» C’est l’imagination qui enflamme les passions en peignant de façon fascinante ou terrible un sujet qui nous impressionne. » James TISSOT (Peintre et graveur français)
» Nos créations industrielles et artistiques peuvent périr, nos mœurs et nos modes peuvent tomber dans l’obscurité, mais un tableau de Mr Tissot suffira aux archéologues du futur pour reconstituer une époque » article publié en 1869 dans la revue l’Artiste
» James Tissot était un homme charmant, très beau. Il était toujours bien soigné et n’avait rien d’insouciance artistique que ce soit dans son costume ou son comportement. A une certaine époque il était hospitalier et délicieux lors des dîners qu’il donnait. Mais ceux-ci ont cessé lorsqu’il s’est pris de passion pour une femme divorcée qui est décédée quelques années après qu’il l’ait connue. » Louise JOPLING dans son livre Vingt ans de ma vie 1867/1887

Le musée d’Orsay a enfin ouvert ses portes le 23.6. – Le confinement a changé les dates des expositions dont celle-ci, une rétrospective, qui se poursuivra, contrairement à ce qui est indiqué sur l’affiche , jusqu’au 13.9.2020. Elle s’intitule : » James TISSOT – L’ambigu moderne » – La dernière fois qu’une expo lui a entièrement été consacrée en France, c’était au Petit Palais en 1985.

Tissot est un peintre français assez passionnant, éclectique, déroutant dirons certains, méconnu finalement, tant il fut une personnalité difficile à cerner, énigmatique, trouble ou comme le dit l’intitulé : ambigu.. Certes, nous connaissons ses tableaux, mais moins le peintre qu’il a été , ni réellement classique, ou totalement moderne (bien que dans ce dernier cas, il a été fortement novateur dans son travail religieux de fin de vie)
On a souvent dit que c’est par passion pour l’Angleterre qu’il modifiera son prénom en 1859 et que Jacques-Joseph deviendra James. Mais il est bon de savoir qu’à l’âge de 11 ans ses parents (allez donc savoir pourquoi ! ) l’avaient inscrit avec le prénom James lors de son entrée dans un collège jésuite des Flandres. James Tissot sera, effectivement, sa signature à partir de 1859 mais il gardera, toutefois, un pied dans chaque culture.
Il a eu différentes facettes, a souvent changé de style : sa formation a des bases académiques classiques (il a commencé avec la peinture d’histoire) ; contemporain des impressionnistes ( très ami avec Degas ) mais pas toujours d’accord avec leurs choix picturaux ; liens étroits avec les peintres avant-gardistes (dans la forme et dans les thèmes) de l’époque tels que Manet, Fantin-Latour et Whistler ; initiateur de l’art japonais ; en recherche d’un renouvellement auprès des préraphaélites, jusqu’au jour où il a même abandonné la peinture sur toile pour se consacrer, vers la fin de sa vie, de façon mystique, à l’illustration, notamment de la bible, un travail qui lui a rapporté beaucoup d’argent.
Il a utilisé différentes techniques : la peinture, l’estampe, l’émail et la photo . Ses toiles sont d’ailleurs dotées d’une réelle précision photographique. Une précision sur laquelle que les critiques d’art vont beaucoup s’épancher à l’époque et ce de façon assez dure , alors que de nos jours, c’est justement elle qui fascine par ses nombreux détails.
« la plupart de ses toiles ne sont, hélas, que de simples photographies, coloriées d’une société vulgaire » John RUSKIN (Critique d’art)
Ce patriote dans l’âme, très catholique, a souvent été vu comme un mondain , un homme ambitieux, avec un goût prononcé pour l’argent et ce dernier point là n’a pas toujours été apprécié non plus. Question d’époque et de mentalités. D’un autre côté, l’argent et l’aisance ont été très présents dès son enfance, en conséquence de quoi, il a continué à mener grand train par la suite, notamment en Angleterre où il a séjourné de 1872 à 1881.
Tissot a été un peintre majeur que l’on a souvent qualifié de narrateur ou chroniqueur de la société de son temps. Ce qui est vrai, mais il ne faut pas penser qu’il ne fut que cela, parce qu’il y a aussi de la sensibilité et de l’émotion dans ses tableaux. Du succès de son vivant certes , mais pas toujours très apprécié, probablement parce qu’il fut un peintre mal compris . Il a eu des hauts et des bas. Ses toiles ont été très controversées à son époque, ce qui l’a porté vers une disgrâce qui a duré de très longues années, avant que son talent ne soit reconnu au XXe siècle.
Ses tableaux sont ceux d’un observateur moderne et affûté de la société. Un naturaliste qui a peint de façon très soignée et sérieuse des personnalités importantes, mais qui n’a pas hésité également à en caricaturer quelques autres avec un regard plus sarcastique, notamment pour la revue Vanity Fair. Il a beaucoup fréquenté les salons et les cercles mondains qui, non seulement lui ont fourni des sujets pour ses tableaux, mais lui ont apporté bon nombre de commandes.

Bien souvent, ses tableaux sont des portraits ou des scènes de genre qui nous transportent dans la haute société aisée et élégante, mais se penchent aussi vers d’autres classes sociales. Les détails apportés à ses toiles sont très précieux parce qu’ils nous renseignent, notamment, sur les costumes romanesques et les mœurs du XIXe siècle. Ce qui déplaisait autrefois, plaît énormément de nos jours. Désormais, son travail est perçu comme un beau voyage dans le temps, parce que les historiens de l’art portent un intérêt certains à tous ces petits détails sur le savoir-faire d’un autre temps.
C’est un individualiste qui a beaucoup voyagé : parti de France pour l’Angleterre (où durant dix ans il a été l’un des seuls peintres français à avoir eu du succès dans ce pays ) , l’Italie (notamment Venise en compagnie de Degas) , puis les Etats-Unis avec entre-temps une visite en Palestine. Ce dernier pays lui a permis de faire un travail quasi documentaire pour ses illustrations de la Bible
Les femmes sont au centre de sa peinture, elles furent, en quelque sorte, ses héroïnes. Il a aimé le beau sexe et le représenter de façon très réaliste, dans les salons, à la bibliothèque, à l’église, ou spectacle, en promenade, admirant des tableaux, au milieu d’autres personnes lors d’un pique-nique, en bord de mer, ou d’autres ailleurs.
Elles furent souvent très élégantes, aves des robes magnifiques, référence à ce goût qu’il a eu pour les étoffes somptueuses, les costumes. Durant près de vingt ans, il ne cessera pas de représenter la mode, mettant bien en valeur les tissus de son enfance : soies, mousselines, cotonnades, rubans, volants, colifichets, plumes, chapeaux etc…





En parlant de femmes, il a vécu une véritable histoire d’amour passionnel avec Kathleen Kelly-Newton, une irlandaise, fille d’un officier, divorcée d’un chirurgien pour avoir eu une fille issue d’une aventure adultérine en Inde, puis un autre enfant cinq ans plus tard, peu de temps après sa rencontre avec Tissot, ce qui a fait dire qu’il pouvait en être le père.
Elle s’installera avec ses deux enfants, chez lui, dans sa demeure de Saint John’s Wood. Leur relation va durer de 1876 à 1882. Elle sera sa muse. Son visage deviendra celui de beaucoup de femmes de ses tableaux. Compte tenu du fait que la situation de la jeune femme, son statut de divorcée avec deux enfants, vivant en concubinage avec un peintre, ne permettait pas qu’ils soient vus ensemble dans la haute société, bon nombre des tableaux où elle apparaît, seule ou avec ses enfants, ont eu pour décor leur intérieur privé. Atteinte d’une tuberculose, alitée durant de longs mois, elle va mettre fin à ses jours, à l’âge de 28 ans, en avalant un flacon de laudanum. Il en sera profondément attristé, dévasté, et quittera définitivement l’Angleterre.


James Tissot est né à Nantes en 1836. Son papa est drapier et sa maman modiste. De ce fait, on peut dire qu’il est tombé très jeune dans la marmite des tissus et des couleurs.

Toutefois c’est la peinture qui le fait vibrer et il exprimera très vite son désir d’en faire son métier. Il aime particulièrement la peinture des primitifs flamands, notamment celle de Dürer. Cette passion pour l’art n’est absolument pas du goût de son père qui désapprouve totalement. Sa mère croit en son fils et va l’aider à partir s’installer à Paris entre 1855 et 1856. Il se lie d’amitié avec Edgar Degas. Sa formation se fera à l’École des Beaux Arts auprès d’un peintre d’influence ingresque : Louis Lamothe.
Au départ, il peint de nombreux thèmes historiques, expose dans différents salons, anglicanise son nom, se lie d’amitié avec un marchand d’art, côtoie la société mondaine et fait de cette clientèle aisée, ses clients. Il aime croquer la mode, les femmes et les aristocrates de la gentry française. Il gagne beaucoup d’argent, possède un appartement du côté du bois de Boulogne et reçoit beaucoup de commandes, des portraits notamment.


Durant la guerre franco-prussienne de 1870/71 il n’hésitera pas à endosser l’uniforme de la Garde Nationale et participera aux combats de façon très active. En 1871 c’est le départ pour l’Angleterre où sa réputation l’a précédé. Il exposera à la Royal Academy, recevra des commandes pour des illustrations de livres, peint toute une série de peinture de genre, et s’installe dans une belle demeure à Saint John’s Wood.



Quelques années plus tard, il rencontre la femme de sa vie : Kathleen. Divorcée, deux enfants. La première est née de ses amours adultérines. Comme le second, un petit garçon naît en 1876, année de ses amours avec Tissot, le qu’en-dira-t-on affirme que le père est James. Rien ne pourra le confirmer et lui-même reste très discret à ce sujet.

Après la mort de Kathleen, il quitte l’Angleterre pour se ré-installer en France, à Paris. Il sera particulièrement déçu de l’accueil fait à sa peinture.
Les sujets religieux vont accompagner les quinze dernières années de sa vie. Il va se rendre à trois reprises en Palestine et en reviendra avec plus de 350 aquarelles sur la vie du Christ. Infiniment touché par le décès de sa compagne, pour ne pas dire dévasté, son souvenir va continuer de le hanter après sa mort. Il est persuadé qu’il continue d’être en communication avec elle.
La lecture de la Bible et de textes religieux va apaiser ses tourments, et il souhaitera partir en Terre Sainte (Jérusalem) en 1886, tel un pèlerinage, afin d’être au plus près des lieux de la vie du Christ. Un an plus tard, c’est le retour à Paris. Son exaltation religieuse et mystique ne l’a pas quittée, il se rend fréquemment à l’église, notamment celle de Saint-Sulpice où il pense avoir eu un appel, des visions. Nouveau voyage en Palestine en 1888, encore plus convaincu, souhaitant même s’y installer définitivement, puis retour à Paris en 1894. Persuadé d’avoir une mission picturale sacrée, nouveau départ en 1896.

Cette aventure picturale à la fin de sa vie est quelque chose de très profond, basée sur une connaissance et une lecture assidue de la Bible et des Saintes Écritures. Visions fantastiques, cosmiques, travail magnifique qui va être fortement récompensé par un accueil assez triomphal que ce soit en France, en Italie, en Angleterre ou aux Etats-Unis.
Il meurt en France, à Chenecey-Buillon en 1902 ….La série crépusculaire sur La Vie du Christ va petit à petit tomber dans l’oubli et ne sera réhabilitée que très tardivement. Si elle ne l’avait pas été, on n’aurait même jamais eu connaissance de cela, car peu de livres sur l’art n’en font état.

un article très bien fait et vraiment intéressant, merci
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J’ai beaucoup aimé cette expo et je suis ravie d’avoir partagé la connaissance de ce peintre avec mes abonnés. Merci pour votre intérêt Matilde et belle journée à vous ♥
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Super article. Merci Lisa, je te souhaite une belle journée.
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Tant mieux, ça me fait plaisir. L’expo permet une belle approche de ce peintre magnifique. Merci beaucoup Francine et douce journée à toi ♥
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Une biographie très intéressante à lire.
Amitiés
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Je vous en remercie beaucoup. L’expo a été un réel plaisir, les tableaux magnifiques ! Je suis ravie que cela vous ait plu. Très belle journée et amicales pensées ♥
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