William CHRISTIE …

 » J’ai une passion profonde pour la musique. Le goût de la musique m’est venu par le fort intérêt que portaient mes parents à cet art. Ma mère dirigeait un petit chœur dans notre église . C’est ainsi que j’ai pu, très jeune, écouter Bach, Haendel, Purcell,  etc… Cela a fortement marqué mon éducation musicale et mon goût pour la musique. La musique baroque a été, dès cette époque, une évidence pour moi, puis j’ai suivi des cours de piano, j’ai découvert des musiques plus modernes, mais l’engagement pour le baroque des XVIIe et XVIIIe siècles était déjà acquis pour moi. J’ai commencé en pensant défendre davantage la musique française qui, à l’époque, était abandonnée, mal-aimée par le public français. C’était Charpentier, c’était Lully, c’était Rameau. J’avais, par ailleurs, des idées sur la manière d’interpréter Monteverdi ou Haendel, et je me suis dit :  » Pourquoi ne pas donner au public mon point de vue « .

Je n’aime pas le mot authentique pour interpréter de la musique baroque. Je ne l’utilise jamais. Je préfère une performance historiquement informée, c’est une bien meilleure expression pour décrire ce que nous faisons avec mon ensemble Les Arts Florissants.  Nous essayons de nous rapprocher le plus possible d’un compositeur, c’est-à-dire de ses intentions. Cela commence par un examen aussi proche que possible de ce qu’il a écrit. Cela signifie rechercher les meilleurs sources . Il y a une façon d’aborder la musique de Rameau, Haendel, Monteverdi avec des instruments d’époque, et une réflexion sur la pratique d’interprétation qui a totalement changé la façon qu’ont pu avoir ces compositeurs.

Il s’agit de faire sonner la musique sur des instruments qu’ils auraient pu connaître,  pas sur des instruments qu’ils auraient dû aimer. Je pense que si les compositeurs de l’époque étaient confrontés à des interprètes actuels, ils apprécieraient, avant toute chose, de voir que leurs œuvres continuent d’être données et seraient parfois intéressés de voir également  comment les interprètes seraient capables d’adapter leur musique à leurs talents particuliers.  » William CHRISTIE ( Claveciniste, chef d’orchestre franco-américain ( naturalisé français en 1995) , fondateur de l’ensemble Les Arts Florissants)

WILLIAM CHRISTIE
William CHRISTIE

 

Médée … Marc-Antoine CHARPENTIER

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(Vidéo : Prologue/Ouverture – Interprétation Les ARTS FLORISSANTS direction William CHRISTIE )

« Il est déplorable que cet ouvrage, sans contredit le plus savant et le plus recherché de tous ceux qui ont été imprimés, du moins depuis la mort de Lully, ait été victime des cabales des envieux et des ignorants, alors qu’il est celui de tous les opéras sans exception, dans lequel on peut apprendre plus de choses essentielles à la bonne composition. » Sébastien de BROSSART ( Musicologue et compositeur français / Déclaration faite en 1724)

Charpentier fut un compositeur merveilleux,  un incontestable maître de la forme académique, un talentueux et expressif mélodiste, qui , malheureusement, resta de son vivant ,  dans l’ombre de celui qui régnait littéralement sur la musique à l’époque mais également profita du privilège que le roi lui avait accordé pour l’opéra français :  à savoir Jean-Baptiste Lully. Charpentier dut se contenter de n’écrire que des musiques pour des pastorales, des divertissements, des cérémonies royales ou religieuses ou celles accompagnant les pièces de théâtre de Molière, notamment le Malade Imaginaire.

Charpentier fut même  complètement oublié durant des siècles jusqu’au jour il ressuscita, dans les années 50,  grâce à son Te Deum, lequel deviendra célèbre par le Prélude qui a été très souvent repris pour le générique de l’Eurovision. A partir de là, la magnifique palette de ses couleurs orchestrales n’a cessé de suscité un vif intérêt.

Médée sera présenté en 1693 à l’Académie Royale de Musique. Le livret est de Thomas Corneille, auteur dramatique et juriste français, frère de Pierre Corneille. Le sujet met en évidence la tragique et mythique Médée, magicienne, infanticide, régicide, fratricide.

Le roi Louis XIV reçut cet opéra avec plaisir, ce qui lui permettra de connaître un beau petit succès lors de sa création à l’Académie. Toutefois, l’œuvre ne tiendra pas plus de dix représentations car le public ne l’apprécia absolument pas. N’ayons pas peur des mots : ce fut un échec, et ce tout simplement parce que Lully était bien trop présent dans les cœurs et les esprits. On la traitera même de méchant opéra, voire même de musique dure, sèche et guindée à l’excès.

Après avoir tenter d’être à nouveau présentée en 1700, elle tombera dans l’oubli et renaîtra de ses cendres en 1984, à l’Opéra de Lyon, grâce à la mise en scène et réalisation de Michel Corboz (musicien, chef de chœur, chef d’orchestre et enseignant suisse) et Robert Wilson (metteur en scène américain) . En 1993, la brillante version des Arts Florissants sous la direction de leur fondateur et chef baroque William Christie à l’Opéra Comique de Paris. Ce dernier l’avait déjà interprétée en concert et enregistrée en 1989.

«  Nous avons peut-être là, le dernier chef d’œuvre inconnu du répertoire français. Médée représente la fin d’une tradition  » dira William Christie. Il est vrai que c’est vraiment un opéra magnifique, avec une écriture raffinée, une partition d’une grande richesse musicale et vocale. La musique est, en effet, brillante, éclatante. Charpentier a su fort bien tirer le meilleur de la déclamation à la française, et de ce que l’on pouvait entendre de mieux dans le lyrique italien de l’époque.

(Vidéo : Quel prix de mon amour / Acte III –  Lorraine HUNT – Accompagnée par les ARTS FLORISSANTS sous la direction de William CHRISTIE )