
Les odeurs …

» Un semblant de fleur,
Un semblant de brume.
S’en venant à minuit,
S’en allant à l’aurore.
S’en venant tel un rêve de printemps, fugace ;
S’en allant telle une nuée du matin, sans trace. »
BAI JUYI ( Poète et écrivain chinois de la dynastie Tang – Poème traduit en français par Florence HU-STERK dans son ouvrage Anthologie de la poésie chinoise/2015)
» Voilà déjà plusieurs années que Guillaume Apollinaire travaille à sa Chanson du mal-aimé, ne parvient pas à guérir de son amour malheureux pour Annie, une gouvernante anglaise dont il s’est autrefois épris, quand un jour de mai 1907, il se rend chez le marchand Clovis Sagot.
Il a rendez-vous avec Pablo Picasso. Mais la rencontre bouleversante qu’il y fait est celle d’une jeune peintre Marie Laurencin « elle a le visage sombre et enfantin de celles qui sont destinées à faire souffrir … Elle a la laideur et la beauté « (Le Poète assassiné).
Devenus amants, ils s’encouragent mutuellement dans leur art. Apollinaire s’installe à Montmartre, fait connaitre à Marie Laurencin ses camarades fauvistes et cubistes, puis déménage à Auteuil pour se rapprocher d’elle. Elle lui écrit en 1908 : « Personne au monde ne souhaite votre gloire autant que moi » . Tandis qu’elle travaille à sa peinture Apollinaire et ses amis, ils posent tous deux pour le Douanier-Rousseau : ce sera La Muse inspirant le poète.
Apollinaire connaît le succès en 1910 avec un recueil de contes étranges intitulé l’Hérésiaque et Cie, puis avec Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée en 1911. Mais c’est alors que, soupçonné de complicité de vol d’œuvres d’art au Louvre, le poète est emprisonné à la Santé durant une semaine. Il en garde une obscure inquiétude et, de retour à Auteuil, il comprend que son orageuse relation avec Marie va s’achever.
La rupture intervient en juin 1912. Tandis que le Pont Mirabeau rappellera leur amour finissant, la parution des Peintres cubistes en 1913 offre un des plus éloquents témoignages de la profonde admiration qu’Apollinaire aura vouée à la peinture de Marie Laurencin, permettant ainsi à la jeune peintre de gagner une première reconnaissance. » Anne LEMONNIER (Diplômé en études de Lettres modernes et Histoire de l’art, éditeur, attaché de conservation au Cabinet d’art graphique du musée national d’art moderne à Paris, écrivain)
P.S. : Marie a épousé le baron Otto Van Wätjen en 1914 et a vécu un temps avec lui en Espagne. Elle est décédée en 1956. Selon son souhait, elle sera enterrée vêtu de blanc, avec un bouquet de roses et les lettres d’Apollinaire posées sur son cœur. Dans l’article ci-dessus, on fait référence au poème Le Pont Mirabeau ( recueil Alcools/1913 ) écrit par Apollinaire après leur rupture. Il s’agit, effet, d’une métaphore du temps et de l’amour, au travers de ce pont qu’ils traversaient souvent tous deux lors de leurs promenades.
» Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure... »