
» Le 31 décembre 1916, pendant qu’un banquet réunit le tout Montparnasse au rez-de-chaussée de la Rotonde en l’honneur d’Apollinaire, Amedeo croque le portrait d’une jeune fille qu’il a déjà croisée ces derniers temps à l’Académie Colarossi où il va dessiner le nu : Jeanne, passionnée d’art, s’y est inscrite suivant les pas de son frère André.

Elle a dix-huit ans, il a en a trente-deux au compteur. Ses amies de l’Académie Colarossi l’ont surnommée » noix de coco » en référence au teint laiteux de sa peau. Elle a de grands yeux en amande, des lèvres pleines presque violettes ; ses cheveux châtains tressés en deux longues nattes encadrent son visage. Elle apparaît dans ce milieu bohème exubérant comme une vierge sage, toujours silencieuse, timide, sérieuse, n’ayant apparemment pas le moindre sens de l’humour. Ça tombe bien Amedeo est lassé de la dérision permanente, de ces faux rires complices ou graveleux. Il lui caresse les cheveux et la contemple : son âme tourmente est envahie d’une paix soudaine, lumineuse.
1917 les parents de Jeanne, des petits bourgeois catholiques, ne supporte plus que leur fille s’affiche avec un soûlographe patenté : « tu quittes cet homme ou tu quittes la maison » lui demande son père. C’est tout vu, Jeanne ramasse ses affaires et rejoint Dedo dans un hôtel misérable. Les amants ne se quittent plus, de l’atelier au zinc.
Modigliani peindra le portrait de son amante d’innombrables fois. Il enveloppe sa chère et tendre dans ses volutes danses amoureuses, son pinceau caresse avec tendresse sa compagne sous un jour à chaque fois différent et ce jusqu’à la fin. Il peint Jeanne comme on effeuille la vie, cherchant à capter l’insaisissable mystère de l’amour. Il est là dans ses yeux langoureux, dans ses cheveux libres en tresses auréolées d’un chapeau, il est là dans son ventre qui gonfle, dans son air las et mélancolique, il est là partout où son pinceau va. Les nuits deviennent romantiques, ils s’enlacent sur les bancs publics et déambulent main dans la main. L’amour apaise Modigliani qui cesse parallèlement de séduire les modèles qui viennent poser pour des nus.




En Mars 1918, Jeanne lui annonce qu’elle est enceinte. Bonheur et malheur. Il se plie à la fatalité lui qui ne voulait pas d’enfant. La santé d’Amedeo se détériore. Le couple embarque pour Nice afin de retaper Modi et faire ensuite que Jeanne ait des conditions de grossesse saines.
Très vite Amedeo ne la supporte plus et s’isole. Il s’installe dans un petit hôtel de passe. Le 29 Novembre, Jeanne accouche d’une petite Giovanna. Amedeo et fier et heureux. Il essaie de prendre ses responsabilités, boit moins et travaille. Mais les premières effusions passées, Jeanne se révèle une piètre maman. En mai 1919, il rentre à Paris, laissant Jeanne à Cagnes avec une nourrice pour s’occuper de leur fille.

Le 24 Juin, Jeanne envoie de Nice un télégramme : elle rentre à paris. Elle annonce qu’elle est de nouveau enceinte. Modigliani s’engage , par écrit, à l’épouser dès que possible ( il n’a pas de papiers ). Jeanne n’arrive pas à s’occuper de Giovanna qui est mise en pension chez une nourrice . Fatiguée par sa grossesse, elle reste la plupart du temps cloîtrée rue de la Grande Chaumière. Jeanne est jalouse des modèles et veille à ne pas laisser le peintre seul avec elles. Elle n’accompagne plus Modi le soir.
Il a repris sa vie dissolue. Il n’est plus lui-même. La méningite tuberculeuse gagne du terrain et transforme son caractère colérique. De cuite en cuite sa santé s’aggrave. Il perd ses dents, attrape froid. Il se dispute de plus en plus avec Jeanne, la maltraite. Il sent qu’il est condamné à court terme et en veut à tout le monde, et en particulier à Jeanne. Jeanne pleure, prend des coups, subit et reste. Elle l’aime au-delà de tout. Elle se sacrifiera pour le rejoindre au-delà de la mort. » Patrick DE BAYSER (Écrivain sur l’art, expert en dessins anciens)

P.S. Modigliani est mort très jeune à 36 ans en 1920 – Jeanne l’a suivi de près : enceinte de leur deuxième enfant, elle s’est suicidée en se jetant de la fenêtre de l’appartement de ses parent, au 5e étage. Elle fut d’abord enterrée au cimetière de Bayeux, puis rejoindra le peintre au cimetière du Père-Lachaise à Paris dix ans plus tard.
Bonjour. J’ai écrit un recueil de poésie biographique qui s’intitule »Modigliani, regard sur l’abîme ».
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Merci Denis – Si certains de vos poèmes s’y référant sont sur votre blog, pourriez-vous me mettre le lien afin que je puisse en prendre connaissance. Ce serait un plaisir. A moins que ce ne soit un recueil publié que je puisse trouver dans le commerce. Merci par avance et belle journée ♥
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Le voici : https://www.edilivre.com/modigliani-regard-sur-l-abime-27bf6a8610.html/
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Merci beaucoup Denis, je vais en faire bon usage 🙂 Passez une très belle semaine ♥
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Si vous allez Lisa sur YouTube, cherchez Denis Morin lit et vous pourrez m’entendre lire ma poésie sur Modigliani, Félix Leclerc, Rodin.
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Je le ferai avec grand plaisir Denis. Merci de m’avoir donné cette petite info supplémentaire. Belle journée à vous ♥
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C’est gentil, j’apprécie. Bonne journée à vous.
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Amours difficiles par un homme extrêmement tourmenté et pourtant le peintre me fascine toujours autant !
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Une santé fragile, une situation financière très précaire qui le fera vivre souvent comme un miséreux, une vie douloureuse, l’alcool, la drogue aussi .. Il ne pouvait qu’être infiniment tourmenté. Et pourtant à côté de cela il a travaillé sa peinture comme un acharné ! Je suis comme vous, fascinée par lui et par ces artistes, quel que soit leur art, qui finalement on trouvé dans leur misère ou leurs tourments la force de réaliser des œuvres magnifiques. Merci beaucoup Tatoune pour votre message. Passez un doux après-midi ♥
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Dans un atelier humide, il attrapa à l’aube de la vingtaine la tuberculose. Il se savait condamné, puis il s’est dit tant qu’à vivre, vivons intensément.
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Il n’a probablement pas eu tort…. Merci Denis pour ce commentaire. Passez une très belle journée ♥
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Je lui accorde raison, mais faut quand même reconnaître que ce devait être très pénible pour les femmes de sa vie (sa mère, sa tante maternelle, ses amantes et mères de ses enfants, surtout pour la pauvre Jeanne H.).
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C’est vrai, je vous l’accorde, la vie n’a pas dû être facile auprès de ces artistes, mais d’un autre côté le mal-être a aussi été à la base même de leur créativité. Plus ils ont été dans la dépression et mal dans leur peau, et plus ils ont créé. Ils furent nombreux dans ce cas, quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent : peintres, sculpteurs, écrivains, compositeurs etc… Le fait d’être » maudits » comme on dit, est aussi ce qui les a rendus mythiques. Merci Denis pour votre commentaire. Passez une douce journée ♥
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Il est vrai que de rares artistes sont faits pour le bonheur et la félicité, ce qui n’est pas mon cas (sans être un artiste maudit). Faut voir quels sont nos moteurs de création… Bonne journée.
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Il m’est agréable de savoir que vous êtes un écrivain et un poète heureux 🙂 et c’est vrai que tous n’ont pas eu les mêmes moteurs de création. Cela change la donne effectivement, tout comme l’époque aussi. Merci Denis de votre message et passez un beau jeudi ♥
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Toujours aimé la peinture de Modigliani…
Connais-tu cette chanson de Véronique Pestel?
Bonne journée, Lisa.
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Je viens d’écouter … C’est très beau. Merci Francine pour cette chanson que je ne connaissais pas. Une excellente journée à toi aussi Francine ♥
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…sensible aussi à ce que ce sont deux vies, jeunes et fragiles, qui ont élevé l’artiste.
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C’est assez bouleversant la vie de ces deux-là …. Merci infiniment Pat ♥
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Des vies sacrifiées que leur génie magnifie.
Merci pour ce bel article
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Oui c’est tout à fait cela … Merci France ♥
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Merci Lisa..
J’ai beaucoup aimé le livre de Olivia Elkaim: je suis Jeanne Hébuterne.
Je suis aussi fascinée par la beauté de cet homme, son talent immense mais aussi son mal de vivre.
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Si jamais vous souhaitez lire un livre sur Modigliani, je me permets de vous conseiller : » Amedeo Modigliani, Prince de Montparnasse » par Herber Lottman. C’est une très belle biographie. Merci beaucoup pour l’info du livre sur Jeanne Hébuterne, je ne le connaissais pas et je ne manquerais pas de me le procurer. Une douce journée à vous Evelyne ♥
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J’aime ces biographies de peintres à qui la vie n’a pas toujours sourit.
Merci de raconter.
Amitiés
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Quand on connait leur parcours et leurs ressentis, on comprend bien souvent mieux leur travail. Merci pour votre intérêt, je suis vraiment ravie si cela vous plait. Recevez mes amicales pensées et passez un doux week-end Nicole ♥
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