L’oubli …

« L’oubli n’était donc lui-même qu’une forme de souvenir. Si l’on n’oubliait rien, on ne pourrait pas non plus se souvenir de quoi que ce soit. Les souvenirs sont des îles qui flottent dans l’océan de l’oubli. Il y a dans cet océan des courants, des remous, des profondeurs insondables. Il en émerge parfois des bancs de sable qui s’agrègent autour des îles, parfois quelque chose disparaît. Le cerveau a ses marées. » Katharina HAGENA  (Professeur d’université, allemande, écrivain – Extrait de son livre Le goût des pépins de pomme)

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Katharina HAGENA

Une jeune fille avec un oiseau mort …

» Elle est de face, sa tête appuyée sur sa main gauche. L’oiseau mort est posé sur le bord supérieur de la cage, la tête pendante, les ailes traînantes, les pattes en l’air. Comme elle est naturellement placée ! Que sa tête est belle ! Qu’elle est élégamment coiffée ! Que son visage a d’expression ! Sa douleur est profonde, elle est à son malheur, elle y est toute entière.
Le joli catafalque que cette cage ! Que cette guirlande de verdure qui serpente a de grâce ! Ô la belle main ! La belle main ! Le beau bras ! Voyez le détail de ses doigts et des fossettes, et cette mollesse, et cette teindre de rougeur dont la pression de la tête a coloré le bout de ses doigts délicats et le charme de tout cela.
On s’approcherait de cette main pour la baiser si on ne respectait cette enfant et sa douleur. Tout enchante en elle, jusqu’à son ajustement : ce mouchoir de cou est jeté d’une manière ! Il est d’une souplesse et d’une légèreté ! Quand on aperçoit ce morceau on dit : délicieux ! Si l’on s’y arrête ou qu’on y revienne on s’écrie : délicieux !.
Bientôt on se surprend conversant avec cette enfant et la consolant. Cela est si vrai que je me souviens de le lui avoir dit à différentes reprises. Mais, petite, votre douleur est bien profonde, bien réfléchie ! Que signifie cet air rêveur et mélancolique ! Quoi, pour un oiseau ? … Vous pleurez , vous êtes affligée et la pensée accompagne votre affliction. Petite ouvrez-moi votre  cœur, parlez-moi vrai. Est-ce la mort de cet oiseau qui vous retire si fortement et si tristement en vous-même ? …. ‘ Denis DIDEROT ( Écrivain , philosophe, critique français – Extrait de  » Greuze  » / Salon 1765 )

GREUZE l'oiseau mort
 » Une jeune fille avec un oiseau mort  » 1765 – Jean Baptiste GREUZE