Irving PENN …

«  Une bonne photographie est celle qui communique un fait, touche le cœur du spectateur, le transforme. En un mot, une photographie doit être efficace. Je me nourris d’art plus que de photographies. Je peux aimer la photographie, mais je ne voudrais mais je ne veux pas en faire par besoin d’en faire…. Je trouve décevantes les photos qui représentent les gens dans leur milieu naturel. Je sais qu’atteindre des résultats convaincants dans ce genre d’images, dépasse mes forces. C’est pourquoi j’ai préféré une tâche plus limitée : m’occuper seulement de la personne, loin des incidents de la vie quotidienne, isolée de mon studio, portant simplement ses vêtements et ornements. C’est du sujet que je distille l’image que je veux. Dans la photographie de portrait, il y a quelque chose de plus profond que nous cherchons à l’intérieur de la personne, tout en étant douloureusement conscients que la limitation de notre milieu est que l’intérieur est enregistrable uniquement dans la mesure où il est évident de l’extérieur.   » Irving PENN (Photographe américain)

PENN Irving 1948 autoportrait photo
Irving PENN 1917/2009 (  Photo-autoportrait en 1943)

Irving Penn fut l’un des peintres le plus célèbre de sa profession, un homme cultivé, perfectionniste brillant, rigoureux, avec un style empreint à la fois de simplicité et dont la modernité plaira beaucoup. Il restera à jamais un Maître de la photographie élégante, raffinée, noble. Il y a de la beauté, de la subtilité, un talent pour capturer, de façon assez particulière, la lumière. On sent le peintre qu’il a essayé d’être à une certaine époque de sa vie. Un art qu’il a abandonné car il ne se sentait pas assez talentueux.

Il fut l’inventeur d’un concept : travailler en studio plutôt que d’aller dans la rue. Peu importe si le studio n’avait parfois  pas de fenêtre, il a inventé une lumière qui pouvait se rapprocher au plus près de cette dite naturelle et pour ce faire il installait des ampoules sur un rail coulissant, au plafond. Ce n’est pas lui qui sortait à la rencontre des autres. Ce sont les autres qui venaient à lui y compris durant ses voyages au Pérou, Népal, Maroc, Inde, Nouvelle Guinée etc… Il recréait, à chaque fois, un studio pour ses photos sur fond gris.

«  Je me rends compte que j’ai toujours eu tendance à préférer travailler en studio. Utiliser un équipement simple. La lumière me procure une grande joie et un sentiment de plénitude. .  » I.P.

Il est né en 1917 à Plainfeld dans le New Jersey aux Etats Unis. Maman infirmière, papa réparateur en horlogerie. Il grandira à Philadelphie. A l’âge de 18 ans il apprendra le dessin, l’aquarelle et la peinture à l’huile puis entrera à l’école du Museum of Industrial Art de la ville où il suivra les cours de l’un des plus illustres, pour ne pas dire le plus grand designer du XXe siècle : Alexey Brodovitch, lequel le remarque et lui propose à 20 ans de devenir son assistant dans le magazine Harper’s Bazaar.

Penn se mettra à son compte dans son propre studio, sur la 5e avenue de New York, en 1938. Bien plus tard on appellera cet endroit l’hôpital, probablement parce que beaucoup ont affirmé qu’il y régnait un ordre infiniment méticuleux. Il y travaillait en blouse et baskets.

Le monde de la mode le fascine. Après s’être essayé un temps comme peintre, il finit par acheter un appareil photo avec l’argent reçu pour quelques dessins publiés dans Harper’s Bazaar. C’est un Rolleiflex.

Brodovitch fut une première rencontre importante dans sa vie. Alexander Liberman, directeur artistique de Vogue, en sera un autre. Non seulement il va lui proposer un poste de photographe, mais l’encouragera vivement pour continuer dans ce métier. Il réalisera une photo/nature-morte avec une écharpe, un sac, un topaze et des citrons qui va faire la une du magazine en 1943 et marquera le début d’une fructueuse collaboration entre eux. Elle va durer plus de cinquante ans.

PENN première couverture Vogue 1943
Couverture / Nature- morte pour le magazine Vogue en 1943 / Irving PENN
Obit-Irving Penn
 » Black and White Vogue Cover  » 1950 New York ( Jean Patchett )  – Irving PENN 

Durant la seconde guerre mondiale, il partira en Inde avec l’armée britannique et exercera le métier de photographe de guerre. A son retour aux Etats Unis, il retrouvera sa place chez Vogue.

Irving Penn a photographié de très nombreuses personnalités, que de soit des peintres, des danseurs, des écrivains, des politiques, des musiciens etc… et quel que soit le client, il s’est toujours présenté face à lui sans jamais craindre de s’imposer. La personnalité de ses modèles a eu une grande importance dans son travail de photographe, aussi bien dans les photos dites de mode que dans les portraits. Il a toujours eu à cœur d’extraire les personnes de leur contexte habituel pour mettre en valeur leur personnalité et ce fut la même chose avec un objet ou un vêtement par exemple : vu sur un mannequin durant un défilé de mode c’était une chose, mais dans son studio, ce vêtement méritait que l’on reporte toute l’attention uniquement sur lui.

Il a toujours affirmé que ce qui se cachait derrière un visage ( une façade ) était quelque chose de merveilleux. On peut dire qu’il a parfaitement réussi à installer une sorte d’intimité entre lui et ses modèles. C’est probablement la raison pour laquelle il n’a quasiment jamais refait deux fois le même portrait d’une personne ( sauf pour de très rares exceptions). Tout simplement parce qui ce qui se passait lors d’une première prise était difficile à recréer ensuite. Pour lui il fallait que ce soit profond et parfaitement abouti.

Kurt Weill, George Balanchine, Salvador Dali, Jean Cocteau, Pablo Picasso, Truman Capote, le boxeur Joé Louis, Audrey Hepburn, Marlène Dietrich, Giorgio di Chirico, Igor Stravingsky, Rudolf Noureev, Martha Graham, Blaise Cendars, Isabella Rossellini, Miles Davis, Woody Allen, la duchesse de Windsor, Alfred Hitchcok, Colette, Louis Jouvet, Louis Amstrong, Jerome Robbins, Yves Saint Laurent, Sophia Loren, John F.Kennedy,  Spencer Tracy … etc etc etc … se sont retrouvés face à son objectif.

PENN Salvador DALI
Salvador DALI par Irving PENN
PENN Marlène Dietrich 2
Marlène DIETRICH par Irving PENN
PENN JFK
John F.KENNEDY par Irving PENN
PENN Isabella Rossellini
Isabella ROSSELLINI par Irving PENN
NOUREEV par PENN
Rudolf NOUREEV par Irving PENN
PENN Truman Capote 1948
Truman CAPOTE par Irving PENN
PENN Audrey Hepburn 1951
Audrey HEPBURN par Irving PENN

Son épouse fut l’un de ses modèles fétiches. Une suédoise : Ilsa Fonssagrives. Un mannequin très célèbre dans les années 40/50, représentant le chic et l’élégance à l’américaine. Elle fut un peu révolutionnaire dans son métier, à son époque, compte tenu que durant toute sa carrière elle n’a pas eu d’agent et se faisait payer à l’heure.  Elle fut sa muse, son inspiratrice, son épouse. Ils se sont mariés en 1950. Il y avait entre eux un feeling très touchant et il en sera ainsi jusqu’à ce qu’elle décède en 1992 à l’âge de 80 ans. Ils ont eu un fils : Tom, né en 1952.

PENN avec sa femme Lisa et son fils Tom
Irving PENN, son épouse Lisa et son fils Tom
PENN Lisa with a chicken hat 1948 49 , son épouse
 » Lisa with a chicken hat  » 1848/49 – Irving PENN
PENN lisa son épouse robe rochas 1950
 » Lisa en robe Rochas  » 1950 – Irving PENN

Durant ses voyages à l’étranger, il a beaucoup aimé photographier des enfants. Ceux de Cuzco au Pérou sont célèbres et de vraies références photographiques. Elles vont lui apporter énormément de succès. Il tirait ses clichés dans un studio itinérant sous une tente, lequel recréé à l’identique son studio de New York.

PENN Cuzco children 1948 Irving PENN
 » Cuzco children  » 1948 – Irving PENN
PENN une famille de Cuczo
 » Une famille de Cuczo  » 1948 – Irving PENN

Entre 1950 et 1951 naissent «  les petits métiers  » une série-hommage à Eugène Atget qui a été un grand photographes spécialiste des métiers de rue) en collaboration avec Edmonde Charles-Roux qui était, à l’époque, la rédactrice en chef du magazine Vogue/France. La série comporte environ 250 clichés en noir et blanc. Les sujets étaient recrutés, au départ, à Paris, par un écrivain et spécialiste des bas-fonds : Robert Giraux et le photographe Robert Doisneau.

C’est ainsi qu’il a faire venir en son studio de la rue Vaugirard à Paris, des balayeurs, poissonniers, marchands de journaux, livreurs de lait, chiffonniers, charcutiers, boulangers, ramoneurs, électriciens etc… un travail qui a énormément compté pour lui car il avait une réelle tendresse pour tous ces petits métiers. Il les a tous traités sur un pied d’égalité, accompagnés de leurs outils. Cette démarche n’avait pas pour but de les  isoler de leur environnement habituel, mais de les  » transformer « , les embellir aussi quelque part. Il fera d’autres clichés, sur le même thème, à Londres.

PENN La vendeuse de ballons
La vendeuse de ballons – Irving PENN
PENN le ramoneur 1950
Le ramoneur / Irving PENN
PENN Le vendeur de marrons 1951
Le vendeur de marrons / Irving PENN

La série Les Fleurs  débutera en 1967 pour le magazine Vogue/USA. Chaque été, à partir de cette date, fut consacrée à une fleur en particulier : 67 les tulipes, 68 les coquelicots, 69 les pivoines, 70 les orchidées, 71 les roses, 72 les lys, 73 les bégonias. Il avouait ne prétendre à aucune connaissance particulière sur l’horticulture, mais a laissé libre cours au simple plaisir de photographier la beauté d’une fleur.

PENN Flowers coquelicots
 » Coquelicots  » / Irving PENN

Les années 70 marquent celles des détritus jonchés sur les trottoirs de New York, ainsi que de sa célèbre série sur les mégots de cigarettes. Une passion qui va durer quinze mois.

 » Une cigarette écrasée en dit long sur le caractère, la sensibilité. Le choix même d’une cigarette dénote le goût de la personne  » .I.P.

PENN Cigarettes
 » Cigarettes  » – Irving PENN

Il a également travaillé avec le milieu des cosmétiques ( Maison Clinique ), la haute Couture ( le couturier Issey Miyaké deviendra un grand ami ) et il a publié de nombreux ouvrages sur son travail photographique. Ce dernier a influencé de nombreux autres photographes, notamment cette façon si particulière d’utiliser la lumière, une atmosphère éthérée. Mais il faut bien avouer que personne n’a véritablement réussi à le faire avec le talent déployé par Irving Penn.

CLINIQUE by Irving PENN
 » Clinique  » par Irving PENN

Mister Penn, comme l’appelaient ses assistants, c’est éteint à New York, dans son appartement de Manhattan, en 2009 à l’âge de 92 ans. Il a fait don de toutes ses archives au Museum d’Art de Chicago et une partie de ses objets personnels se trouvent à la Bibliothèque Reyson & Burhnam à l’Art Institute de Chicago. La Fondation Irving Penn a vu le jour en 2005.

PENN Café à Lima Jean Patchett 1948
 » Un café à Lima  » ( Jean PATCHETT ) 1948 – Irving PENN