» Souvent, il me semble que la nuit est encore plus colorée que le jour. » Vincent VAN GOGH
» J’ai réalisé que si je voulais peindre la nuit, je devais mettre la couleur à la porte car elle ne supporte que la lumière du jour. » Lee KRASNER (Peintre américaine de l’expressionnisme-abstrait)
La nuit a été, elle aussi, comme le jour, une source inépuisable d’inspiration pour les peintres. Peindre dans la nuit (certains l’ont même fait de façon obsessionnelle ), c’est affiner sa vision par rapport à celle que l’on peut avoir dans la journée. Il y a une grande diversité à représenter la nuit : elle peut se faire festive, rêveuse, menaçante, magique, fantomatique, protectrice, bienveillante, méditative, subtile, poétique, mystérieuse, effrayante, apocalyptique, démoniaque, étincelante, lumineuse.
Plus que la nuit, les peintres du passé ont beaucoup représenté l’obscurité avec, parfois, pour seul éclairage une chandelle. Après eux sont arrivés les peintres qui ont eu envie de sortir en plein air de jour comme de nuit et dans ce dernier cas on trouve beaucoup de marines, des villes, ou des paysages ayant pour seule source d’éclairage, la lune ou les réverbères des rues qui apportent une sorte de clair-obscur, un faux jour à la nuit pourrions-nous dire . Ils ont aimé la nuit car tout semble différent, la perspective comme l’atmosphère. Tout apparaît plus compact, tassé, les arbres ont des allures de silhouettes.
La nuit est parfois utilisée pour apporter un caractère dramatique à une scène, ou mettre en valeur un sujet bien particulier. Le réel et l’imaginaire se confondent. Elle n’est pas nécessairement noire , mais peut être grise, brumeuse avec quelques lumières blafardes qui éclairent le reste du tableau, ou avec la lune qui perce les nuages et devient une source de lumière. Certains l’ont vue dans des tons de vert, ou bien de bleu-étoilé comme Van Gogh, ou dans des tons brun-marron qui apporte une touche de mélancolie ou de tristesse.
» Il n’y a pas de nuit noire . Le noir absolu est le fantasme de la nuit, tout comme une lumière éternelle est le fantasme du jour. En vérité, la nuit commence lorsque le noir est traversé par des couleurs. Rien ne montre mieux que l’art de peindre. » Michael FŒSSEL (Philosophe)
La nuit c’est aussi la ville et ses lumières nocturnes éclatantes, ou bien encore la nuit des fêtes festives intérieures , ou celle de personnages réunis autour d’un feu ou attablés au comptoir d’un bar lui-même étant la seule source de lumière d’une rue dans la nuit.


La nuit c’est le monde nocturne des songes souvent repris en peinture avec soit les rêves pleins de douceur, ou les cauchemars avec des représentations de monstres qui intensifient le côté maléfique du tableau comme ont pu le faire les surréalistes avec leurs toiles où apparaissent des créatures un peu irréelles créées par des ombres nocturnes . Cette exposition explore d’ailleurs, avec une certaine pertinence , le côté psychanalytique des artistes pour peintre ce sujet.

La nuit c’est la voie lactée , là où il n’y a finalement ni commencement ni fin. Les peintres ont été poussés vers le cosmos, il les a beaucoup inspiré. Il a été pour eux un nouveau territoire opaque et empreint d’un infini mystère, et ils ont souhaité le sonder en profondeur. Tous les éléments qui en font partie, les ont attirés aussi , que ce soit la lune, les étoiles, les météores, les comètes, les planètes etc…ce qui a permis d’aboutir sur des œuvres très originales, étranges, diverses.


Van Gogh disait « la vue des étoiles me fait rêver » . Sa Nuit étoilée en est une preuve magnifique. Elle avait inspiré et fait rêver Jean-François Millet avant lui à une époque où il se posait ( comme Vincent ) des tas de questions sur l’univers et la place que l’homme y tient.

« J’ai un besoin terrible de, dirai-je le mot, de religion … Alors je vais la nuit dehor pour peindre les étoiles … Il me faut une nuit étoilée avec des cyprès ou, peut-être, un champ de blé mur … » Van GOGH ( lettre à Théo )

Vassily Kandinsky a été un peintre également très intéressé par le cosmos. Non seulement il s’est documenté, mais n’a pas manqué de suivre les recherches basées sur l’astronomie. Au travers de sa peinture, il a cherché à reproduire les planètes par des cercles de différentes couleurs qui se croisent et se métamorphosent au simple contact des unes et des autres …. Miró nous a fait voyager, lui aussi, poétiquement , dans le cosmos avec ses Constellations…. Associés au couple Delaunay, Duchamp, Arp et Calder, ces deux peintres ont signé le Manifeste dimensioniste ( 1936) qui mettait en valeur l’art cosmique et avec lui l’astronomie. On ne peut pas dire qu’il ait eu une longue vie mais toutes les idées qui y furent exprimées, ont continué d’exister et se sont diffusées.

D’autres artistes ont, eux aussi, été très sensible aux domaines de l’astronomie et de la biologie. Et le cosmos a été un terrain tout à fait propice à leurs délires : Jackson Pollok avec Galaxy, Shooting Star, Comet ou Reflection on the big Dipper …. Gerhard Richter et ses tableaux représentant la surface lunaire ( Constellations ) … Lucio Fontana et son Concetto Spaziale … Augusto Giacometti et ses tâches cosmiques reproduites dans Michlstrasse… Man RAY ( A la lumière lunaire )… j’ajouterai etc.. car il y en a eu tant d’autres !




Parce qu’en effet, qui disait espace, disait bien entendu conquête spatiale, les hommes qui sont partis voler là-haut, marcher sur la lune comme Youri Gagarine ou Neil Armstrong. Cette aventure, cette plongée au cœur même du cosmos et de ses profondeurs, les photographies des fusées, et la surface lunaire etc… n’a pas manqué, elle aussi, de les attirer, de les pénétrer, de les envelopper et de les faire partir dans un autre monde d’inspiration.
Le Centre Pompidou de Metz a tenu à se pencher, de façon originale et intéressante, sur le cœur de la nuit plutôt que le passage de l’aube au crépuscule, parce que s’il avait fallu aborder ce dernier point, c’était encore autre chose … Qui sait l’objet d’une autre expo un jour prochain ! Celle-ci aborde les différentes manières qu’il pouvait y avoir d’envisager la nuit, en présentant également des parallèles avec la musique notamment ; tente de comprendre notre place dans l’univers, de répondre aux questionnements que les artistes se sont posés. Elle s’intitule :
» Peindre la nuit » – Jusqu’au 15 Avril 2019 – Soit environ 200 œuvres ( essentiellement des tableaux, mais aussi quelques photographies, vidéos) des XIXe et XXe siècles, prêts du Centre Pompidou Paris, musée d’Orsay, musée Karlruhe, Tate Gallery de Londres ou National Gallery Washington ; et des œuvres signées Winslow Homer, Paul Klee, Henri Michaux, Martin Kippenberg, Gerhard Richter, Francis Bacon, Louise Bourgeois, Brassaï, Peter Doig, Rodney Graham, Martin Kippenberger, Augusto Giacometti, Claude Monet, Lucio Fontano, Pablo Picasso, Ozenfant, Jackson Pollock, Winslow Homer, Anna-Eva Bergman, Amédée Ozenfant, Olaf Nicolai, Gerhard Richter, Brassaï, Etel Adnan, Ann Craven etc etc… j’en passe et des meilleurs !
Des artistes qui non seulement ont peint la nuit mais ont su la saisir. Il faut bien reconnaître que bon nombre de tableaux représentant le nuit sont très souvent assez remarquables et fascinants. Pour ce faire, il a fallu que ces artistes passent la nuit dehors pour mieux l’observer .
» Le sublime de la nuit enseigne à l’homme qu’il possède une autre destination que le savoir. Il ne suffit pas de dire que l’on y voit moins bien la nuit, il faut comprendre pourquoi l’obscurité invite à regarder (et à sentir) autrement. En même temps qu’elle représente un risque, l’absence de témoin confère une plus grande liberté au regard » Michæl FŒSSEL (Philosophe français)