
« Il serait prudent de s’en tenir à la seule définition donnée par un dictionnaire, par exemple le Petit Robert : « AUTOPORTRAIT n.m. (V.1950 ; de auto et portrait) – Portrait d’un dessinateur, d’un peintre exécuté par lui même. Les autoportraits de Rembrandt, de Goya, de Van Gogh « . La mention faite entre parenthèses ( V.1950) atteste que ce mot n’est pas bien vieux. Le Dictionnaire de l’Académie française, plus circonspect, se garde de donner une date d’apparition de ce mot. Il s’en tient à cette seule indication « XXe siècle« .Par ailleurs, selon le Trésor de la langue française, c’est en 1928 dans Mes modèles que Jacques-Émile Blanche a eu recours pour la première fois à ce mot auto-portrait avec un trait d’union. Il n’est pas indifférent que ce mot soit apparu à l’initiative d’un peintre. Sans doute pressent-il qu’un autoportrait est une chose singulière.
Avec ou sans trait d’union, l’autoportrait aura été, pendant des siècles, ignoré. Pourquoi se serait-on soucié de quelque chose qu’aucun mot n’avait pris la peine de désigner ? Il guère que le portrait de l’artiste par lui même ou le portrait du peintre par lui-même. Un portrait parmi tant d’autres. Pourquoi donc prêter à ces portraits de peintres une attention particulière ? Parce qu’il n’est pas sur qu’un peintre peigne comme il peint le modèle qui pose en face de lui. Rembrandt, premier nom cité par mon dictionnaire usuel, a dessiné, gravé et peint une centaine d’autoportraits. Goya et Van Gogh se sont représentés encore et encore.
Première évidente remarque : pour un peintre le modèle qu’il est lui-même est le plus disponible qui soit. Ce n’est pas le miroir auquel il fait face qui se plaindra des séances de pose qui n’en finissent pas. Qui plus est, le modèle qu’il aura été pour lui-même ne lui fera pas de reproche de ce portrait posé sur le chevalet. Si pouvoir faire face à son propre visage pour se livrer quand on veut à ce qui peut-être est un exercice, un expérience, n’est pas indifférent.
Comment douter que c’est par l’auto-portrait qu’un peintre prouve mieux qu’avec aucune autre œuvre sa valeur ? C’est pour donner la preuve irréfutable de son talent que Parmigianino se peint en 1524, il a vingt-et-un ans alors.

L’autoportrait n’aura t-il pas, siècle après siècle, cessé d’être le même défi, le moyen le plus abouti de montrer son excellence ? Paradoxe singulier, les peintres se moquent de leur propre réalité. Il y a longtemps que les peintres savent que » je suis un autre » . Quand à savoir qui est cet autre, c’est une autre affaire.La question est au bout du compte toujours la même : se peindre, c’est peindre qui ? Picasso assura : « chaque être humain est une colonie » Comment choisir le modèle qui convient dans cette colonie ? » Pascal BONNAFOUX (Historien de l’Art, professeur, écrivain )
Passionnant ! Comme très souvent à la lecture de vos articles.
Merci Lisa
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Avec plaisir Laurence et merci pour votre suivi et votre intérêt. Passez un doux dimanche ♥
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Une création artistique n’était-elle pas toujours un auto-portrait? Plus ou moins réaliste…même un selfie…avec ou sans photoshop…Les mots parfois suffisent…Pour ma part j’aime l’auto-dérision.
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C’est, en effet, une création artistique. En tous les cas ce fut une sorte de » publicité » pour les peintres portraitistes car en se représentant eux-mêmes, ils permettaient aux autres de voir si c’était très représentatif de la réalité et donc attractif pour que les autres qui souhaitaient un portrait. Un auto-portrait même dans l’auto-dérision comme vous le dites, peut révéler beaucoup. Merci pour votre commentaire et passez une excellente journée ♥
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