» La Seine je l’ai peinte toute ma vie, à toute heure, en toute saison, depuis Paris jusqu’à la mer. Argenteuuil, Poissy, Rueil, Vétheuil, Giverny, Rouen, le Havre .. Manet en riait et répétait dites donc à Monet d’en laisser pour les autres ! Je ne m’en suis jamais lassé. Elle est pour moi toujours nouvelle. J’y ai passé des étés torrides, les yeux brûlés par les reflets. Des hivers aussi où il ne faisait pas bon. Tenez, en janvier 1880, je peignais sur la glace. La Seine était prise en bloc. Je m’installais sur le fleuve piochant pour fixer mon chevalet et mon pliant.
De temps en temps on m’apportait une bouillotte. Oh pas pour les pieds ! Je n’avais pas froid. Mais pour mes doigts qui s’engourdissaient et menaçaient de lâcher la brosse. Le paysage était admirable. Plus tard, je me fis construire un atelier dans une barque. C’était une cabane assez vaste. On pouvait y coucher. Je vivais là, avec mon matériel, guettant les effets de la lumière d’un crépuscule à l’autre. Une fois nous sommes tous partis en famille jusqu’à Rouen à bord de mon arche. Les enfants ramaient à tour de rôle et le courant nous faisait dériver. Pour remonter, nous prîmes la remorque derrière un train de péniches. Quelle partie de plaisir ! » Claude MONET ( Peintre français – Propos tenus lors d’un entretien avec son ami, l’écrivain et critique d’art Marc ELDER)






