
« Moi, je suis la tulipe, une fleur de Hollande ;
Et telle est ma beauté, que l’avare Flamand
Paye un de mes oignons plus cher qu’un diamant,
Si mes fonds sont bien purs, si je suis droite et grande. … » Théophile GAUTIER
La tulipe fait partie de la famille des Liliacées. C’est une fleur du printemps dont la floraison commence en mars et peut durer jusqu’en mai. Il y a de très nombreuses espèces et variétés de tulipes dans le monde. On peut les trouver en différentes couleurs uniformes ou panachées, avec des pétales bien lisses ou frangées (Tulipe perroquet ou à fleur de lys) . Elle est très appréciée que ce soit dans les jardins ou en bouquets.

On dit que la tulipe serait native de Turquie, ce qui est faux. A l’origine, elle poussait, sauvage, près de la chaine de l’Himalaya. Elle est arrivée à Constantinople au XIIIe siècle, à l’époque du règne du sultan Soliman II le Magnifique, cueillie par des nomades turcs qui voyaient en elle un symbole de vie et de fertilité. Le sultan, et les riches familles de son royaume, vont se passionner pour cette fleur, lui vouant un véritable culte et la cultivant dans leurs somptueux jardins. Considérée dans ce pays comme la fleur de Dieu, la plus belle des fleurs, un modèle parfait de beauté et de perfection, comme le sont les roses . De plus, des peintures la représentant ornaient les murs des palais.

Le nom tulipe vient d’ailleurs du turc tulbent , à savoir turban. Probablement parce que la fleur ressemblait à un turban, mais aussi parce qu’elle était souvent brodée sur les turbans des guerriers ottomans. Par ailleurs, les turbans étaient confectionnés avec, entre autres, de la mousseline, un tissu qui faisait penser à la délicatesse des pétales de la fleur. Aujourd’hui encore, la tulipe reste une fleur historiquement importante pour la Turquie. Elle est présente dans de nombreux jardins d’Istanbul. Un festival lui est même consacré.
Durant très longtemps, elle a été bien gardée, tel un joyau , voire même vénérée dans ce pays, et il était impossible de pouvoir obtenir des bulbes car le commerce de cette fleur était interdit. Mais au XVIe siècle, l’ouverture commerciale du pays va amener beaucoup d’étrangers sur place . Ils purent admirer la précieuse fleur . Une fois rentrés chez eux , ils parlèrent beaucoup de sa beauté, ce qui donna l’envie aux rois et princes des grandes Cours européennes, de la posséder eux-aussi.
C’est ainsi que, petit à petit, les botanistes et horticulteurs les plus connus vont réussir à faire entrer ( à des prix incroyables ) des bulbes de tulipes dans leur pays. Certains de façon légale , d’autres plutôt clandestinement. Le premier à le faire sera le diplomate flamand Ogier Ghislain de Busbecq. Il fut envoyé à Constantinople par le roi Ferdinand d’Autriche, roi de Bohême et Hongrie, afin de ramener un peu de paix entre leurs deux pays. Il rencontre le sultan Soliman II (le Magnifique). Outre ses grands talents en tant que diplomate ayant bien réussi dans la mission qui lui fut confiée, Busbecq est aussi un botaniste et naturaliste. Il s’intéressa donc de très près à la tulipe et pu acquérir des bulbes qui furent plantés dans les jardins impériaux à Vienne.

Quant au botaniste flamand Charles de l’Écluse ( dit Carolus Clusius) né en France ) préfet du jardin impérial des Herbes aromatiques à Vienne en 1573 et médecin de l’empereur Maximilien II , il réalisera les premiers croisements de la fleur et laissera des explications botaniques précises et très intéressantes à son sujet. Lorsqu’il sera appelé vingt ans plus tard aux Pays-Bas en tant que professeur à l’université de Leyde , il n’oubliera pas d’emmener avec lui sa précieuse collection de tulipes.

Si Louis XIV va en faire la fleur officielle de la Cour de France, c’est surtout en Hollande qu’elle va trouver un sol bien sablonneux et un climat qui va lui convenir tout à fait. Introduite par Charles de Lécluse, les hollandais vont se passionner pour elle dès son arrivée, dépensant des fortunes pour réussir à obtenir des bulbes de la fleur. Les spéculations vont bon train, ce qui fera d’elle , pendant très longtemps, une fleur onéreuse . On assista alors à une véritable tulipomania et même quand le marché s’effondrera au XVIIe siècle , l’engouement des hollandais restera toujours intact vis-à-vis de la tulipe. La culture continuera !


Dès le mois de mars, on peut admirer des champs multicolores de tulipes à perte de vue. A moins d’une heure d’Amsterdam, vous pouvez visiter le plus grand parc floral au monde et notamment des parterres sublimes de tulipes : il s’agit du jardin de Keukenhof. De nombreux, et célèbres, festivals rendent également hommage à cette fleur (Noordoostpolder) . La plus grande vente aux enchères de tulipes a lieu à Aalsmeer.


Le seul regret vis-à-vis de cette fleur c’est qu’elle n’a pas (ou alors très peu) d’odeur, c’est ce qui fait d’elle une fleur muette. A noter qu’elle est entrée malgré tout dans la composition 1) du parfum Carat de Cartier, accompagnée par la violette, le lys, la jacinthe, l’ylang-ylang, le narcisse, et le chèvrefeuille. Une union qui a donné une eau de toilette très fraîche et élégante. – 2) dans celui de Tulipe de la Maison Byredo, associée au cyclamen et au freesia,, le résultat est une fragrance végétale, délicate, aérienne et pétillante aussi – 3) on note sa présence également dans Lacoste for Women de Lacoste, et For Women de Burberry.
Dans le langage des fleurs, elle a une symbolique basée sur l’amour. Mais il faut bien faire attention à la couleur que vous offrirez : le jaune représente un amour impossible, le rouge c’est la passion, le rose est la couleur d’un amour que l’on retient par timidité, et les panachées traduisent l’admiration que vous portez à celui ou celle à qui vous les offrez.
La tulipe a été souvent mentionnée en poésie et en littérature. Cela a commencé dans le conte Les Mille et une nuits … La Bruyère en a parlé dans son ouvrage Les Caractères (chapitre « de la mode » ) avec l’amateur de tulipes , le flûtiste Descôteaux » » Le fleuriste a un jardin dans le faubourg ; il y court au lever du soleil, et il en revient à son coucher ; vous le voyez planté et qui a pris racine au milieu de ses tulipes…. » – Alexandre Dumas et Auguste Maquet dans leur roman La Tulipe noire qui conte l’obsession du héros Cornélius Van Baerle à vouloir créer une fleur précieuse et impossible à obtenir. : une tulipe noire.

Sans oublier les poètes : Baudelaire faisant référence à une tulipe noire dans L’invitation au voyage (recueil Le Spleen de Paris) » Qu’ils cherchent, qu’ils cherchent encore, qu’ils reculent sans cesse les limites de leur bonheur, ces alchimistes de l’horticulture ! Qu’ils proposent des prix de soixante et de cent mille florins pour qui résoudra leurs ambitieux problèmes ! Moi, j’ai trouvé ma tulipe noire et mon dahlia bleu !Fleur incomparable, tulipe retrouvée, allégorique dahlia, c’est là, n’est-ce pas, dans ce beau pays si calme et si rêveur, qu’il faudrait aller vivre et fleurir ? Ne serais-tu pas encadrée dans ton analogie, et ne pourrais-tu pas te mirer, pour parler comme les mystiques, dans ta propre correspondance ? – François Coppée dans son recueil Poèmes divers en 1869 » Ô rare fleur, Ô fleur de luxe et de décor, sur ta tige toujours dressée et triomphante, le Velasquez eût mis à la main d’une infante ton calice lamé d’argent, de pourpre et d’or …. » Théophile Gautier dans son recueil Poésies nouvelles et inédites en 1839 dont les vers ont été cités en début de cet article – ou bien encore Pierre Corneille dans son recueil Poésies diverses : Bel astre à qui je dois mon être et ma beauté, ajoute l’immortalité à l’éclat non pareil dont je suis embellie ;Empêche que le temps n’efface mes couleurs. Pour trône donne-moi le beau front de Julie . Et, si cet heureux sort à ma gloire s’allie, je serai la reine des fleurs. »
L’engouement de la tulipe a fait d’elle un sujet très prisé par les peintres quelle que soit l’époque. Elle s’est imposée très longtemps et a traversé les siècles en tant que nature-morte à succès, mais également sur les faïences de Delft et sur les mosaïques ottomanes.




