
Devenu empereur sur le tard, ( 51 ans ) et par hasard, Tiberius Claudius Drusus (dit Claude) fait partie d’une grande famille : les Julio-Claudiens , une dynastie dans lesquels apparaissent entre autres, et après avoir éliminé ceux qui , malheureusement, sont morts de façon naturelle ou pas , les noms de Octave Auguste , héritier de Jules César et Tibère qui lui succédera.
Rien, en effet, ne destinait Claude au pouvoir. Il préférait nettement sa vie discrète, les Lettres, l’écriture et l’histoire. On lui doit d’avoir introduit trois nouvelles lettres à l’alphabet latin .
Le meurtre de son neveu Caligula va changer la donne : durant la confusion qui entourait ce crime, certains ont affirmé qu’il se serait réfugié derrière une tenture, que les soldats de la garde prétorienne l’auraient découvert, se seraient inclinés devant lui car, en tant que plus proche parent de la lignée familiale pouvant prétendre à ce titre , il était, désormais, le nouvel empereur. C’est à cette garde prétorienne, garante de sa protection et du maintien de l’ordre, qu’il doit son titre.
Des historiens plus récents sont convaincus qu’il fut probablement complice de ce crime, vengeant ainsi sa mère que feu l’empereur aurait fait empoisonner ou pousser au suicide. Quelle que soit la version, exacte ou erronée, une fois le titre suprême obtenu, il va se trouver transporter dans un monde fait d’intrigues, de rivalités, de trahisons, et ce durant les quatorze années de son règne.


Durant de très longues années, les écrivains antiques ont dressé de lui un portrait vraiment négatif de l’homme et de l’empereur qu’il a été . Ils s’étaient forgés un avis en se référant à des potins diffusés à l’époque sur des sortes de petits journaux , dans lesquels on pouvait savoir tout ce qui se passait ou se disait à la Cour et pas que le meilleur ! C’est vrai que placé entre d’autres grands empereurs dont on a retenu plus facilement les noms comme Caligula ou Néron, il a pu faire pâle figure, mais il n’en reste pas moins très intéressant.
Il n’avait pas d’expérience que ce soit en politique ou d’un point de vue militaire, mais c’était un homme très érudit, fort avisé, ambitieux, loin de cette image négative que l’on avait de lui. Il a su avoir une vision des deux , fort judicieuse, que d’autres, quoi qu’on en dise, ne peuvent se vanter d’avoir eu. Il est bien que l’histoire, de nos jours, le réhabilite.
On l’a dit, en effet, stupide, sans charisme, faible, étourdi, manipulé, se laissant facilement influencer ; il a fait l’objet de critiques, de moqueries, de préjugés, d’opinions erronées, et pourtant, en bon Pater Patriae (père de la patrie) qu’il a tenu à être dès sa prise de fonction, il s’est toujours évertué à ce que les romains soient heureux et vivent de façon assez confortable , mettant au point des réformes administratives qui se montreront utiles pour eux. Il se révélera être un vaillant conquérant, réussissant à faire annexer de nouvelles provinces pour étendre l’empire (la Bretagne en 43 le portera en triomphe à Rome) .
Il saura être un bon gestionnaire qui fera preuve d’un certain talent pour le juridique, le fiscal, l’organisation d’un gouvernement et à l’origine de grandes réalisations comme le port d’ Ostie à Rome, dans le delta du Tibre, qui a servi à alimenter les romains en blé.

Il a mis en place un bureau impérial constitué d’affranchis (esclaves libérés) qui, non seulement vont s’occuper de tâches diverses, mais d’importance : secrétariat, comptabilité, enquêtes etc…. , mais se verront attribuer des responsabilités. Cela ne sera pas du goût des sénateurs parce que leurs propres responsabilités (et leurs revenus par la même occasion) s’en trouvaient diminuer.
Quant à la Cour impériale , elle a connu un gros développement sous son règne, ce n’est pas ce qui a été le mieux d’ailleurs parce que monopolisée surtout par les femmes, notamment Messaline qui a énormément comploté contre lui.
Il a également œuvré pour que soit bien organisée, établie, définie l’image que l’on pouvait se faire de la dynastie à laquelle il appartenait à savoir les Julio-Claudiens donnant à chacun la place héréditaire qui lui revenait, y compris la sienne et celle de ses épouses et ses enfants. Pour ce faire, une sorte de campagne publicitaire fut lancée dans tout l’Empire, avec portraits, pièces de monnaie, camées, statues etc… de chacun.
Le musée des Beaux Arts de Lyon (sa ville natale) a souhaité lui rendre hommage au travers d’une exposition basée sur des travaux récents historiques, épigraphiques et archéologiques, réunissant environ 150 pièces : des peintures, sculptures, bijoux, camées, objets divers, bas reliefs, cartes, monnaies, photos de ruines, vidéos.


et …. la célèbre Table Claudienne qui fut découverte en 1528 à la Croix Rousse près de Lyon. Il s’agit là d’un document de bronze sur lequel se trouve un discours que Claude prononça à Rome en 48 devant le Sénat, en faveur des gaulois, citoyens de Rome depuis un certain temps, et qui souhaitaient obtenir le statut de magistrats et de sénateurs . Un geste qui traduisait sa vision universaliste de Rome, son souhait de la voir s’ouvrir à des étrangers venus y vivre et désireux de s’intégrer .
« Ce n’est certes pas sans crainte, Pères conscrits, que j’ai dépassé les limites provinciales qui vous sont habituelles et familières, mais il faut, à présent, plaider sans détermination, la cause de la Gaule chevelue. A ce propos, si on rappelle que les Gaulois ont donné du mal au dieu César en lui faisant la guerre durant dix ans, il faut pareillement mettre en regard une fidélité invariable pendant cent ans et une obéissance plus qu’éprouvée dans mille circonstances préoccupantes pour nous. » » ( Table Claudienne – Traduction française Bérard)

Cette expo aborde l’empereur qu’il a été bien sur, mais l’homme également, son entourage consanguin ( pas ce qu’il y a eu de très positif dans sa vie ), ainsi que ses célèbres et sulfureuses épouses : Messaline et Agrippine, et ses enfants (notamment son fils Britaninicus)- Elle s’intitule :
» CLAUDE – Un empereur au destin singulier – (Lyon, 10 avant J.C. / Rome, 54 après J.C.) » jusqu’au 14 mars 2019 – Les prêts proviennent du musée du Louvre, Cabinet des médailles de la Bibliothèque Nationale de France, l’École supérieure des Beaux Arts de Paris, musées nationaux romains, Palazzo Massimo, British Museum, musées royaux d’art et d’histoire de Bruxelles, et le Römisch-Germanisches museum de Cologne.
Claude est né à Lugdunum ( Lyon ) en 10 avant J.C (il y a 2000 ans env.) – Des fouilles effectuées en 1990 attestent que sa demeure se trouvait sur la colline de Fourvières. Il est le fils d’Antonia la jeune et Drusus l’aîné. Ce dernier s’était très probablement arrêté dans cette ville pour des opérations militaires devant le mener sur le Rhin. Il meurt quand son fils est à peine âgé de deux ans . Claude a un frère, Germanicus, et une sœur, Livilla.
Il bégaie, il boite, il est sujet à des problèmes psychiques : en conséquence de quoi, on se moque,on se désintéresse de lui et on le tient éloigné des responsabilités. On lui donne , malgré tout, une bonne éducation. Tout au plus on lui accorde le droit d’assister à certaines fêtes. C’est ainsi que Germanicus, son frère, l’enfant roi, succède à Tibère à la demande d’Auguste. Malheureusement le vaillant, populaire et jeune général admiré de tous, décède par empoisonnement en Syrie .
Son fils Caïus dit Canigula, autoritaire , violent , pas très stable mentalement parlant, prend sa place en 37. En 41 il est assassiné et Claude, de par sa descendance, se retrouve empereur : sa grand-mère maternelle est Octavia, fille d’Auguste et sa grand-mère paternelle Livie est la mère de son père Drusus, lui -même fils d’Auguste. Quant à Tibère, c’était son oncle paternel … !
Empereur ( le premier à être né hors de Rome ) à 51 ans et déjà une vie derrière lui : fiancé deux fois ( dont une à l’arrière petite fille d’Auguste) et marié à différentes reprises. Il a eu des enfants : Claudius Drusus (de Plautia Urgulanilla) lequel décèdera à la suite d’un accident, Antonia (de Aelia Paetina) puis Octavia Claudia et Britannicus (nom donné après la conquête de la Bretagne ) nés de son mariage avec Messaline.

Messaline était la fille de Marcus Valerius et de Domitia Lepida, arrière petite fille de Marc Antoine, nièce du père de Néron, Gneius Domitius. Elle est adolescente lorsqu’elle épouse Claude, qui approche de la cinquantaine. Très active sexuellement parlant, elle ne va pas se montrer fidèle ( lui non plus d’ailleurs ) et on lui attribuera le surnom de Augusta Meretrix (la putain impériale) –
Non seulement elle le trompe, mais elle n’hésite pas à se prostituer, à se re-marier alors qu’elle est toujours son épouse, et à comploter avec son jeune nouveau mari pour tuer Claude. Scandale à la Cour à la suite de cette dénonciation d’adultère et bigamie ! Elle s’enfuit, on la rattrape, lui demandant de se suicider, elle refuse. Qu’importe , elle sera exécutée sur le champ , en 48, d’un coup d’épée par un soldat.

Claude jure alors qu’il ne se remariera plus, allant même jusqu’à affirmer que s’il violait ce serment on pourrait le tuer .. Oui mais voilà l’empereur avait la réputation d’aimer les femmes, de ne pas résister au charme féminin, d’être esclave de ses sens et c’est la raison pour laquelle ses prétoriens ont préféré (plutôt que de le voir courir à droite et gauche) chercher celle qui pourrait devenir sa nouvelle épouse…Et le choix va se porter sur sa nièce, Julia Agrippina, dite Agrippine la jeune , 34 ans, fille de son frère Germanicus et la sœur de Canigula.

Elle a déjà été mariée à l’âge de 13 ans avec un homme cruel, alcoolique et brutal choisi par Tibère, dont elle a eu un enfant : Néron. Elle aussi ne fut pas ce que l’on peut appeler un modèle de vertu puisqu’elle sera accusée d’adultère, de complicité de complot et exilée jusqu’à la mort de Canigula…. Sa réputation semble n’avoir effrayé personne. Elle va savoir user de ses charmes et de son affection pour se faire aimer de son oncle Claude, non pas en tant que nièce, mais en tant que femme. Il décide de l’épouser, ce qui normalement est interdit entre un oncle et une nièce comme le stipule la loi romaine de l’époque. Qu’importe, le Sénat annule la précédente loi pour en émettre une autre qui permettra ce mariage .
Avec ruse et manigances , elle réussira à faire adopter Néron ( alors âgé de 12 ans )par Claude – Un acte obtenu très probablement en lui mettant la pression, et qui, du coup, écartera Britannicus de la succession. Elle est omni-présente dans la vie de son mari y compris lors de ses réunions de travail voire même oser se rendre au Capitole. Elle va s’acheter une conduite et contrairement à celle qui l’avait précédée, ne pas ternir sa réputation en trompant l’empereur. Tout au contraire, elle fait en sorte d’être irréprochable … face aux autres, parce que dans l’ombre elle agit, complote, démet de leurs fonctions les personnes gênantes, et place ses pions !

Claude s’en rendra malheureusement trop tard. Elle comprend alors qu’elle peut perdre la partie et profitera d’un repas officiel pour le faire empoisonner avec un plat de champignons. Il meurt à Rome en 54 après J.C. – Agrippine s’empressera d’écarter les enfants de Claude en les enfermant jusqu’au sacre de Néron par la garde prétorienne .
Pour avoir le champ libre, Néron suit les bonnes habitudes familiales et fait empoisonner Britannicus. Agripppine tentera, malgré tout, de garder une main mise sur le pouvoir. Cinq ans plus tard, sentant que sa mère est un danger pour lui, Néron la fera assassiner par un centurion. Il règnera 14 ans et sera, de par son adoption, le dernier des Julio-Claudiens.
