera beaucoup aussi) notamment un du jeune Dauphin Louis XV. Elle sera, par ailleurs, reçue à l’Académie de peinture et de sculpture en tant que pastelliste et du coup, eh bien le pastel prendra de la hauteur.

Parmi les français après elle, il eut celui qualifié de prince du pastel à savoir Joseph Vivien, mais également Maurice Quentin de la Tour, nommé peintre officiel du roi Louis XV en 1750. Avec lui le pastel sera auréolé de lumière et lui-même connaîtra un grand succès en l’utilisant. Non seulement il maîtrisa la technique à la perfection, mais il expérimentera aussi des fixatifs ( utilisation délicate qui lui occasionnera quelques tracas) pour une meilleure conservation, notamment celui créé par un certain Antoine Joseph Loriot.

On note aussi François Boucher, Jean-Baptiste Greuze, Elisabeth Vigée-Lebrun (initiée au pastel par son père) mais aussi Jean-Étienne Liotard, et Jean-Siméon Chardin qui lui donneront toutes ses lettres de noblesse


Les impressionnistes (ou ceux proches de ce mouvement) ne furent pas en reste : Claude Monet, Edouard Manet, Eugène Boudin, Edgar Degas, Pierre-Auguste Renoir, Camille Pissarro, Mary Cassatt, James Tissot, Berthe Morisot, Paul Gauguin, ou d utiliseront notamment le pastel pour des portraits, mais aussi pour les retouches dans les paysages, les variations de la lumière du ciel ou de la mer par exemple. Certains l’utiliseront de façon permanente, d’autres plus occasionnelle en parallèle avec la peinture à l’huile. Degas sera l’un de ceux qui l’emploiera le plus.





Les symbolistes et les nabis aussi : Charles Léandre, Alphonse Osbert, Odilon Redon, Émile-René Ménard, Lucien Levy-Dhumer, Ker Xavier Roussel : le pastel va leur permettre d’exprimer leur vision d’un autre monde en apportant une part de mystère, de magnétisme, de flou, d’éclat, de mélancolie, et de spiritualité à leurs œuvres avec, très souvent, des couleurs éclatantes.

Pour permettre au pastel de conserver toute sa qualité, il convient de savoir parfaitement l’utiliser. Tout est dans la maîtrise et la minutie de celui qui s’en sert. De plus, il faut le préserver de la lumière (qui altère les couleurs) mais également de l’humidité et de la chaleur.
