Collection COURTAULD-Le parti de l’impressionnisme …

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Samuel COURTAULD

  » Ceux qui reçoivent la faveur de la fortune doivent utiliser leur argent non seulement pour leur propre plaisir, mais aussi pour faire avancer les causes de la civilisation  » Samuel COURTAULD

Si vous avez envie d’admirer des chefs-d’oeuvre  impressionnistes magnifiques que vous avez certainement vus dans des livres, des photos ou autres, parce qu’ils sont connus, mais que vous n’avez pu admirer  » en réel  » devant vous, parce qu’il se trouvent, habituellement, dans leur écrin d’origine à savoir la Galerie Courtauld de Londres , eh bien c’est l’occasion où jamais de vous rendre à la Fondation Vuitton pour pouvoir le faire !

L’exposition, présentée de façon chronologique, sur sept espaces, et couvrant une soixantaine de tableaux ,  s’intitule :  » La Collection Courtauld – Le parti de l’impressionnisme. » jusqu’au 19 Juin 2019 

On peut dire que c’est une première,  car la dernière fois qu’une telle occasion nous a été offerte en France ( en quantitatif moins riche ) c’était il y a environ 60 ans, au musée de l’Orangerie. Si cela a été possible cette année, c’est tout simplement en raison du fait que  la Galerie Courtauld est, actuellement, fermée pour travaux importants de rénovation, aménagements divers, création de nouvelles salles etc….Certaines œuvres ont donc pu quitter Londres. D’autres non ( malheureusement)  en raison de leur fragilité. C’est donc une grande chance !

Samuel Courtauld, magnat du textile, mécène, fut un immense collectionneur quelque peu idéaliste, mais très intuitif, instinctif et efficace . Certes il l’a été par plaisir personnel, mais pas uniquement : il le fut aussi pour que d’autres puissent, un jour, en profiter. Ce fut la même chose avec son argent : il a tenu à ce qu’il soit mis au profit de celles et ceux qui souhaitaient s’instruire et élargir le champ de leurs connaissances, un souhait partagé avec son épouse Elizabeth. Il va aussi aider de jeunes talents à percer dans le monde difficile de l’art ; tout comme il s’attellera à la création d’un Institut  et d’une Galerie .

L’impressionnisme est un mouvement qui a pris son nom en 1874. Mais ce n’est qu’en 1886 à partir de l’exposition qui eut lieu à New York, organisée par le marchand d’art Paul Durand-Ruel ( Travaux huile et pastel par les impressionnistes français) que ces peintres vont, petit à petit, être reconnus et que leur travail sera apprécié. En France il le sera un peu plus tard vers 1890 lorsque des  œuvres impressionnistes entrent au musée du Luxembourg de Paris et que certains artistes en présentent d’autres à l’Exposition universelle de 1900. L’Angleterre de son côté ( et ce même si, à une certaine époque, elle a accueilli bon nombre de peintres  français, dont des impressionnistes) a été très longtemps hostile à ce mouvement  avant de lui ouvrir son cœur et ses portes. Courtauld a été de ceux qui ont vraiment tout fait pour qu’il en soit ainsi.

Lorsque Samuel Courtauld et son épouse Elizabeth vont s’intéresser à ce genre de peinture en 1917, l’intérêt porté à l’impressionnisme était donc assez récent (une trentaine d’années). Toutefois, il ne faisait pas encore totalement l’unanimité sauf dans certains milieux fréquentés par des historiens, critiques ou marchands d’art. Par ailleurs, à l’époque où il a débuté sa collection, certains de ces artistes étaient morts depuis peu, ou ne l’étaient pas encore ( Monet décédera en 1926, Renoir l’était depuis 1919, et Cézanne en 1906 par exemple ).

Tout a commencé avec deux expositions visitées  à Londres : l’une à la National Gallery et l’autre au Burlington Fine Arts Club regroupant des peintures impressionnistes. La première provenait du legs d’un marchand d’art irlandais et la seconde avait été organisée par un historien et critique d’art : Roger Fry.

C’est vrai que les époux Courtauld ont basé leurs achats d’après leur propre jugement, mais ils se sont attachés également les conseils de personnes très affûtées, expérimentées et sérieuses dans le domaine de l’art, qui, bien souvent, vont les orienter vers des pistes intéressantes pour acquérir ce qu’ils recherchaient,  ou les mettre en contact avec des excellents intermédiaires  : Roger Fry, cité ci-dessus,  grand connaisseur dans le domaine impressionniste, fervent supporter du mouvement et ce même si la critique anglaise ne l’encourageait  pas, mais aussi Percy Moore Turner (marchand d’art à l’Independent Gallery ), Charles Carstairs ( directeur de la Knoedler Gallery ) , Joseph Duveen  (marchand d’art qui le conseillera pour l’achat de Un bar aux Folies Bergères d’Edouard Manet et La Loge de Renoir

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 » La loge  » 1874 – Pierre Auguste RENOIR – ( Galerie Courtauld/Londres-Angleterre)
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 » Un bar aux Folies Bergères  » – 1881/82 Edouard MANET ( Galerie Courtauld/Londres-Angleterre) – Ce tableau illustre l’affiche de l’expo.

C’est au Burlington qu’il découvre Cézanne : un choc émotionnel pour lui. Non seulement il va énormément apprécier son travail, mais  acquérir de nombreuses toiles ( Nature morte au Cupidon en plâtre, l’Étang des sœurs, Osny, Grands arbres au jas de Bouffan, la Montagne Sainte Victoire au grand pin etc … j’en passe et des meilleures.

 » Sur le moment j’ai ressenti de la magie et je suis tombé dans Cézanne pour toujours !  » disait-il

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 » Nature morte au chérubin ( ou Cupidon ) en plâtre  » – 1894 env. – Paul CÉZANNE  ( Galerie Courtauld/Londres-Angleterre) – Les époux Courtauld vont acheter en tout et pour tout 11 tableaux et diverses aquarelles de ce peintre, entre 1923 et 1931)
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 » L’homme à la pipe  » – Vers 1892/96 – Paul CÉZANNE ( ( Galerie Courtauld/Londres-Angleterre)
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 » Les joueurs de cartes  » Vers 1892/96 – Paul CÉZANNE – ( Galerie Courtauld/Londres-Angleterre)
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 » Vue sur l’Estaque  » – 1883/1885 – Paul CÉZANNE ( Galerie Courtauld/Londres-Angleterre)

Elizabeth Courtauld a été une passionnée d’art : elle fut une grande mélomane qui a organisé divers concerts à Londres. D’autre part c’est elle qui a donné le virus de la peinture  à son époux et l’influencera dans ce domaine. Tous deux ont voyagé en France, Allemagne, Italie, visitant de nombreux musées,  achetant ensemble, au coup de cœur, uniquement des tableaux qui suscitaient en eux une émotion.

Une collection qui s’est faite en très peu de temps, à savoir dix ans.  Elle fut placée, au départ, dans leur maison – Elle débute réellement en 1922  avec notamment Saint-Paul Côte d’Azur ( c’est Elizabeth qui l’achète ) de Jean Hippolyte Marchand puis Une Femme à la toilette de Renoir.

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 » Saint-Paul, Côte d’Azur  » – Jean Hippolyte MARCHAND – 1921 – ( Galerie Courtauld/Londres-Angleterre)

Au fil du temps les post-impressionnistes sont venus rejoindre les impressionnistes dans leurs fonds. Il a réellement dépensé des fortunes , s’est montré très pointu dans ses choix, privilégiant le meilleur, ce qui pouvait réellement représenter une valeur sure dans le marché de l’art. Cela fera de lui, à l’époque, le plus grand acheteur reconnu dans ce domaine, ou en tous les cas, le premier à s’être intéressé à ces deux mouvements picturaux.

Samuel Courtauld est né en 1876 à Braintree ( Comté de l’Essex ) dans une famille plutôt aisée  originaire de Bretagne , laquelle s’est établie en Angleterre pour échapper aux persécutions qui sévissaient en France après la révocation de l’Édit de Nantes. C’est là qu’ils ont fait fortune dans le domaine de l’orfèvrerie jusqu’au jour où l’un de ses aïeuls, portant le même prénom que lui,  a décidé de se lancer dans l’industrie de la soie, où il réussira fort bien

Il a plusieurs frères et sœurs ( ils sont six au total ). Sydney son père travaillait dans la société familiale et sa mère Sarah s’occupait , en dehors de ses enfants, de tâches et engagements divers  au sein de la collectivité locale. Ils sont assez croyants et inculquent à leurs enfants, en dehors d’une foi profonde, la notion du partage avec les autres. C’est quelque chose qui restera ancrée à jamais dans la personnalité de Courtauld.

Bien sur, il intégrera, lui aussi,  l’entreprise familiale qu’il fera progresser grâce à un brevet visant plus particulièrement la soie artificielle appelée viscose. Son travail le propulsera directeur général en 1917 et président en 1921. Entre-temps, il a épousé Elizabeth Theresa Frances Kelsey ( 1901)

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On les voit en compagnie d’amis : lui est assis à gauche sur les escaliers – Elle debout derrière lui.

C’est avec elle que débutera son intérêt pour la peinture ; lequel deviendra une passion assez profonde,  un ressenti quasi spirituel, quelque chose qui le transcende, qui fait voyager son esprit, qui arrive à le convaincre que l’art a le pouvoir de traverser le temps, les siècles, et qu’il est humaniste en ce sens qu’il réunit les hommes.

Pour pouvoir l’assouvir  il dépense sans compter ! La période où ils ont fait le plus d’acquisitions, de façon assez compulsive,  se situe entre 1926 et 1929 : Les joueurs de cartes de Cézanne – Le rêve de Paul Gauguin –  Un bar aux Folies Bergères de Edouard Manet ou Autoportrait à l’oreille bandée de Van Gogh par exemple datent de cette époque là

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 » Autoportrait à l’oreille bandée  » – 1889 – Vincent VAN GOGH – ( Galerie Courtauld/Londres-Angleterre)
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 » Te Rerioa – Le rêve  » –  1897 – Paul GAUGUIN ( Galerie Courtauld/Londres-Angleterre)

C’est en partant de ces sentiments, qu’il n’y aura pas uniquement la collection privée  réunie dans leur maison personnelle à Londres, mais qu’il fera, d’une part , d’autres acquisitions pour enrichir les fonds de la Tate Gallery et de la National Gallery en tableaux français ; qu’il versera 50.000 livres à chacune de ces deux institutions  pour qu’elles  puissent développer leurs collections en tableaux impressionnistes/post-impressionnistes et que, d’autre part, il créera, plus tard, l’Institut et la Galerie Courtauld.Ce sont des missions qu’il mènera de front sans distinction l’une de l’autre .

La collection privée prendra fin en 1929 lorsqu’il apprendra que son épouse est atteinte d’un cancer. Elle meurt en 1931. Difficile pour lui , alors, de continuer ce que durant des années ils avaient partagé ensemble. A partir de là, il cède, au départ, une bonne moitié des œuvres de cette collection ( à peu près 75 ) – Un choix qui, semble t-il, ne sera pas trop apprécié par la National Gallery qui pensait  que ce serait elle qui recevrait tous ces superbes trésors compte tenu du fait qu’elle était déjà détentrice d’un fonds acheté par Samuel Courtauld.

Faute d’avoir pu trouver, à ce moment là, des locaux pour l’Institut, il léguera également, en 1932, sa résidence personnelle de Home House qui se trouvait à Portman Square  . L’Institut Courtauld va rester en ce lieu durant 60 ans ! Une plaque rappelle qu’il est dédié à la mémoire de son épouse.Il fut  créé avec le diplomate et vicomte Lee Of Fareham et l’historien, avocat Robert Witt. Aujourd’hui l’endroit est devenu un club et la plaque est toujours là.

En 1989, l’Institut et la Galerie Courtauld seront transférés à Somerset House. A la mort de Samuel, la seconde partie de sa collection privée viendra s’ajouter à la première partie cédée en 1931. Puis viendront au fil du temps : les legs des deux autres fondateurs Lee of Fareham, Robert Witt,  leurs descendants, ainsi que ceux d’autres personnalités connues.

L’Institut Courtauld gère la galerie et les collections. Il est spécialisé dans l’histoire de l’art, mondialement réputé pour son enseignement et ses travaux de restauration et conservation. Il est, de plus, détenteur d’un fonds exceptionnel d’archives et de documentations diverses.

La Galerie renferme 530 tableaux, 8000 dessins, 500 sculptures, 25000 gravures, des ivoires du Moyen-Âge, des émaux, des pièces d’art islamique, des pièces de la Renaissance italienne. La collection impressionniste et post impressionniste privée des Courtauld  est l’une des plus importantes . Non pas qu’elle le soit en quantitatif, mais par la qualité et la célébrité des tableaux qui en font partie. Elle compte de précieux peintres comme Modigliani, Manet, Monet, Seurat, Renoir, Van Gogh, Toulouse Lautrec, Cézanne, Sisley, Daumier, etc etc… sans oublier les Turner qui sont un legs de la collection de son frère Stephen Courtauld.

COURTAULD Institut et galerie

Institut et Galerie COURTAULD

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 » Neige à Louveciennes  » – 1874 env. Alfred SISLEY  ( Galerie Courtauld/Londres-Angleterre)
COURTAULD Place lafayette PISSARRO
 » Place Lafayette à Rouen  » – 1883 – Camille PISSARRO ( Galerie Courtauld/Londres-Angleterre)
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 » Effet d’automne à Argenteuil  » – 1873 – Claude MONET ( Galerie Courtauld/Londres-Angleterre)

J’ai parlé du grand intérêt porté par Samuel Courtauld à Cézanne, mais il en est un autre, peintre néo-impressionniste, pour lequel non seulement il a éprouvé une grande admiration, mais dont il a, là encore, fortement défendu le travail : il s’agit de Georges Seurat. Il avait notamment acheté en 1924 Une baignade à Asnières pour la National Gallery de Londres, mais vers la fin de sa vie, il a entrepris un travail important de classement de son œuvre. Deux peintres assez différents mais qui ont attiré son attention probablement en raison de leur radicalité à l’un et à l’autre, différents mais avec la même envie d’apporter de la nouveauté et de la modernité au mouvement impressionniste.

(c) The Courtauld Gallery; Supplied by The Public Catalogue Foundation
 » Le pêcheur  » – 1884 – Georges SEURAT ( Galerie Courtauld/Londres-Angleterre)
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 » Jeune femme se poudrant  » – 1888/1890 – Georges SEURAT ( Galerie Courtauld/Londres-Angleterre)

Indépendamment de cette collection privée, il y a des œuvres qui furent offertes, par le couple, à différents musées , à des membres de leur famille, à des amis. Certaines furent rachetées par la National Gallery, d’autre conservées par leurs propriétaires et se classent comme étant des collections privées.

 

P.S. : Après avoir vu l’expo ci-dessus, vous pouvez ( sans quitter les lieux ) voir celle qui se trouve au premier étage à savoir  » Le parti de la peinture « , plus contemporaine de la précédente, puisque mettant en scène des peintres  comme : Joan Mitchell – Gerhard Richter – Ettore Spalletti – Jesus Rafael Soto –  Soulages – Buren, Alex Katz ( pop art ) etc…. personnalités dont certaines sont connues et d’autres dont vous ferez probablement la découverte. Un panel de 70 pièces partant des années 60 à nos jours.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le café … par Mahmoud DARWICH

 » Le café, pour l’amateur que je suis, c’est la clé du jour. Il faut se le préparer soi-même et ne pas se le faire servir. Car celui qui vous l’apporte y ajoute ses paroles et le café du matin ne supporte pas le moindre mot. Il est l’aube vierge et silencieuse. L’aube, mon aube, est étrangère à la moindre parole. L’odeur du café hait le montre bruit, fut-ce un simple bonjour, et se gâte … Le café, la première tasse de café, est le miroir de la main, de cette main qui tourne le breuvage. Ce café est déchiffrement du livre ouvert de l’âme, devin des secrets que le jour renferme.  » Mahmoud DARWICH ( Écrivain et poète palestinien / Extrait : Une mémoire pour l’oubli – Beyrouth le lieu -Un jour d’août 1)

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Le Camélia Rouge …

 » Au milieu des plantes fragiles
qu’une vitre épaisse défend,
plusieurs boutons pointent, fragiles,
un premier cocon vert se fend.
Déjà, le long des pots d’argile,
on devine du bleu, du blanc.
Un cyclamen joue au volant,
– soignez les petits pots d’argile –
Mais plus haut, bien plus haut déjà,
vers les branches qui se ravivent
une fée a passé. Déjà
en bouffette de pourpre vive
Le premier cocon se changea.
Cocarde rouge – est-ce un insigne ?
Velours sombre jaspé de clair,
dans le sang, deux plumes de cygne…
De quelle infante est-ce l’insigne?
Rose orgueilleuse de l’hiver,
on la sent faite pour des gerbes
qu’on vendra tôt, qu’on vendra cher,
bien avant la saison des gerbes!
Fleurs des sillons, des bois, de l’herbe,
vous n’entendez rien à cela.
C’est pour des doigts trop blancs, trop las,
que l’on cueille ces branches-là.
Branche verte aux feuilles vernies
vous offrant en cérémonie
cette corolle sans parfum…
Vers les boudoirs, vers les palaces,
les rameaux s’en vont un à un.
Dans le cadre des hautes glaces,
saluez la fleur des palaces.
Vous parlez de cette main lasse
de la Dame aux camélias.
Je ne sais pas ce qu’il y a
dans le cœur des camélias;
je n’y cherche ni l’humble grâce
ni l’arôme de tant de fleurs –
De s’ouvrir à la Chandeleur
dans une atmosphère factice,
d’être rare; d’être une fleur
avant que d’autres ne fleurissent,
de tout ce qu’il y a de factice
lui sais-je gré? Je ne sais pas.
Je l’aime à l’abri des frimas
pour tout ce qu’il est ou n’est pas.
Immobile papillon rouge
entre deux feuilles qui ne bougent
il est sous les vitres, là-bas,
le premier camélia rouge. » Sabine SICAUD (Poétesse française)
CAMELIA ROUGE
Le camélia se trouve en différentes espèces et couleurs. Sa floraison s’étale entre septembre et mai.

 

Le TALISMAN de SÉRUSIER … Une prophétie de la couleur

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SERUSIER TALISMAN 1888 MUSEE ORSAY
 » Le Talisman, l’Aven au bois d’amour  » – 1888 – Paul SÉRUSIER ( Musée d’Orsay – Paris / France ) Tableau illustrant l’affiche de l’expo. A la mort de Sérusier, il entrera dans la collection du peintre Maurice Denis – Le musée d’Orsay va l’acquérir en 1985 -A noter que Sérusier et Denis ont partagé  une très longue et fidèle amitié qui a débuté en 1888. Denis admirait beaucoup celui qu’il considérait un peu comme son maître, sa peinture, sa culture générale intellectuelle et artistique, son côté rassurant et heureux. Il a écouté avec beaucoup d’attention tous les enseignements que Sérusier avait reçus de Gauguin en matière d’esthétique, de modernité, de technique et tout cela aura un ascendant très fort sur lui. Après la mort de son ami , Maurice Denis entretiendra longtemps la mémoire de celui qui, durant des années, avait été le guide pictural de nombreuses générations venues après lui.
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Paul SÉRUSIER

C’est un petit tableau ( 27 cm de hauteur et 21,5 cm de largeur – s’appelant au départ Paysage au Bois d’Amour ) qui est au centre de l’exposition proposée par le Musée d’Orsay du 29 Janvier au 28 Avril 2019, intitulée :

 » LE TALISMAN de SÉRUSIER – Une prophétie de la couleur  » en collaboration avec le musée de Pont Aven, musée de Morlaix, musée des Beaux Arts de Rennes, musée des Beaux Arts de Brest et collections privées.

On a dit qu’il fut peint sur le couvercle d’une boite à cigares. Cette affirmation semble être erronée si l’on se base sur la minutieuse restauration  réalisée par le Centre de Recherches et de Restauration des musées de France. Ils’agirait, tout simplement,  d’une  planchette de bois, plus précisément du bois de peuplier, lequel n’était quasiment pas utilisé pour des boites à cigares, mais l’était par contre par les peintres qui s’en servaient comme support pour leur  peinture. Les pigments employés  à l’époque,  furent,  du vermillon, du violet de cobalt, du jaune de chrome, du vert à base de cuivre et arsenic  (vert véronèse) , du bleu cobalt, et pour le bleu clair un mélange de blanc de plomb avec du bleu cobalt.

Un tableau somme tout assez énigmatique par ce paysage particulier, émotionnel, émouvant,  et quand on connait son histoire : une leçon de peinture, de technique, lumière, de couleurs, donnée par Paul Gauguin,  à un tout jeune homme de 23 ans  (Sérusier ) qui va en revenir complètement bouleversé.

Une œuvre datant de 1888,  qui  peut ne pas avoir retenu l’attention de beaucoup ( tout comme d’ailleurs celui qui l’a peint et qui, très probablement,  ne pensait jamais que son petit tableau connaîtrait un tel engouement  dans le futur  ) – Pourtant, picturalement parlant, il  est mythique. Il a représenté une façon différente de voir les choses, sans  chercher, surtout,  à le faire telles qu’elles apparaissaient, mais comme elles étaient ressenties.

Il est considéré comme un véritable chef-d’œuvre, une icône. On lui a donné le nom de Talisman, ce qui a une portée assez importante et sacrée, alors qu’à l’arrière est inscrit, tout simplement,  de façon manuscrite : fait en octobre 1888 sous la direction de Gauguin par Sérusier Pont Aven « . Il est important car il permet (avec La vision après le sermon de Gauguin et Les Bretonnes dans la prairie de Emile Bernard)  de mieux comprendre comment est né le mouvement du synthétisme.

Le synthétisme c’est un terme que les post-impressionnistes ont utilisé pour se différencier des impressionnistes. Ces artistes avaient en commun le souhait de rompre avec la tradition, les normes. La vision de la nature et de la lumière  telles qu’elles apparaissaient aux impressionnistes ne leur convenait pas. Ils étaient beaucoup plus empreints d’une force créatrice qui les poussait à être profondément attachés à l’étude du visible par la pensée et l’esprit ,  aux principes de la perception, aux formes, au spirituel et à l’émotionnel au travers les effets de la lumière, à l’harmonieux d’un paysage.

 A bien regarder ce petit tableau , on se dit qu’il a  quelque chose des dernières œuvres de l’impressionniste Monet, quelque chose d’abstrait sur le plan du synthétisme, avec la couleur qui domine, qui est essentielle parce qu’elle occupe toute la surface. Chaque élément observé que ce soit l’eau, la lumière, les ombres,  les arbres, les maisons, le chemin, le bois lui-même est représenté par une tâche de couleur. Gauguin semble avoir beaucoup insisté sur la couleur. A ses yeux elle est apparue comme essentielle dans ce qu’il voulait expliquer. Les couleurs devaient  quasiment remplacer les formes, des formes bien agencées, même si éloignées de la réalité mais qui donne la disposition de chaque élément du sujet..

On sent que Gauguin a souhaité, avant toute chose, donné à ce jeune peintre une leçon de liberté picturale, un presque  »lâchez-vous » audacieux, une liberté sans entraves, sans contraintes limitatives, et, ce même poussée à l’exagération.

:  » Comment voyez-vous ces arbres ? Ils sont jaunes. Eh bien mettez du jaune. Cette ombre ? Plutôt bleue. Ne craignez pas de la peindre aussi bleue que possible. Ces feuilles ? Rouges. Mettez donc du vermillon. Et cet arbre ? Il est bien vert. Mettez donc du vert, le plus beau vert de votre palette …  » Paul Gauguin à Paul Sérusier ( Propos rapportés par Maurice Denis ).

Petites précisions d’importance : d’abord ce  » bois d’amour «  : il existe ! Il se trouve à Pont Aven, en Bretagne, et longe la rivière de l’Aven. On dit de lui que c’est un endroit délicieux, propice à la rêverie et aux promenades.

TALISMAN Bois d'amour photo musée pont aven
 » Bois d’amour  » au bord de l’Aven ( Document / Musée de Pont Aven )
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 » Madeleine au bois d’amour  » – 1888 – Émile BERNARD  ( Musée d’Orsay – Paris / France )
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 » La dormeuse au bois magique  » 1892 – Maurice DENIS ( Collection particulière )

La Bretagne est une région de France qui a eu énormément d’importance dans la peinture, comme la Normandie. Beaucoup de peintres, en effet, ont été attirés, tout simplement parce qu’elle semblait hors du temps, offrait une nature sauvage magnifique,  des traditions ancestrales,  des paysages poétiques, loin de toute industrialisation et urbanisation .

Pont-Aven a accueilli des artistes (beaucoup d’américains, mais aussi des danois, et des français)  qui fuyaient la ville. Au départ des peintres académistes, impressionnistes, naturalistes, divisionnistes. Lorsque Gauguin, en quête de quiétude et d’inspiration, va les rejoindre en 1886, les choses vont évoluer ; Et elles le feront  encore plus avec la venue, deux ans plus tard, de Emile Bernard. Ces deux hommes vont être en osmose dans leurs idées de modernité picturale. Ils recherchent, expérimentent, échangent des techniques, préfèrent l’art populaire, celui plus médiéval, les estampes japonaises à toute forme de peinture officielle.  Ils feront de ce petit bourg (avec d’autres partageant les points de vue ) un centre très avant-gardiste, qui deviendra  célèbre sous le nom de École de Pont-Aven. Celles et ceux qui en feront partie s’écarteront de l’impressionnisme, et de toutes les particularités de cette peinture, pour se tourner surtout  vers la couleur, vers des formes simplifiées.

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 » Au-dessus du gouffre  » ( ou Marine avec vache ) – 1888 – Paul GAUGUIN ( Musée d’Orsay-Paris/France)

Paul Sérusier est né en 1864  à Paris dans une famille plutôt aisée ( son père travaillait dans une société de parfums ) .  Il a suivi de très brillantes études secondaires au lycée Condorcet, lesquelles se sont clôturées par l’obtention d’un bac philo en 1882 et mathématiques en 1883.

Passionné par l’art et la peinture, et malgré les réticences paternelles , il entre à l’Académie Julian à Paris.  Comme beaucoup à cette époque, il décide de partir en 1888 pour Pont Aven, petite ville bretonne au sud-est du Finistère. La Bretagne est une région de France qui restera chère à son cœur, il y passait déjà des vacances étant enfant ( à Concarneau précisément  )

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 » Intérieur à Pont-Aven « – 1888 – Paul SÉRUSIER ( Musée de Pont-Aven / France )

Pont-Aven accueille un grand nombre d’artistes français mais étrangers également, des peintres surtout . Il se rapproche de ceux qui sont assez proches de Paul Gauguin et Emile Bernard. C’est là qu’il reçoit cette fameuse leçon de Gauguin. Il restera celui des Nabis qui retournera très souvent à Pont Aven et les œuvres qui viendront après le Talisman, témoigneront de l’influence que Gauguin a pu avoir sur lui. Il y aura d’autres rencontres avec Gauguin après Pont Aven. Sérusier sera présent au banquet d’adieu qui lui fut offert  avant son départ pour Tahiti, le retrouvera à son retour en 1894 et fréquentera souvent son atelier à Montparnasse.

Au départ, ce tableau  ne fut qu’une sorte d’étude, quelque peu insolite, réalisée en plein air, puis lorsque Sérusier, de retour à Paris, le montra à ses collègues : Pierre Bonnard, Maurice Denis, Henri-Gabriel Ibels, Paul-Elie Ranson , et leur expliqua la leçon reçue de Gauguin , ses conseils, et plus particulièrement celui de  peindre en se basant sur des ressentis, des émotions et non sur ce qu’il voyait. En expliquant cela à ses amis, en montrant le travail qu’il en résultait, il leur a donné une autre vision de la peinture.

Ceux-ci, subjugués, vont le baptiser le Talisman, l’accrocheront au mur comme une référence mythique, une interprétation de ce que devait être la peinture pour eux, un manifeste pour la postérité. Il ne quittera jamais l’endroit. Il sera au centre de leurs discussions. Ils vont adopter les idées et préceptes initialisés par Gauguin , y insérer d’autres expressions artistiques qui leur seront plus personnelles, plus révolutionnaires, tournées vers la spiritualité. C’est à ce moment là que leur mouvement Nabi est né.

Les Nabis : les caractéristiques de ce mouvement sont les suivantes  : retrouver le spirituel et le sacré, le mystique,  dans la peinture et ce en partant de la philosophie et des doctrines orientales ; valoriser l’intériorité ;  se libérer de toute forme de réalisme ; donner à la lumière une place prédominante ; utiliser des grands aplats de couleurs pures, des contours plus simplifiés, mais aussi  une palette libre, des formes simples, des supports qui ne furent pas obligatoirement ceux que l’on pouvait trouver de façon plus habituelle ou conventionnelle;  De leurs œuvres se dégagent une forme de spiritualité, un côté sacré ( Nabi : veut dire prophète en hébreu, ceci explique donc cela )- Au départ on qualifiera leur peinture de synthétisme, avant que Maurice Denis ne lui donne le nom de Néo-traditionnisme.

Leur curiosité constante  a fait qu’ils ne se sont pas uniquement intéressés à la peinture, mais également aux affiches,  aux vitraux, la tapisserie, le papier peint, les décors de théâtre, les illustrations de livres, mais aussi au japonisme, et  à la musique de leur époque.

Les membres qui le composent furent très éloignés des bourgeois, plutôt près du peuple, et quelque peu anarchistes. Ils ont eu en commun la passion de la littérature symbolique et les textes ésotériques; Par leur action, qui se situe après l’impressionnisme, ils vont ouvrir la porte au fauvisme, au cubisme et au surréalisme. Dans ce groupe, ils parlent de l’art bien sur, des théories s’y rapportant, d’occultisme, d’ésotérisme, de symbolisme également. Leurs réunions se tiennent dans l’atelier de l’un d’entre eux (Paul Ranson, boulevard Montparnasse). Ils l’appellent le Temple.

Paul Sérusier, artiste audacieux,  a été l’un des initiateurs de ce mouvement. Chacun de ceux qui l’ont composé avait un surnom qui lui était propre (sauf Ker Xavier Roussel, probablement en raison du fait qu’il a toujours était un peu en retrait )  : Sérusier ce sera le nabi à la barbe rutilante, Bonnard le nabi japonard,  Ranson le nabi plus japonard que le nabi japonard , Ibels le nabi journaliste, Denis le nabi aux belles icônes, Verkade le nabi obéliscal, Lacombe le nabi sculpteur, Vuillard le nabi zouave, Ballin le nabi danois, Rippl-Ronal le nabi hongrois,  et Vallotton le nabi étranger,.

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 » Le Nabi à la barbe rutilante – Portrait de Paul Sérusier  » – 1894 – Georges LACOMBE ( Musée départemental Maurice Denis à Saint-Germain-en -Laye / France )
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 » Portrait de Paul Ranson en tenue nabique  » – 1890 – Paul SÉRUSIER ( Musée d’Orsay -Paris / France )

 

Aux premiers membres du départ , se rajouteront, par la suite Armand Seguin, Edouard Vuillard et Ker-Xavier Roussel. A peu près à l’époque où Gauguin partira pour la Polynésie le groupe va un peu se relâcher et chacun voudra prendre sa route personnelle. Il se dispersera de façon définitive vers 1900.

Ce tableau principalement, mais également toutes ses idées au sein même du mouvement Nabi qui font partie , elles aussi, de cette œuvre, vont se révéler importantes et déterminantes dans la carrière de Sérusier.

Un après être revenu à Paris, il retourne à Pont-Aven, mais en 1893 s’installera définitivement à Chateauneuf-du Faou, toujours dans le département du Finistère, avec celle qui était sa compagne à l’époque à savoir Gabriella Zapolska C’est là qu’il vivra définitivement jusqu’à sa mort, là qu’il créera ce qui restera son univers personnel avec des décorations murales d’inspiration religieuse, mythologique ( grecque et égyptienne) ainsi que d’autres concernant Bacchus et Gargantua.

Cela ne l’empêche pas de se rendre à Paris de temps à autre, notamment en raison de sa passion pour le théâtre qui le conduira à s’occuper de décors pour des pièces au théâtre de l’Art et celui de l’Œuvre. Il participe également à des expositions impressionnistes et symbolistes, mais également à celle des Nabis en 1894 et 1898, ainsi que d’autres au Salon des Indépendants et dans différentes galeries.

Il effectuera, par la suite, un voyage en Allemagne avec Maurice Denis pour rendre visite à Jan Verkade, autrefois l’un d’entre-eux, peintre symboliste néerlandais  , devenu moine depuis,  au monastère de Beuron dans le Bade-Wurtemberg. C’est là qu’il rencontre  le père Desiderius Lenz . Non seulement il adoptera la religion catholique dès son retour en Bretagne,  reviendra dans ce monastère souvent, mais il rapportera avec lui les principes de Lenz sur les proportions géométriques,  à savoir que le dessin était, avant toute chose, une justification de la ligne et que la couleur était là pour mettre en valeur ledit dessin. Les deux devant s’unir à un sujet et former un tout susceptible d’attirer l’approbation et l’attention du public.

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 » Paysage décoratif  » – 1891/92 – Jan VERKADE ( Collection particulière )

C’est à cette époque que l’on entendra parler du cercle chromatique. Il adopte ce principe pour une meilleure définition des couleurs : on part d’un point de couleur et on définit toute une gamme, on nuance les tons en séparant les clairs des foncés, les chauds des froids, et on les fait évoluer dans la périphérie de ce point. Par ailleurs il adopte également la théorie des nombres et l’utilisation des mathématiques dans la peinture .

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 » Cercle Chromatique  » – Non daté – Paul SÉRUSIER – ( Musée de Pont-Aven / France )

Durant de nombreuses années il fera l’objet d’expositions diverses que ce soit dans des Salons, des galeries, ou autres lieux d’importance, en France, en Allemagne. Il travaillera tardivement sur l’art égyptien, les tapisseries du Moyen-Âge, la mythologie,  et les primitifs italiens, ce qui le conduira à la réalisation d’œuvres décoratives. Du reste sa maison à Châteauneuf-du-Faou était imprégnée de tout cet univers. Il enseignera également , publiera des ouvrages sur la peinture, ou plus précisément sur les mathématiques appliquées à la peinture en ce qui concerne les proportions.

Ses dernières années ont été très solitaires ( mis à part les visites de ses amis le peintre Maurice Denis et le sculpteur Georges Lacombe). Il tombera dans une grande dépression en 1902. Six ans plus tard il devient professeur en théorie de l’art à l’académie Ranson de Paris, épousera en 1912 une de ses élèves à savoir Marguerite Gabrielle Claude. Ils auront la grande tristesse de perdre un enfant ( mort-né ) en 1913.

Il meurt terrassé par une crise cardiaque en 1927 à Morlaix – Il est enterré au cimetière Saint Charles. Après sa mort, son épouse ( elle- même peintre ) va tout faire, jusqu’à son propre décès en 1950, et malgré les différents problèmes qu’elle rencontrera, pour que perdure l’œuvre et la mémoire de son mari.

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 » Eve bretonne dit Mélancolie  » – 1890 – Paul SÉRUSIER ( Musée d’Orsay – Paris / France)

 

 

Le chant du Thé … LU TUNG

 » La première tasse humecte mes lèvres et ma gorge. La deuxième bannit ma solitude. La troisième dissipe la lourdeur de mon esprit, rendu confus par tant de lecture. La quatrième exhale une légère transpiration, dispersant par mes pores toutes les afflictions de la vie. La cinquième me purifie. La sixième m’ouvre le royaume des immortels. La septième, ah que ne puis-je en boire davantage ! Je ne perçois plus le souffle du vent qui enfle mes manches. Transporté par cette douce brise, je gagne les cieux … »  LU TUNG ou LU TONG (Poète chinois de la dynastie Tang – Connu davantage pour ses nombreuses études sur le thé que pour sa poésie, ce qui lui a valu le surnom Le fou du thé )

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William MC GREGOR PAXTON

 

La Lecture …

 » La lecture était mon refuge, mon château intérieur, mon rempart contre le monde. Les livres m’ont tout apporté : l’amitié, la passion, la fantaisie, la joie de partager le temps d’une journée, d’une semaine ou d’un mois, une destinée. A travers eux, je me reconstruisais un univers qui n’appartenait qu’à moi.  » Éliette ABÉCASSIS ( Femme de Lettres, réalisatrice, scénariste française)

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Tableau de Eduard SWOBODA

Les Fêtes Vénitiennes … Opéra de André CAMPRA

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André CAMPRA

André Campra est un compositeur qui fut maître de musique à Notre-Dame à Paris. Il a été très vite attiré par le théâtre, mais sa fonction  » religieuse  » ne lui a pas permis  pas de s’y adonner, à l’époque, comme il le souhaitait (certaines de ses partitions s’y référant ont même dû rester anonymes )  . Il sera, par la suite, chef d’orchestre à l’Académie royale où il pourra, enfin, faire interpréter ses compositions ( Les Fêtes Vénitiennes en fait partie ) ; ainsi que maître de musique chez  François Louis de Bourbon, prince de Conti .

Il s’agit là d’un opéra-ballet qui restera un chef d’œuvre célèbre ayant reçu un accueil triomphal de la part du public. On compte une cinquantaine de représentations, ce qui représentait  un chiffre assez important à l’époque ; une œuvre populaire conçue pour être appréciée de tous, mais qui, malgré son succès, lui apportera aussi convoitise, jalousie et envie de la part des  autres compositeurs. Le livret est de l’auteur dramatique Antoine Danchet.

Il y a un prologue ( le triomphe de la raison sur la raison dans le temps du carnaval ) et cinq entrées , trois datent de la création et les autres furent rajoutées plus tard : Les devins de la place Saint-Marc / L’amour saltimbanque / L’opéra ou le maître à chanter / Le bal ou le maître à danser / Les sérénades et les joueurs). Les entrées sont différentes les unes des autres. Sous un côté quelque peu dramatique, c’est très gai, piquant, cocasse, un brin volage et coquin, avec une musique très gracieuse dans le rythme, et qui vocalement parlant est assez « italienne » dans la mélodie  pourrait-on dire.

( Vidéo : William CHRISTIE à la direction des ARTS FLORISSANTS  (Orchestre et Chœur)  Avec, pour la danse, le BALLET DE ROTTERDAM –  Version donnée à l’Opéra Comique de Paris//Mise en scène de Robert CARSEN )

Fernand KHNOPFF – Le Maître de l’énigme …

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Fernand KHNOPFF

 » C’est étrange. Lorsque je mets quelque chose d’incompréhensible dans une image, c’est généralement parce que la forme et la couleur m’intéressent et qu’elle s’intègre parfaitement. Mes amis me disent :  » qu’est-ce que c’est sensé vouloir dire ?  » trouvant tellement d’explications ingénieuses que je me sens très fier de toutes les idées non articulées cachées dans mes images.  »  Fernand KHNOPFF dans une lettre adressée à Alma MAHLER en 1899)

Fernand Khnopff, à la tête d’une œuvre exigeante,  fut l’un des plus grands représentants du mouvements symboliste dans la Belgique de la fin du XIXe siècle . Le rôle qu’il a joué dans la diffusion de l’Art Nouveau fut très important. C’est un peintre, graveur, sculpteur, dessinateur, écrivain qui a connu le succès et la gloire de son vivant ( non seulement dans son pays mais  en France, en Angleterre ou en Allemagne ) avant de tomber dans l’oubli.

Une personnalité   nostalgique, mélancolique, que l’on a souvent dit hautaine, narcissique , misogyne, très solitaire,  fuyant la réalité, ce qui, par voie de conséquence, a donné des tableaux insolites, parfois inattendus, très idéalisés par ses songes et qui dégagent une certaine réserve, de la retenue, de la sérénité

«  Si Fernand Khnopff est peu expansif, combien ne doit-il pas dans le seul à seul de l’étude , discuter avec lui même : pénétrer chez lui, c’est le diable !  » Emile VERHAEREN

Voilà quarante ans que cet artiste n’avait pas eu droit à une rétrospective. Le Petit Palais de Paris corrige le tir, avec le soutien des musées royaux des Beaux Arts de Belgique,  au travers d’une exposition, non chronologique, ayant pour décor ce qui lui a servi de maison-atelier : sa demeure à Bruxelles. Elle s’intitule :

 » Fernand KHNOPFF – Le Maître de l’énigme –  » jusqu’au 17 Mars 2019 

Il a eu droit à divers surnoms comme, par exemple, le peintre aux paupières closes ou bien encore comme l’expo l’indique  le maître de l’énigme , ce dernier se référant probablement à son langage pictural qui fut, en effet, très énigmatique,  mystérieux, mélangeant l’imaginaire aux symboles occultes, au mythologique, à celui plus personnel venu de ses visions nocturnes, et où le côté poétique et assez envoûtant ne furent pas exclus.

Un artiste tout aussi étrange que fascinant, qui a préféré se tenir à l’écart de tout ce qui pouvait représenter le modernisme, la société industrialisée ( qu’il trouve excessivement laide) , le progrès dans la peinture avec notamment l’arrivée des post-impressionnistes, des réalistes ou des futuristes. Il a préféré trouver refuge dans son monde, replié sur lui-même, face à son imaginaire débordant, ses visions, le monde de ses silences intérieurs et de ses rêves ( ces derniers étant placés sous l’aile protectrice du Dieu du sommeil Hypnos, fils de Nyx et Érèbe ( déesse de la nuit et  dieu des ténèbres ) jumeau de Thanatos (dieu de la mort) – Un personnage mythologique qu’il l’a complètement hanté et dont il avait vu une petite sculpture en bronze au British Museum de Londres.

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 » Tête d’Hypnos  » Bronze vers 350-200 avant J.C. ( British Museum / Londres )

Les thèmes abordés vont du paysage ( paysages  teintés de mélancolie)  au portrait , au nu, en passant par tout ce qui a pu avoir attrait à ses rêves, ses fantasmes, ses réflexions personnelles que ce soit sur l’identité, la pluralité des sens,  le silence, la solitude, l’idéal féminin ( toujours assez ambigu chez lui , souvent avec un visage carré, une silhouette androgyne). Il a peint également des masques afin  » d’oublier  » la face humaine et ce qu’elle pouvait représenter de tyrannique à ses yeux.

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 » Le vice suprême  » 1885 – d’après le récit de Josephin Péladan – Fernand KHNOPFF ( Léonora d’Este en Vénus ) – (The Hearn Family Trust)
The Mask, with a Black Curtain, c.1909 (coloured chalks heightened with white on paper)
 » Masque au rideau noir  » – 1892 – Fernand KHNOPFF ( Collection particulière ) – Ce tableau au crayon et pastel sert l’affiche de l’expo )

Son tempérament très souvent romanesque, mélancolique et mystique, se ressent dans sa peinture, laquelle, par ailleurs, est assez proche des préraphaélites anglais rencontrés, non seulement à Bruxelles où ils vinrent nombreux à une certaine époque, mais également  lors d’un voyage à Londres. Il a entretenu, par ailleurs, des rapports assez étroits avec la Sécession Viennoise (courant pictural autrichien prônant l’Art Nouveau)) , a été proche de Gustav Klimt qu’il influencera, du reste, de façon assez déterminante. Magritte, lui aussi, subira la même influence.

Il est né en 1858 à Grembergen-lez-Termonde  ( Belgique ). Son père était  procureur du roi, un poste qui le conduira, avec sa famille, à Bruges , puis à Bruxelles (qui,  à cette époque-là, était une ville en plein essor. L’art y était florissant) où il deviendra juge.

Bruges dont il disait  qu’elle était  une réelle ville morte ,restera profondément ancrée en lui. Il y reviendra bien des années plus tard lorsqu’il était en pleine gloire, sans que personne puisse le reconnaître, incognito, souffrant, tout au fond de lui,  des changements qui s’étaient opérées en elle depuis son enfance.

Fernand arrive dans la capitale belge à l’âge de 8 ans. La famille occupe un magnifique hôtel particulier dans un quartier assez résidentiel. Il a un frère, Georges ( né en 1860) et une sœur, Marguerite ( née en 1864) pour laquelle, aux dires de certains, il aurait éprouvé une passion un peu trop forte. Elle a été son modèle féminin favori jusqu’à ce qu’elle se marie . Il l’a beaucoup idéalisée et ses sentiments l’ont tenu longtemps un peu à l’écart de l’idée de se marier, d’entretenir des relations amoureuses longues. Il épousera  d’ailleurs en 1908  une dénommée Marthe Wornus,  mère de deux enfants,  mais divorcera trois ans plus tard.

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 » Portrait de Marguerite Khnopff  » 1887 – Fernand KHNOPFF ( Ce tableau n’a jamais quitté sa maison. Il se trouvait dans une chambre. Lorsque le peintre est décédé, c’est sa sœur qui l’a repris et l’a installé dans une pièce de sa propre maison où elle avait placé d’autres œuvres de son frère. ) – Fondation du roi Baudouin / Bruxelles – Prêt aux musés royaux des Beaux Arts de Belgique

Selon la volonté paternelle, il se tourne vers des études de droit.. Elles ne dureront pas  longtemps, car à la rhétorique il va nettement préféré le pinceau. Il  suivra des cours chez un peintre de la ville puis entrera à l’Académie des Beaux Arts d’où il ressortira en 1879. Plus que la peinture à l’huile, il a beaucoup affectionné l’aquarelle, le pastel et la sanguine.

C’est à cette époque qu’il décide de se rendre à Paris pour suivre les cours de l’Académie Julian, étudie Eugène Delacroix et Gustave Moreau. puis retour à Bruxelles pour une exposition de ses premières œuvres au Salon de l’Essor. En 1883 il fera partie des membres fondateurs d’un groupe très avant-gardiste le Groupe des XX ( groupe des vingt) créé par Octave Maus,  où il restera dix ans, jusqu’à sa dissolution.

Au début de sa carrière picturale, il a beaucoup peint des portraits, notamment de personnes qui lui sont proches, des enfants également, mais également des personnes issues  de l’aristocratie (plus souvent des femmes que des hommes). Dans ce domaine, il a obtenu une grande reconnaissance.

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« En écoutant du Schumann  » – 1883 – Fernand KHNOPFF ( Musées royaux des Beaux Arts à Bruxelles / Belgique ) – Il s’agit là de sa mère – Elle écoute quelqu’un qui interprète une partition de Robert Schumann , un compositeur que le peintre affectionnait tout particulièrement.  »L’œuvre, toute imprégnée d’une mystérieuse spiritualité, à travers une atmosphère finement vibrante de musique, donne la sensation d’une vie repliée et s’écoutant souffrir au bercement d’un chant voilé et triste  » disait Camille LEMONNIER à propos de ce tableau.
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 » Portrait des enfants de Louis Nève  » 1893 – Fernand KHNOPFF ( Gand Courtesy Francis Maere Fine Arts )

Ses nombreux paysages furent particulièrement ceux de Fosset, dans les Ardennes, là où il avait l’habitude de passer des vacances avec sa famille durant l’été. Ils sont très généralement épurés, sans présence humaine.

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 » A Fosset – Sous les sapins  » 1894 – Fernand KHNOPFF (Musées royaux des Beaux Arts de Belgique )
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 » A Fosset – De la pluie  » – 1886 – Fernand KHNOPFF ( The Hearn Family Trust )

Il a été au centre de très nombreuses expositions en Europe, fut auréolé de succès et de gloire.

J’ai fait référence à sa maison-atelier : elle est au centre de  l’expo et lui sert quasiment de décor . Elle se trouvait avenue des Courses à Bruxelles. C’est l’architecte Edouard Pelseneer  qui va superviser sa réalisation, laquelle s’achèvera  en 1902. Une maison, tel un temple,  décorée par tout un tas d’objets très bizarres, des animaux empaillés, des masques etc… Ce lieu, dédié à son œuvre, a  eu des noms divers :  » le temple de moi  » – «  l’asile du beau  »  ou bien encore  » le castel du rêve » . Elle a été  démolie depuis et remplacée par un immeuble.

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Maison du peintre avant sa démolition

Il a porté un grand intérêt à la photographie entre 1889 et 1902 . Lui se disait être un amateur qui n’avait pas de grandes connaissances techniques,  alors qu’il possédait des appareils très perfectionnés. La photo sera complémentaire de sa peinture, notamment pour la pose et la gestuelle , mais aussi  parce qu’il retranscrivait certains clichés sur la toile, pouvant, à la guise, les modifier, enlever le superflu qui pouvait lui déplaire etc…

Il est mort en 1921 – Ses obsèques auront lieu en l’église de la place Saint Josse. et sera inhumé dans le caveau familial du cimetière de Laeken.

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 » Futur ou une jeune femme anglaise  » 1898 – Marbre de Fernand KHNOPFF ( Musée d’Orsay à Paris / France )
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 » L’art ou Des caresses ou Les caresses  » – 1896 – Fernand KHNOPFF ( C’est la représentation d’Œdipe androgyne et du Sphinx à qui il a donné le visage de sa sœur Marguerite – Œuvre très célèbre de cet artiste ) ( Musées royaux des Beaux Arts de Belgique )

 

 

La solitude … par Clarissa PINKOLA-ESTÉS

 » La solitude n’est pas, comme certains le croient, une absence d’énergie ou d’action, mais plutôt une corne d’abondance sauvage offerte par l’âme. Dans les temps anciens, si l’on en croit les médecins-guérisseurs, les religieux et les mystiques, la solitude intentionnelle était à la fois palliative et préventive. On l’utilisait pour soigner l’épuisement et prévenir la lassitude. On en faisait aussi un oracle, une façon d’écouter son être intérieur pour solliciter le conseil qu’on n’aurait autrement pu entendre dans le brouhaha de l’existence quotidienne. » Clarissa PINKOLA-ESTÉS ( Diplômée en ethnologie et en psychologie clinique, conteuse et psychanalyste née au Mexique, élevée aux Etats-Unis/ Famille hongroise)

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 » Solitude  » – Frederic LEIGHTON