
» Après des semaines d’agonie Napoléon Bonaparte rend l’âme à Longwood, sur l’île de Sainte-Hélène le 5 mai 1821. C’est la fin d’une épopée de plus de vingt années qui a changé la donne politique en France et en Europe. Près de vingt autres années s’écouleront avant que le Petit Caporal ne regagne la patrie. Mais le doute subsiste : et si la dépouille qui repose sous le dôme des Invalides n’était pas la sienne ?
Selon les propres volontés de Napoléon Bonaparte, son corps est autopsié au lendemain de sa mort, laquelle survient le 5 mai 1821 à 17 H 49. L’examen est pratiqué dans la salle de billard de Longwood par le médecin français Antommarchi, assisté de sept confrères britanniques et en présence de témoins. L’empereur tenait à ce que soit constatée la cause du décès, un cancer de l’estomac qui avait déjà emporté son père Charles et sa sœur Caroline. Il craint que la maladie ne soit héréditaire et souhaite qu’on la diagnostique rapidement si un jour elle frappait son fils.
Le cœur de Napoléon sera ensuite placé dans un vase en argent afin d’être envoyé à l’Impératrice Marie-Louise, ce que refusera finalement Hudson Lowe le gouverneur britannique de l’île. Le corps est revêtu de l’uniforme de colonel de la garde. Il est ensuite exposé dans la chapelle ardente. Le 7 mai, en fin d’après midi, le docteur Burton assisté d’Antommarchi, réalise un moulage de la tête. Le masque mortuaire est précieusement rangé. La mise en bière s’effectue dans quatre cercueils, emboîtés l’un dans l’autre : un en fer blanc, un en bois exotique, un en plomb et le dernier en acajou. L’inhumation a lieu de lendemain.


Lowe a reçu l’ordre de retenir la dépouille sur l’île de Sainte-Hélène. Les français font donc enterrer l’empereur dans la vallée du Géranium où il aimait se promener. Le tombeau est simple, dépouillé : une fosse maçonnée, profonde de trois mètres, fermée par une plaque monolithe scellée par deux couches de ciment et recouverte de trois autres dalles.

Le codicille du testament de Napoléon commence par ces mots : « je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j’ai tant aimé » …. Ce ne sera possible qu’en 1840. Adolphe Thiers, président du Conseil, convainc Louis-Philippe de faire rapatrier les cendres ( restes) de Napoléon et la reine Victoria donne son accord. Une expédition menée par François d’Orléans, prince de Joinville, prend place à bord de la goëlette Belle Poule pour se charger du transfert.


Afin qu’aucun doute ne plane sur l’identité de l’auguste dépouille, il est décidé qu’elle sera examinée par les derniers compagnons de l’empereur, avant d’être transférée sur le bateau. Ainsi, au besoin, ils pourront témoigner sans contestation possible. George Middlemore, gouverneur de Sainte-Hélène depuis 1836 y consent à condition qu’aune image, dessin, cliché, daguerréotype n’en sorte. Le 15 octobre 1840 la fosse est ouverte, les dalles tumulaires ôtées, le ciment brisé et la première plaque est levée. Le cercueil en acajou est intact, à peinte marqué par l’humidité. Il est sorti du tombeau, puis découpé. Les autres cercueils : fer,bois, plomb sont ouverts. Le corps, en excellent état de conservation, est parfaitement identifiable.

Après deux ou trois minutes d’observation, les bières sont refermées et l’ensemble introduit dans un sarcophage d’ébène. Il est rapporté à l’Hôtel des Invalides le 15 décembre 1840. Le 2 avril 1861, les restes de Napoléon seront déposés dans leur tombeau définitif, façonné dans du quartzite rouge et placé sous le Dôme. La cause semble entendue.
Pourtant, dès 1840, des doutes planent sur l’identité de la dépouille. Les témoins le notent, faisant état de discordances entre eux. Nul ne peut être catégorique sur la taille du corps, la couleur de l’uniforme, ou les décolorations qu’arbore la mort ; en revanche, tous sont formels : il s’agit bien de l’empereur.
En 1969, Georges Rétif de la Bretonne, dans son livre intitulé Anglais, rendez-nous Napoléon, soulève plusieurs interrogations : le 15 octobre 1840, lors de l’exhumation, il fallait ouvrir quatre cercueils : acajou, plomb, bois exotique et fer blanc avant d’atteindre le corps. Or, le procès-verbal du 7 mai 1821 mentionne « ce premier cercueil en fer-blanc ayant été soudé en notre présence, a été placé dans un autre en plomb lequel, après avoir été également soudé, a été enfermé dans un troisième cercueil d’acajou. » Trois bières ? Qu’est devenue la quatrième ? Ce mystère n’en est pas un ! Le fer-blanc n’étant pas très rigide, un tel cercueil est toujours doublé d’un autre en bois, considéré comme partie intégrante de l’objet. Dans la foulée, Rétif de la Bretonne spécule que les Anglais ont secrètement exhumé Napoléon quelques années après et lui ont substitué son valet Cipriani décédé en 1818. Il présentait, paraît-il, une ressemblance avec son maître. Puis, poursuit l’auteur, le gouverneur Lowe a rapatrié en Angleterre le véritable corps de l’empereur. George IV entendait ainsi s’assuré un trophée qu’il a fait enfouir dans une dalle de Westminster Abbey.

Si tel avait été le cas, comment expliquer le silence des proches lors de l’exhumation ? Et quel est l’intérêt d’une telle substitution pour l’Angleterre ? Volonté de supprimer les preuves d’un empoisonnement à l’arsenic ? C’est peu crédible. Même si une nouvelle autopsie venait à en révéler la présence, cela ne serait pas probant. Après un séjour en terre, tous les restes contiennent peu ou prou de l’arsenic. Quant aux médecins d’aujourd’hui, examinant le rapport d’autopsie de 1821, leur avis est clair : l’estomac est » rempli en partie d’un liquide noirâtre, d’une odeur piquante et désagréable, est le siège d’un ulcère cancéreux fort étendu » avec une perforation de 6mm de diamètre. Il s’agit donc, sans doute, d’une » anémie due à des saignements répétés, dont la cause est un ulcère de l’estomac, probablement dû à un syndrome dépressif et à une infection ancienne à Helicobacter pylon » . Alors une substitution par qui ? et pourquoi ? » Françoise SURCOUF (Historienne, journaliste, écrivain français)
Réponse de Franck FERRAND ( Écrivain spécialisé en Histoire ) : » Cette hypothèse mérite notre intérêt. Notamment car elle pointe les différences de position et d’environnement du corps de l’Empereur, qui ont été constatée entre l’inhumation en 1821 et l’exhumation en 1840. Ces différences sont nombreuses et troublantes : le nombre et l’ordre des cercueils, l’uniforme qui n’est pas identique, les vases d’argent contenant le cœur et l’estomac de Napoléon qui ne sont pas à la même place, la position des décorations, les bottes qui ne sont pas du même type, le corps trop grand pour le cercueil et qu’il a fallu plier … Tout pose question ! Cela laisse entendre que la dépouille a été dérangée pendant le laps de temps de dix-neuf années. C’est un fait historique !
Selon Rétif de la Bretonne, George IV était un amateur averti de momie et passionné par Napoléon. Au point qu’il s’habillait comme lui et qu’il copiait ses comportements. Il aurait ordonné à Sir Hudson Lowe de rentrer et lui rapporter la dépouille de Napoléon. Ce corps aurait enrichi sa collection. Encore une fois … Ce n’est qu’une hypothèse.
De nombreuses demandes de prélèvements A.D.N. sur le corps qui se trouve aux Invalides ont été demandées. Aucune d’elles n’a pour l’heure abouti car, systématiquement, la question est renvoyée à la famille impériale. Or, le prince Louis Napoléon et son épouse s’y sont toujours opposés. Le prince Jean-Christophe ne me paraît pas mieux disposé. Seul le prince Charles est acquis à cette idée. Se pose aussi la question du prestige car à la mystique Coupole se pressent 1,2 millions de visiteurs par an. Pour ma part, ne n’attache de la valeur qu’à la seule recherche de la vérité historique. Quand bien même cela se révélerait désagréable. Cette vérité ne doit jamais être scellée. »
Passionnant.. merci Lisa
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Je trouve aussi Evelyne … Il y a un mystère autour qui pousse l’intérêt ! Merci de vous y être intéressée et belle journée ♥
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