» Si la distraction peut sembler la plus futile des occupations humaines, ce n’est là qu’apparence, et trompeuse, qu’on se souvienne du concept du ver de terre, je tiens mon fil, je ne le lâche pas. Car sans distraction, point n’est possible de faire avaler les aphorismes les plus ardus à l’être humain. L’esprit renâcle, il se cabre devant la difficulté, la paresse survient, engloutissant l’effort, et le livre se voit délaissé. Voyez Nietzsche. Résultat, par l’effet de ce mollissement naturel de l’homme, les œuvres majeurs ne sont pas lues. Et c’est dommage, et tout particulièrement pour ce petit recueil dont l’homme a, sans en avoir pleinement conscience encore, le plus pressant besoin. C’est donc une entreprise singulièrement difficile que de faire entrer quelque chose de sérieux dans la tête de l’homme, pour laquelle le tournevis de l’électricien qui vous a dépanné pour l’histoire de la clef ne vous sera d’aucune utilité. Non, c’est la distraction qu’il convient d’employer avec finesse et modération. Distrayez l’homme et les exposés les plus rudes pénétreront sans peine. » Fred VARGAS ( Ecrivain, archéozoologue et médiéviste française -Extrait de son livre ( plein d’humour ! ) Petit traité de toutes vérités sur l’existence )
» Dans ce fragile nid que le zéphyr balance,
je vois tant de bonheur, d’allégresse et d’amour,
pensive je me dis : tendre et frêle famille,
que le Dieu protecteur des champs et des oiseaux
fasse que dans ces lieux un jour pur toujours brille,
que jamais de ces fleurs n’approche la faucille,
que la serpe jamais n’outrage ces berceaux !
Arbres hospitaliers ! Prêtez-leur vos ombrages ;
sur eux avec amour penchez vos bras amis :
non, par moi vos secrets ne seront point trahis,
et seule, chaque jour, rêvant dans ces bocages,
je viendrai visiter sous vos légers feuillages
l’asile où j’ai compté quatre faibles petits.
Laissez-moi retrouver près de l’antique chêne,
sur l’arbre aux blanches fleurs, la couche aérienne,
le duvet suspendu sous les discrets rameaux
où l’aile de leur mère et la mousse et la laine
à leur débile enfance offrent un doux repos.
Oui, voilà ce réduit de fragile structure,
ce berceau balancé dans des flots de verdure
entre l’or des guérets et l’azur d’un beau ciel,
miracle ingénieux de l’amour maternel
et chef-d’oeuvre de la nature!
Mais quoi! je le revois vide et silencieux !…
Les hôtes qu’enfermait son sein mystérieux
de quelque être méchant sont devenus la proie !…
Hélas! hier encore, quand je quittai ces lieux,
dans cet étroit réduit que de paix, que de joie !
La mère, tout entière à ses soins empressés,
accourait, rapportant le ver et la chenille
qu’appelaient par leurs cris ses enfants délaissés,
et le père, en chantant, surveillait sa famille,
ses petits, doux trésors, l’un sur l’autre pressés,
plus de chants, plus d’amour, hélas ! sous l’aubépine ;
une main sacrilège, effeuillant ses rameaux,
a ravi ses concerts à la branche voisine,
à ce nid ses tendres oiseaux.
Peut-être quelque enfant au cœur impitoyable,
sourd à leurs cris plaintifs, de remords incapable,
s’applaudit maintenant de son lâche larcin,
et nous les trouverons demain, là sur le sable,
livides, morts de froid, de souffrance et de faim,
peut-être quelque bête affamée et cruelle
a surpris avant l’aube, à l’heure du sommeil
la mère et ses enfants endormis sous son aile.
Pauvres innocents, quel réveil !…
Hélas! si, préservé par sa fuite soudaine,
un d’entre eux, maintenant, des autres séparés,
dans les bois d’alentour, faible et volant à peine,
va plaintif, solitaire et bien loin égaré.
timide voyageur, tout l’effraie et l’étonne ;
désolé, palpitant, il va, pauvre petit,
cherchant dans l’horizon les cieux qu’il abandonne,
l’abri du frais vallon où naguère il naquit,
et l’arbre où sous les fleurs se balançait son nid. » Félicie Marie D’AYZAC (Historienne et poétesse française – Extrait de son recueil Soupirs poétiques )
» Je n’ai jamais étudié la photographie dans une école d’art ou une université. A l’origine je suis diplômé d’une école de journalisme. J’ai, d’ailleurs, beaucoup appris au cours de ces années-là en tant qu’assistant d’un photographe-journaliste qui travaillait en studio et en extérieur. Je ne sais pas si cela vaut la peine que l’on aille dans un école d’art ou une université, parce que je trouve que les élèves qui les fréquentent sont éduqués à un certain goût, moins d’idées personnelles, peut être aussi moins de compétences. Ce que je veux montrer avant tout, c’est un monde parfait avec une fissure à l’intérieur. Mon travail consiste à rendre l’image suffisamment attrayante pour que les gens aient envie de rentrer dans l’histoire que je leur raconte, avant de leur porter un coup » Erwin OLAF (Photographe néerlandais)
Erwing Olaf est reconnu comme étant l’un des plus grands photographes néerlandais, un incontournable du monde de la photo , une sorte de metteur en scène tant ses clichés sont comme une histoire qu’il nous raconte. Un polyvalent anticonformiste, tout aussi déroutant que drôle, empreint de sensibilité et qui aime bousculer ce qui lui semble bien lisse, trop parfait.
Son travail est très minutieusement construit, un mélange de photographie d’art et de photographie sociale, dans lequel comme il le dit lui-même, il aime à interpeller autant la forme que le fond et s’interroger sur les malaises et les problématiques de la société . C’est un univers un peu étrange, réalisé en studio ( à Amsterdam ) , entouré de stylistes et décorateurs. Il travaille à l’instinct et à l’intuition
» Je ne fais que suivre mon nez et faire ce que j’ai envie de faire. Je veux rester au plus près de mon intuition. Il y a des périodes où je ne ressens rien et juste au moment où je me sens un peu désespéré, quelque chose se produit, ou bien je lis un article, regarde un film, écoute des personnes discuter dans les transports en commun, et là ça me donne une idée et l’idée devient un récit visuel. »
Il a un style très particulier, étrange, dérangeant, mystérieux ( lui le qualifiera de baroque, probablement parce qu’il a toujours été fasciné par ce mouvement pictural et le clair-obscur qui l’a caractérisé) qui a fait sa renommée. Il a très souvent choqué, déconcerté, brisé les tabous ( notamment par ses prises de position vis à vis des gays – lui-même est un homosexuel affirmé ) , fait scandale au début de sa carrière avec des photos de nus ne cachant nullement l’anatomie masculine et pour lesquelles il expliquait » tant pis pour ceux qui me prendraient pour un dépravé. Quand on voit L’origine du monde de Gustave Courbet, on pense que c’est de la pornographie, mais un corps est un corps ! »
Série Mature / Edwin OLAF
Il a véritablement connu un succès fulgurant, à l’échelle mondiale, avec la série Royal Blood, mélange de blanc et de rouge-sang, de morbide et d’humoristique, dans lequel il a fait entrer la reine Marie-Antoinette, l’impératrice Elisabeth d’Autriche ( Sissi ), la princesse Diana, ou bien encore Jackie Kennedy. Chacune d’elle est maculée. La photo de Marie-Antoinette dans laquelle on peut voir une jeune fille portant la tête coupée de la reine a été vendue 10.000 dollars lors d’une vente aux enchères.
Royal Blood Marie-Antoinette / 2000 – Edwin OLAFRoyal Blood / Edwin OLAF
Après quoi, son travail a été de plus en plus apprécié et exposé dans des prestigieuses institutions muséales et galeries du monde entier , primé de très nombreuses fois. Il est également le portraitiste officiel de la famille royale néerlandaise depuis 2017. Une véritable icône dans son pays, lequel lui déroule très souvent le tapis rouge de ses grands musées. Ses clichés continuent de se vendre à des prix assez élevés ( entre 10.000 et 15.000 euros le tirage)
Il a souvent travaillé dans la mode : Chanel, Saint Laurent, Moschino, Versace, Guicci, Bottega Veneta, mais aussi Levi’s, Diesel, Microsoft, Nokia, Virgin, Nintendo etc.. ont fait appel à lui pour des photos publicitaires.
Publicité Diesel / Erwin OLAF
Et pourtant, il ne s’est pas gêné de largement critiquer cet univers avec sa série incisive, et provocatrice Fashion Victims en 2000. J’ai choisi une photo correcte parmi tant d’autres plutôt osées, voire dérangeantes parfois :
Série Fashion Victims ( Yves Saint Laurent ) – Edwin OLAF / 2000
Il est né en 1959 aux Pays Bas. En 1978, il part étudier le journalisme à Ultrecht. Pas vraiment par passion ou conviction Ses études se portent au départ sur le journalisme. Un de ses professeurs qui ne le sentait pas franchement intéressé par la rédaction des textes, lui suggère de plutôt suivre les cours de photographie qu’il prodiguait. Ce sera une révélation ! Il va aimer l’odeur de la chambre noire, et se passionnera surtout pour le recadrage, le point de vue, le mouvement qui se fige dans le temps. Ses débuts se feront dans la photo de mode et la publicité.
Sa carrière s’est envolée vers la reconnaissance internationale en 1988 lorsqu’il a reçu le premier prix du jeune photographe européen . C’est à cette époque qu’il apprend être atteint d’une grave maladie pulmonaire chronique et héréditaire. La photographie l’aidera à surmonter cette difficulté.
Série Delamar Theater » Cyrano » / Edwin OLAF ( Cette série a été réalisée pour la ré-ouverture de ce célèbre théâtre d’Amsterdam. Pour ce faire, il a revisité des pièces et films célèbres)Série Delamar Theater / » Amadeus » / Edwin OLAFSérie Delamar Theater / » Qui a peur de Virginia Woolf » / Edwin OLAF