« Je mets un tableau sur un mur. Ensuite j’oublie qu’il y a un mur. Je ne sais plus ce qu’il y a derrière ce mur. Je ne sais plus qu’il y a un mur. Je ne sais plus que ce mur est un mur. Je ne sais plus ce que c’est qu’un mur. Je ne sais plus que dans mon appartement il y a des murs et que s’il n’y avait pas de murs, il n’y aurait pas d’appartement. Le mur n’est plus ce qui délimite et définit le lieu ou je vis, ce qui le sépare des autres lieux où les autres vivent. Il n’est plus qu’un support pour le tableau. Mais j’oublie aussi le tableau, je ne le regarde plus, je ne sais plus le regarder. J’ai mis le tableau sur le mur pour oublier qu’il y avait un mur , mais en oubliant le mur, j’oublie aussi le tableau. Il y a des tableaux parce qu’il y a des murs. Il faut pouvoir oublier qu’il y a des murs et l’on a rien trouvé de mieux pour ça que les tableaux. Ou alors il faudrait changer continuellement soit de mur, soit du tableau, mettre sans cesse d’autres tableaux sur les murs, ou tout le temps changer le tableau du mur. On pourrait écrire sur ces murs, comme on écrit parfois sur les façades des maisons, sur les palissades des chantiers, sur les murailles des prisons … Mais on ne le fait que très rarement. » Georges PEREC ( Écrivain et verbicruciste français – Extrait de son livre Espèces d’espaces (1974)
Tableau : PIeter Christofell WONDERTableau : David TENIERS Le Jeune
» Le voyage ne finit jamais. Seuls les voyageurs finissent. Et même eux ils peuvent le prolonger dans leur mémoire en souvenirs, en récits. Quand le voyageur est assis sur le sable d’une plage et qu’il se dit : » il n’y a rien de plus beau à voir « , il sait que ce n’est pas vrai. La fin d’un voyage est seulement le début d’un autre. Il faut voir ce qui n’a jamais été vu, voir de nouveau ce qui a déjà été vu, voir au printemps ce qui a été vu en été, voir de jour ce qui a été vu de nuit, voir avec le soleil, voir avec la première pluie, voir les fruits mûrs, la pierre qui a changé de place, l’ombre qui n’était pas là … Il faut retourner sur ses pas pour les répéter, pour tracer derrière soi des nouveaux chemins. Il faut recommencer les voyages … Toujours ! » José SARAMAGO (Écrivain et journaliste portugais)
» Support sans âge parce que datant sans pour autant être daté ; sans ancrage dans une période déterminée, le dessin offre la possibilité d’un rapport de plain-pied avec l’histoire de l’art : il échappe, en effet, au cycle de la rupture ( moderne ) qu’à celui de la reprise ( post-moderne) et instaure un mode opératoire tenant à la fois de la tabl rase et du ressassement obsessionnel. Il permet, en définitive, de ne pas choisir entre des options apparemment incompatibles. Il est d’ordre processuel tout en étant visuel et narratif, réflexif quoique réciproque immédiat. Là où Ad Reinhardt envisageait l’art sur le mode du ni .. ni, le dessin offre la possibilité de le penser sur celui du ou, voire du et. » Guitemie MALDONADO (Historienne de l’Art, universitaire française , agrégée de Lettres Modernes ) ( N.B. : Reinhardt était un peintre américain, précurseur de l’art conceptuel et critique d’art )
» Je sais que cela peut faire cliché, mais je trouve généralement mes inspirations dans la vie quotidienne. J’ai été professeur d’art. Nous devions toujours créer des plans de classe et des idées pour les enfants en utilisant toutes sortes de matériaux ordinaires et abordables comme les feuilles, les pierres, les céréales, les macaronis, les rouleaux de papier toilette etc… La série Florale est en grande partie due à ma grand-mère qui aime le jardinage. Je lui ai fait un cadeau pour son anniversaire en utilisant des pétales de roses séchées et elle a immédiatement adoré ! » Lim Zhi WEI ( nom d’artiste : Limzy – Artiste malaisienne ) –
Lim Zhi Wei est née en Malaisie et vit à Singapour. Elle a fait ses études à la Nanyang Academy of Fine Arts. Après quoi, elle a été professeur d’art pour enfants. C’est là qu’elle a commencé à travailler avec des petits objets, comme par exemple de la nourriture, des feuilles, des fleurs et des petits objets .
Son travail en beauté, raffinement et finesse, réunissant crayon, peinture, aquarelle et fleurs, lui a apporté une grande reconnaissance non seulement dans son pays mais à l’échelle internationale grâce à de nombreuses revues sur l’art, mais aussi les réseaux sociaux au travers de son blog . Petit à petit, Elle s’est forgée une solide réputation en tant qu’artiste illustratrice, a recruté une équipe et obtenu des collaborations intéressantes notamment avec la Maison Dior.
Les fleurs sont une véritable source d’inspiration pour elle . Elle s’occupe également de décorations florales pour des grandes enseignes ou des événements importants.
» Vous êtes bien Pierrot, Pierrot le pantomime,
Pierrot, pour qui depuis bientôt six mois, je rime,
vous êtes bien Pierrot l’amoureux, le rival
d’Arlequin, le Pierrot qu’on brûle en Carnaval ?
Mais pourquoi donc vous promener, quand pas un astre
ne brille dans le ciel noir, comme en un désastre ?
Pourquoi vous promener, surtout en habit blanc ?
Vous faites peur aux gens, moi-même, tout tremblant,
je ris, mais je frissonne, et certes ne m’amuse
que tout juste, en voyant votre face camuse… » Fernand HAUSER (Écrivain et journaliste français)
Bugnes – Selon la région de France, la bugne prend un autre nom : bougnette – ganse – oreillette – merveille – pet de nonne – roussette – crotte d’âne – craquelin – guenille – tourtisseau – faverolle – frappe – chichi frégi –
» Mardi-Gras est une date fixée comme chaque année 47 jours avant Pâques. Cette célébration constitue traditionnellement l’apothéose du Carnaval. De Nice à Rio, en passant par Dunkerque, la Nouvelle-Orléans, Cologne, Mayence ou Bâle, masques et déguisements sont au rendez-vous. Mais nombreux sont ceux qui ignorent l’histoire de cette fête et sa signification.
Le mot vient du latin carnis levare ( ôter la viande ) – Il faisait référence aux derniers repas gras pris avant le Carême (avant que ce ne soit le mardi, on parlait au XVIIIe siècle du dimanche gras ou lundi gras). Autrefois, cette saison correspondait, dans une société encore majoritairement agricole, à l’une des périodes les plus critiques. En effet, en février et en mars, les paysans puisaient dans leurs dernières réserves de nourriture stockées avant ou pendant l’hiver. Elle fut plus tard christianisée pour marquer l’entrée en Carême, période de jeûne et prière qui commémorait les quarante jours passés dans le désert par le Christ. Mardi-gras précède dont le mercredi des Cendres.
Mardi-gras ouvre la période pascale jusqu’à la fête de la résurrection du Christ. Avant l’austérité du Carême, ce jour permet la joie et l’abondance. Il est appelé gras en référence aux aliments considérés comme riches et dont on se prive durant le Carême : viande, sucre, beurre … Avec la Réforme protestante qui a mis en cause le Carême, Mardi-gras s’est surtout identifié aux pays catholiques et orthodoxes. Dans les pays anglo-saxons, certains protestants ont conservé un équivalent sobrement intitulé Shrose-Tuesday, à savoir Mardi de la confession ou Mardi de l’absolution.
Mardi-gras est l’occasion des carnavals. En France le plus célèbre est celui de Nice avec ses chars fleuris, mais aussi Dunkerque où l’on jette des harengs à la Foule. Dans le monde entier on marque le coup par un festin ainsi qu’une fête colorée où les personnes défilent dans les rues déguisées et masquées. C’est dans les communes indépendantes d’Italie que serait né le Carnaval tel qu’on le connait aujourd’hui, notamment Venise.Tous les déguisements sont permis.
La coutume est de mander des crêpes, des gaufres, des beignets ou des pancakes pour les anglo-saxons. Cette coutume vient, à l’origine, de la nécessité d’épuiser les réserves d’œufs et de beurre qui ne seront pas utilisées durant le Carême. Appelées merveilles dans le sud-ouest, les beignets de carnaval tirent leur originalité d’une spécialité culinaire du duché de Savoie. Celle-ci a fini par s’étendre dans la région de Lyon. Pour célébrer le Mardi-gras, ces petits beignets sont devenus les rois de la fête. Dans la sixième édition du supplément au Dictionnaire de l’Académie française (1835) les bugnes sont ainsi décrites : » Il se dit dans quelques villes du midi de la France, d’une pâte faite avec de la farine, du lait et des œufs, que l’on roule en forme de boudin en l’entrelaçant et que l’on fait frire à l’huile » . Des beignets un peu différents se dégustaient déjà dans la Rome antique au moment du carnaval : les chiacchiere en italien. » Alicia PAULET ( Journaliste au magazine Le Figaro )
» Les lettres sont utiles comme moyen d’expression à savoir idéales, et aucune autre méthode de communication n’est plus efficace à cet effet – Dans les lettres nous pouvons corriger sans problème, supplier sans humilier, tailler et donner aux expériences embarrassantes la forme que nous désirons. Une lettre n’est pas un dialogue, ni même une exposition omnisciente. La lettre, de par sa forme naturelle, est auto-justifiante : elle est sa propre preuve, sa déposition, un témoignage égoïste. Dans une lettre, l’écrivain a en mains toutes les cartes, contrôle tout sur lui-même et sur les affirmations qu’il souhaite faire concernant les événements ou la valeur des autres. Pour les personnages complètement égocentriques, la forme lettre est une activité complexe et enrichissante » Elizabeth HARDWICK ( Critique littéraire, auteur de romans, nouvelles et essais)
» Vous aurez des pensées que personne n’a jamais encore eues. Vous ne sacrifierez jamais(et vous ferez bien) une belle pensée à une règle tyrannique, mais vous sacrifierez les règles à vos fantaisies car vous me faites l’impression d’un homme qui a plusieurs tête, plusieurs cœurs, plusieurs âmes etc …. D’après mon sens, on trouvera toujours dans vos œuvres quelque chose, je ne dirai pas de bizarre, mais d’inattendu, d’inhabituel ; certes partout des belles choses, même des choses admirables, mais ici et là quelque chose d’étrange, de sombre, parce que vous êtes vous-même un peu sombre et étrange, et le style du musicien, c’est toujours l’homme. » Joseph HAYDN (Compositeur autrichien
» Coriolan supplié par les siens » – Nicolas POUSSIN
» La force et la fermeté de son caractère, en toutes circonstances, lui inspirent de grands desseins et de belles réalisations, mais, inversement, ses colères incontrôlables et son tempérament rigide et querelleur le rendaient dur et peu accommodant dans ses rapports avec les hommes » PLUTARQUE à propos de Coriolan
Cette brillante Ouverture a été composée en 1807. A cette époque Beethoven souffrait énormément de sa surdité et son état émotionnel en était fortement affecté. Il s’est renfermé dans sa musique, dans cet art qui s’est révélé encore plus important qu’il n’avait pu l’être auparavant pour lui. Il lui fallait désormais faire face au destin qui était le sien, et par voie de conséquence, il s’est intéressé à des figures historiques ou légendaires, de forte personnalité, qui, elles aussi, se sont accrochées à leur destin, ont défendu leurs idéaux, et ont préféré mourir pour le bien de la patrie . C’est un état d’esprit que l’on ressent dans Egmont et dans Coriolan. Peut-être d’ailleurs encore plus dans le second que dans le premier.
Contrairement à ce que l’on peut imaginer, ce n’est pas le héros de Shakespeare qu’il a abordé, mais celui de la tragédie écrite par son ami : le dramaturge Heinrich Joseph Von Collin, à savoir le C’est du reste lui qui passe commande de cette musique au compositeur comme Ouverture de sa pièce.
Heinrich J.VON COLLIN
Ce Coriolan est le général patricien Gaius Marcius, conquérant de la cité Corioles ( qui lui vaudra son nom), très apprécié du peuple, ce qui ne manque pas d’attiser des jalousies, à un point tel qu’on lui refusera le poste de Consul. Cette prise de position le révolte et il ne manquera pas de le fait savoir. Devant son comportement, le Sénat le condamne à l’exil. Il projette de s’unir au peuple des Volsques pour assiéger Rome . Ses proches le supplient de n’en rien faire, arrivent à l’en dissuader et il renonce. Furieux de sa décision, les Volsques l’assassinent. Cette fin est totalement différente dans la pièce de Von Collin : son héros se suicide.
C’est une œuvre incontestablement lyrique, fascinante, vigoureuse, haletante, quasi angoissante à certains moments, dans laquelle Beethoven a su merveilleusement bien capter le côté dramatique de l’histoire.
( Vidéo : Herbert V.KARAJAN à la direction de l’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE de BERLIN )
« La danse et la mode ont une réelle cause commune : leur matière première est le corps » … » Trouver un titre à une exposition est toujours une gageure. Il s’agit de dévoiler sans prendre des chemins de traverses. Le titre doit résumer l’esprit de l’exposition. Celui-ci met à égalité la couture et la danse, les présente main das la main. » Philippe NOISETTE
Le centre national du costume de scène de Moulins est un musée inauguré en 2006, où sont conservés de merveilleux costumes issus du théâtre, de l’opéra et de la danse. Un espace d’exposition permanente imaginé par Ezio Frigerio et Giuliano Spinelli est dédié à Rudolf Noureev. On peut entrer dans l’univers de ce merveilleux danseur, au travers de différentes pièces qui lui sont personnelles : tutus, costumes, tableaux, sculptures, meubles objets etc… Si l’occasion se présente à vous, n’hésitez pas à vous rendre dans ce musée !
Actuellement et jusqu’au 3 mai 2020 , il présente une très originale, riche et belle exposition qui s’intitule : « COUTURIERS DE LA DANSE – De Chanel à Versace » – Un parcours thématique au travers de 120 costumes environ ( dans des vitrines-écrins répartis en 13 salles), dont certains n’ont jamais été montrés en France, du XIXe siècle à nos jours, signés par des grands couturiers et créateurs : Jean-Paul Gaultier, Gianni Versace, Viktor et Rolf, Adeline André , Maria Grazia Chiuri (Dior) , Coco Chanel (une des premières à l’avoir fait avec les Ballets Russes) , Karl Lagerfeld, Olivier Rousteing (Balmain), Christian Lacroix, Iris Van Herpen, Yves Saint Laurent, Issey Miyaké, Riccardo Tisci (Givenchy) … J’en oublie certainement !
A une certaine époque, la danse ( particulièrement avec Les Ballets Russes de Diaghilev) a permis de faire collaborer ensemble peintres, musiciens, écrivains, plasticiens, décorateurs et couturiers. Très habillée par le passé, elle a été déshabillée. Elle s’est libérée de certains carcans et a permis aux danseurs et danseuses de découvrir des sensations plus fortes dans leurs mouvements. Les créateurs de costumes et les couturiers se sont très souvent montrés révolutionnaires dans ce domaine surtout à partir du XIXe siècle, inventifs, voire même quelque peu futuristes . Le tutu classique s’est vu complètement mis de côté pour faire place, parfois, à des tenues assez incroyablement délirantes et que l’on aurait jamais imaginer en danse.
Tutu de VIKTOR & ROLF pour la chorégraphie SHAPE de Jorma ELO / Prêt du Dutch National Ballet d’Amsterdam ) – Cette photo illustre l’affiche de l’expo.
Costume de Sylvie SKINAZI pour Hiatus de Lionel HOCHE ( prêt des Ballets de Monte-Carlo)
Costume de Hervé L.LEROUX pour Rythme de valses de Roland PETIT ( Collection du Centre National du Costume de Scène)
L’univers de la mode est différent celui de la scène. Il n’est pas si facile de réaliser des costumes pour la danse, tout simplement parce qu’il faut avoir en tête que cette pièce va être utilisée par un corps qui bouge beaucoup, donc de nombreux paramètres sont à prendre en compte comme par exemple le choix du tissu , très important parce qu’ il faut qu’il soit à la fois résistant, pas très lourd, plutôt fluide, afin de permettre une grande liberté de mouvements et que le danseur ou la danseuse qui va le porter ne se blesse pas avec une ornementation mise sur le tissu pour le mettre encore plus en valeur.
Il y a une sorte d’osmose entre le costumier ( qu’il soit grand couturier ou non ) et le chorégraphe compte tenu que leur collaboration est celle de deux créatifs qui mettent leurs idées en commun. C’est justement ces incroyables et merveilleuses collaborations-partages qui sont au centre de cette exposition.
Il m’a semblé intéressant de revenir un peu en arrière : d’abord avec le terme : Tutu un merveilleux petit mot qui rentrera en usage vers 1881. On attribue l’origine de son nom au tulle ( tissu ). Avant cette date on parlait davantage d’un habit ou costume de danse(cette dernière appellation revient souvent de nos jours d’ailleurs)
Autrefois, la coutume voulait que le corps de ballet porte un tutu en tulle de coton et que celui des étoiles soit en tulle de soie. De nos jours, c’est mousseline pour le corps de ballet et organza pour les étoiles .Lorsque Serge Lifar prit le poste de directeur à l’Opéra de Paris, il va décider que le tutu ne serait plus porté par les élèves de l’école de danse. La réforme est passée en 1930 et depuis, le tutu est uniquement porté sur scène.
La danse classique a commencé sous le règne de Louis XIV qui, comme chacun le sait, avait une réelle passion pour la danse. Non seulement il l’aimait mais lui-même fut un excellent danseur. Lorsque le ballet ne représentait qu’un passe-temps à la Cour de Versailles, une façon de paraître, celles et ceux qui y participaient (y compris sa Majesté arboraient des vêtements certes somptueux, mais dans, bien des cas, pesants et encombrants.
Après la création de l’Académie Royale de musique, on verra apparaître les premières danseuses. Elles se présentaient engoncées dans ce que l’on pourrait appeler costumes, mais qui ressemblaient à des robes de bal, pesantes, ornées de broderies, avec un bustier, des manches ballonnées, cintrées à la taille, montées sur un jupon-panier et descendant jusqu’aux pieds. Cela ressemblait beaucoup plus à une robe portée pour un dîner ou un bal qu’un costume pour aller danser sur scène.
Fort heureusement, le temps allégera les choses par l’arrivée de tissus plus légers comme la soie, la mousseline qui vont donner un aspect plus fluide aux costumes … Le temps oui, mais les audaces des danseuses aussi, lesquelles seront d’une telle ampleur parfois que le règlement finira par rendre obligatoire le « caleçon de la modestie « en coton ou en soie, tenu par des jarretières et qui était accroché à un petit pantalon. En résumé, c’était, en quelque sorte, l’ancêtre de ce que nous appelons de nous jours le collant académique.
Comment oublier en effet Marie-Anne Cupis de Camargo, dite la Camargo, brillante, musicale, audacieuse danseuse réputée pour exécuter à la perfection des figures typiquement réservées aux hommes, et qui fera scandale en 1730 en décidant de son propre chef de couper sa robe de danse, dévoilant ainsi ses chevilles et presque ses mollets, afin d’acquérir plus de liberté dans ses mouvements … Ou sa rivale Marie Sallé, dite la Vestale, qui , quatre ans plus tard, abandonnera perruque et jupon-panier réglementaires pour revêtir une robe de mousseline et danser cheveux défaits dans le ballet Pygmalion … La talentueuse technicienne aérienne, virtuose de la danse : Marie Taglioni, quant à elle, première à danser sur pointes, apparaîtra sur scène vêtue d’un costume blanc, avec corsage ajusté, jupe très légère en mousseline, ornementé de petites ailes dans le dos, pour représenter le côté pur, gracieux et virginal de son rôle dans le ballet de son père la Sylphide … Sans oublier l’incroyable Pierina Legnani qui va déclencher un scandale au théâtre du Mariinsky, refusant catégoriquement de porter un tutu traditionnel sous prétexte qu’il s’agissait pour elle d’un costume de grand-mère ! Elle obtiendra gain de cause d’ailleurs.
Marie TAGLIONI dans le ballet La Sylphide ( costume de Eugène LAMI )
Au XIXe siècle , une autre danseuse pendra des initiatives. Loïe Fuller. Engagée à New York dans une pièce (Quack Medical Doctor), c’est elle qui créera son costume avec un tissu en soie qui lui avait été offert par des officiers anglais. Elle s’en est expliquée dans son livre Quinze ans de ma vie » Ma robe, qui allait devenir la robe du triomphe, était trop longue d’un demi-mètre au moins. Je relevai alors la ceinture et me confectionnai ainsi une sorte de robe empire en épinglant la jupe à un corsage décolleté. La robe devenait très originale, un peu ridicule même mais c’était tout à fait ce qui convenait pour la scène d’hypnose que je devait jouer et que nous ne prenions pas au sérieux. » Elle va être comparée à un papillon, puis à une fleur, un esprit qui vole. De là naîtra sa Danse Serpentine avec laquelle elle fera un triomphe avec elle aux Folies Bergères de Paris deux ans plus tard.
Loïe FULLER et sa Danse Serpentine
Le tutu n’a pas été qu’un uniforme strict conçu pour la danse. Certes il est le symbole de la danseuse classique, mais il a su évoluer. Il a eu plusieurs vies. Au fur et à mesure du temps, des danseuses, des chorégraphes ( bien souvent à leur demande d’ailleurs) le tutu a été revu, corrigé, allégé, raccourci et monté haut sur la hanche, dit à plateau, à cerclette, galette, à houpette. Pas spécialement blanc, coloré, passementé , pailleté, ornementé, stylisé, en formes diverses. Le jupon, par contre, ne doit pas être épais, plutôt léger ( gaze, organdi, voile, tulle, mousseline, tarlatane). Délaissé par les chorégraphes contemporains, il est réapparu chez d’autres, comme jadis, avec des volants cousus sur la culotte ( une trousse ).
Photo Nikolaï KRUSSER
La danse raconte quasiment l’histoire du costume. Elle suit les époques et évolue. Elle se drape, se plisse, se dénude aussi, épouse le corset, les crinolines, les jupes courtes bouffantes. Le costume masculin, en revanche, n’aura pas autant de reconnaissance.Ils furent longtemps inspirés par les costumes militaires , puis par ceux des sportifs. Ce n’est pas évident pour les couturiers de créer un costume de danse pour un homme, Dans cet exercice Yves Saint Laurent va exceller avec Notre- Dame de Paris de Roland Petit. Il créera des sortes de pourpoints très colorés. St Laurent dira qu’il s’est inspiré du peintre Mondrian pour les couleurs.
Costumes » LA FOULE » ( Acte I ) – Création Yves SAINT LAURENT – » Lorsque nous avons travaillé, Roland Petit et moi, sur Notre-Dame de Paris, nous n’imaginions pas que trente ans plus tard ce ballet serait encore à l’affiche de l’Opéra de Paris. Dès sa création, ce fut un succès, aujourd’hui c’est un classique. Classique de la modernité, de l’invention, de l’imagination. J’ai voulu que les costumes soient colorés comme les vitraux d’une cathédrale et j’ai emprunté à Mondrian le costume de Phœbus. J’ai essayé d’accompagné la jeunesse intemporelle de la chorégraphie. Celle des variations d’Esméralda, des pas de deux, des pas de trois. Les juges du tribunal, les mouvements louches de la cour des Miracles, le trouble de Frollo et la tendresse si émouvante de Quasimodo m’ont inspiré comme une fresque du Moyen-Âge » expliquera Yves SAINT LAURENT en 1966
Dans l’expo de ce jour il y a quelque chose qui revient souvent, une question que l’on peut être amené à se poser. La danse est un art, certes, mais la couture en est-elle un ? A mes yeux, la haute-couture est un art et toutes celles et ceux qui s’y emploient des couturières, aux brodeuses, en passant par celui qui en est le créateur, sont des artistes. Associer des couturiers et la mode à la danse, eh bien c’est apporter un plus de beauté à chacune de ces deux disciplines, et parfois une touche d’originalité surprenante.
Avec la danse, les couturiers vont pouvoir expérimenter, innover, imaginer mais aussi aller à la rencontre de difficultés aussi parce que comme je l’ai dit plus haut, il faut utiliser des tissus et matériaux, bien souvent différents de ceux des vêtements qu’ils destinent aux mannequins pour les défilés. La danse c’est le mouvement. Créer un costume de danse, c’est penser à tout ce qu’il va exprimer de créatif au travers de la chorégraphie et de la musique. Ce peut être poétique et l’être moins aussi. La matière des costumes de danse a son importance parce qu’elle est liée au mouvement. Elle s’est adaptée aux fantaisies et évolutions de la mode
Promenons-nous dans ces espaces et partons à la rencontre de quelques couturiers, stylistes, et autres artistes qui ont travaillé pour la danse : Sonia DELAUNAY : Certaine que l’art ne pouvait se renouveler qu’en abordant différentes autres formes que la peinture, en abolissant la hiérarchie existante entre arts mineurs et majeures, elle va s’intéresser à la décoration, à la mode, et la danse en travaillant dans ce domaine avec son mari Robert qui signera de nombreux décors de ballets. En 1921, leur appartement à Paris servira non seulement d’atelier mais de salon de couture. On retient notamment la participation du couple dans le ballet de Mikhail Fokine pour les Ballets Russes : Cléopâtre.
Sonia DELAUNAY
Costume de Sonia DELAUNAY pour le ballet Cléopâtre de Mikhail FOKINE
Il faut savoir que les Ballets Russes ont véritablement révolutionné l’esthétique de la danse, en mêlant peinture, musique, arts plastiques et danse, donnant ainsi naissance à ce que l’on a appelé un art total.
Gabrielle CHANEL : bien avant qu’elle ne soit la très célèbre Coco, elle travaillait déjà dans le monde de la couture et de la mode avec audace et brio . Elle va collaborer; dès 1922 , avec les Ballets Russes pour la réalisation de costumes destinés à la danse, avec à ses côtés des compositeurs et peintres célèbres comme Picasso par exemple. C’est elle qui créera les costumes de l’audacieux ballet célébrant le sport et les bains de mer : Le Train bleu chorégraphié par Bronislava Nijinska (sœur du danseur Nijinski) pour lequel elle utilisera une matière qu’elle appréciait pour sa souplesse et sa légèreté : le jersey. Elle innove avec des mini-shorts, des marcels, des maillots de bain, des tenues de sport (notamment pour le golf ) et des collants, prévoyant avant tout le confort des danseurs. très souple comme le jersey.
» La mode n’existe pas seulement dans les robes ; la mode est dans l’air, c’est le vent qui l’apporte, on la pressent, on la respire, elle est au ciel et sur le macadam, elle tient aux idées, aux mœurs, aux événements. » C.C
Jean Cocteau entouré par les danseurs du Train Bleu / Costumes Coco CHANEL – Chorégraphie Bronislava NIJINSKA
Jean-Paul GAULTIER : Pas vraiment passionné par la danse au départ, surtout classique, mais qui commencera à s’y intéresser lorsque Régine Chopinot, chorégraphe contemporaine, va l’approcher pour qu’il signe des costumes de danse. Il va y prendre goût, beaucoup même, et signera pour d’autres ballets notamment ceux de Angelin Preljocaj. Alors bien sur, on connaît les extravagances de Gaultier ! Elles ont été de mise dans les costumes insolents qu’il a créés pour la danse. Il s’est joué du tutu et l’a réinventé, l’a voulu plus fantaisiste, asexué.
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Costume Jean-Paul GAULTIER pour le ballet Blanche Neige de Angelin PRELJOCAJ ( –
Gaultier amènera sa marinière à la danse « les pulls marins vont avec tout, ne se démodent pas et ne se démoderont probablement jamais » J.P.G
Marinières GAULTIER pour le ballet Ana de Régine CHOPINOT (Collection du Centre National du Costume de Scène )
Si il y a eu, en effet, une collaboration forte entre un chorégraphe et un couturier, ce fut celle de Maurice BÉJART et Gianni VERSACE. » Un jour on m’a fait savoir qu’il y avait à la Scala un jeune designer très doué qui dessinait pour la danse et l’opéra et que je devais rencontrer. C’était Gianni Versace » …. De leur union artistique naîtrons douze ballets, une grande complicité et une forte amitié. Comme il l expliquera souvent, Béjart a permis à Versace d’aller encore plus loin dans ses inspirations pour les costumes.Le couturier a réellement fait corps avec la danse, allant même jusqu’à avoir un atelier sur scène, coupant, cousant quasiment en direct.
Costume Gianni VERSACE pour Élégiepour elle, L..., aile de Maurice BÉJART (Prêt du Béjart Ballet Lausanne)
Costume de Gianni VERSACE pour Patrice Chéreau devenu danseur de Maurice BÉJART (Prêt du Béjart Ballet Lausanne)
Détail costume Gianni VERSACE pour Sissi de Maurice BÉJART (Prêt du Béjart Ballet Lausanne)
Christian LACROIX : « J’aime les choses insensées. Le tutu en est une . C’est une invention folle à la fois féérique et surréaliste, mais le tutu appartient à la tradition et c’est là qu’il prend toute sa dimension, tout son intérêt.Aucun designer, aucun couturier ne pourra jamais rivaliser avec un vêtement pareil. Le tutu n’est pas né d’hier. »
Ce couturier a véritablement excellé dans la création de costumes pour la danse. Il a toujours eu un profond respect pour le tutu, son histoire. Ses créations dans ce domaine sont magnifiques, utilisant des belles matières : tulle, satin, dentelle, soie, taffetas, organza. Les couleurs sont splendides et jouent entre elles. Il y a beaucoup d’élégance et de raffinement. Son travail se base souvent sur l’esprit de ce qui se faisait autrefois.
Il a réalisé de très nombreux costumes, collaboré a plus de 25 productions que ce soit pour l’opéra, la danse ou le théâtre. Ci-dessous les tutus confectionnés pour Les Anges ternis de Mikhail BARYSNIKOV.
Tutu de Christian LACROIX pour le ballet Les Anges Ternis de Karole ARMITAGE (Collection de l’Opéra de Paris)
Iris VAN HERPEN : créatrice néerlandaise, la première à utiliser une imprimante 3D et découpe au laser pour la haute couture . Van Herpen a fait de la danse dans sa jeunesse et elle est retournée vers cet art en travaillant pour des costumes demandés par l’Opéra de Paris, le New York City ballet, la Compagnie Sasha Waltz et autres … Dans ce genre de réalisations, elle utilise des textures peu utilisées pour des costumes de danse comme le coton, métal et le cuir. Son travail dans ce domaine comme dans ce qu’elle propose pour la mode est à la fois étrange et fascinant
Tutu Iris VAN HERPEN pour Clear Loud Bright Forward de Benjamin MILLEPIED( Prêt de l’Opéra de Paris )
Je vous invite à admirer d’autres costumes présents dans l’expo :
Costume de Karl LAGERFELD pour Brahms-Schönberg Quartet de George BALANCHINE ( Prêt de l’Opéra de Paris )
Costume d’Olivier ROUSTEING ( Maison BALMAIN ) pour le ballet Renaissance de Sébastien BERTAUD ( prêt de l’Opéra de Paris)
Costume de Maria Grazia CHIURI ( Maison DIOR ) pour Nuit Blanche de Sébastien BERTAUD ( Prêt de l’Opéra de Rome )
Costume de Issey MIYAKE pour The Loss of Small de William FORSYTHE (Prêt Forsythe Productions)